L’aile québécoise du Parti vert pousse Annamie Paul vers la sortie

Annamie Paul a qualifié de «raciste et sexiste» la fronde «d’une minorité de conseillers» menée contre elle au sein de son parti.
Photo: Patrick Doyle La Presse canadienne Annamie Paul a qualifié de «raciste et sexiste» la fronde «d’une minorité de conseillers» menée contre elle au sein de son parti.

L’aile québécoise du Parti vert hausse le ton et pourrait réclamer formellement lundi la démission de sa cheffe, Annamie Paul. Un revers qui tomberait à la veille d’un vote de confiance au conseil général du parti.

« La situation est suffisamment préoccupante pour qu’il y ait une réunion spéciale de l’aile québécoise », explique au Devoir le président de cette instance du parti, Luc Joli-Coeur. Et il s’apprête à proposer une motion, lors de cette rencontre, statuant que « la meilleure chose pour le parti serait que Mme Paul démissionne ».

Les verts québécois avaient lancé un ultimatum à leur cheffe en juin, tout comme les membres du conseil fédéral qui gouverne le parti national. Ils demandent à leur cheffe de renier les propos de son ancien adjoint, Noah Zatzman, qui a traité ses propres députés d’antisémites, et que Mme Paul reconnaisse que ces dires ont pu contribuer au passage de l’élue Jenica Atwin chez les libéraux.

Or, la cheffe n’a pas obtempéré. Elle a en outre depuis menacé d’intenter une poursuite judiciaire contre son parti ou certains membres de son conseil fédéral. Les règles du Parti vert interdisent à tout officier de la formation de poursuivre le parti.

Résultat : l’aile québécoise des verts fédéraux — qui rassemble un représentant de chacune des 39 associations de circonscription que compte le parti dans la province — se réunira de façon exceptionnelle lundi soir.

« Je trouve ça complètement déplacé qu’une cheffe veuille poursuivre son propre parti », dénonce M. Joli-Coeur.

Il semble probable qu’une motion appelant au départ de Mme Paul soit adoptée puisque deux autres initiatives semblables, bien que moins catégoriques, l’ont été ces derniers mois.

Cette fois, la demande serait sans équivoque, et elle proviendrait de l’assemblée des représentants de circonscription. « Ça n’a pas le même poids », note M. Joli-Coeur.

Les membres du conseil fédéral — genre d’exécutif national du Parti vert — devraient ensuite être informés de la position officielle de l’aile québécoise, qui représente près de 10 % du membrariat. Ce qui pourrait influencer leur verdict, mardi, lorsqu’ils tiendront un vote de confiance sur la place d’Annamie Paul à la tête du parti.

Un vote de confiance imminent

 

Le conseil fédéral du Parti vert est partagé quant au sort à réserver à sa cheffe. Pour lui retirer leur confiance, 9 des 12 membres (si l’on exclut la voix de Mme Paul) doivent se prononcer pour la motion. Un tel résultat mènerait ensuite à un second vote de confiance avec l’ensemble des membres du parti lors de l’assemblée générale virtuelle du 21 août.

L’exécutif du Parti vert étudie en outre la possibilité de révoquer la carte de membre de Mme Paul, tel que le révélait le Toronto Star cette semaine. Les règles de la formation stipulent qu’un chef doit nécessairement être « un membre en règle du parti ».

Mme Paul fait face à une réelle fronde au sein de son parti depuis le départ de la députée néo-brunswickoise Jenica Atwin, qui s’était attiré les insultes de Noah Zatzman après avoir critiqué la réaction du parti à la dernière escalade du conflit israélo-palestinien en mai. Mme Atwin s’est jointe au Parti libéral peu après.

« Le rôle d’un leader est de faire élire des députés, pas que des députés partent», résume une source au Parti vert.

Une incompréhension du Québec

 

Les verts québécois reprochent en outre plusieurs positions d’Annamie Paul sur des enjeux québécois.

La cheffe s’est opposée à une motion du Bloc québécois qui stipulait que le Québec a le droit, comme le vise son projet de loi 96, de modifier la Constitution canadienne pour y inscrire que le Québec forme une nation et que le français y est la seule langue officielle. Le député Paul Manly, lui, avait voté pour. Mme Paul a également rejeté la motion bloquiste réclamant des excuses officielles du premier ministre fédéral pour le recours à la Loi sur les mesures de guerre lors de la crise d’Octobre. Ses trois députés avaient voté pour.

Mme Paul, qui ne siège pas aux Communes, a enfin fait valoir qu’un gouvernement vert sous sa gouverne travaillerait pour s’opposer à la Loi québécoise sur la laïcité de l’État.

La cheffe a par ailleurs rejeté la candidature de l’écologiste québécois Christian Simard, en vue de l’élection fédérale attendue cet automne, à cause de ses convictions souverainistes. L’ex-président de Nature Québec était pourtant considéré comme un candidat vedette par les organisateurs québécois du parti.

Annamie Paul est à couteaux tirés avec le Parti vert depuis des semaines. Non seulement le conseil fédéral s’apprête-t-il à tenir un vote de confiance sur sa cheffe, mais ses membres songeraient également à priver Mme Paul d’un budget de 250 000 $ pour sa campagne dans la circonscription de Toronto-Centre.

Le Parti vert a également congédié trois de ses adjoints, dans la foulée d’une quinzaine de mises à pied. Le Fonds du Parti vert a récemment révélé aux instances du parti que sa situation financière était plus qu’inquiétante, les dépenses des verts dépassant leurs revenus à hauteur d’environ 100 000 $ par mois en mai et juin, selon la CBC.

Mme Paul a qualifié de « raciste et sexiste » la fronde « d’une minorité de conseillers » menée contre elle au sein de son parti.

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