Justin Trudeau semble se préparer à une campagne électorale dès cet automne

À la veille de la relâche parlementaire, c’est non seulement aux conservateurs mais également aux néodémocrates et aux bloquistes que Justin Trudeau a tenté de faire porter le probable échec de certains de ses projets de loi. Car ces deux derniers partis qui se disent eux aussi progressistes devraient s’unir au gouvernement libéral pour l’aider à adopter ses priorités, a plaidé le premier ministre à quelques mois d’une probable campagne électorale.
Le discours de Justin Trudeau mardi laissait peu de doutes sur le fait qu’il se prépare à possiblement briguer un nouveau mandat cet automne. « Nous avons vu un niveau d’obstruction et de toxicité à la Chambre des communes qui est réellement préoccupant », a dénoncé le premier ministre libéral.
« On a d’importants projets de loi à faire adopter, mais le Parti conservateur fait tout pour empêcher ces dossiers d’avancer depuis des mois », a-t-il en outre reproché, en citant ses projets de loi de mise en œuvre budgétaire (C-30), pour la carboneutralité en 2050 (C-12) ou contre les thérapies de conversion (C-6). « Ce ne sont peut-être pas des priorités pour le Parti conservateur, mais ce sont des priorités pour les Canadiens. C’est pourquoi on espère que le Bloc et le NPD vont tenir tête [au chef conservateur] Erin O’Toole et travailler avec nous pour faire avancer ces dossiers progressistes », a répété M. Trudeau à plus d’une reprise lors de sa conférence de presse.
Ses critiques à l’endroit des conservateurs ne sont pas nouvelles. Mais le premier ministre, minoritaire aux Communes, remet maintenant sur les épaules des bloquistes et des néodémocrates la responsabilité de permettre l’adoption de ses projets de loi d’ici la relâche parlementaire, mercredi soir.
Les libéraux sont en outre de plus en plus nombreux à répéter, comme leur chef, que le Parlement peine à fonctionner en raison de l’obstruction de l’opposition. Un reproche qui sert généralement à justifier la dissolution du Parlement et la tenue d’une élection dans l’espoir, pour le gouvernement sortant, de décrocher une majorité.
Et c’est précisément ce qu’ont répliqué les partis d’opposition.
Au gouvernement de collaborer
Tour à tour, conservateurs, bloquistes et néodémocrates ont argué que la faute revenait plutôt aux libéraux.
« Si le premier ministre souhaite aller en élections, ce n’est pas parce que la Chambre des communes ne fonctionne pas, mais bien pour obtenir plus de pouvoir, et surtout pas pour aider les gens », a rétorqué le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh.
Le bloquiste Alain Therrien a pour sa part argué que la seule priorité de son parti était « de soutenir ce qui est bon pour le Québec ». « M. Trudeau connaît nos préoccupations ; s’il est motivé à faire passer ses projets de loi, nous offrons notre collaboration avec la condition bien importante que ce qui est présenté soit dans le meilleur intérêt des Québécois. »
Le conservateur Gérard Deltell a quant à lui accusé les libéraux d’avoir eux-mêmes retardé l’étude de leurs projets de loi en prorogeant le Parlement au mois d’août dernier. « Les libéraux n’ont aucune crédibilité lorsqu’ils accusent les autres de retarder leur programme législatif », a-t-il raillé. Dans les faits, cette prorogation n’a cependant éliminé qu’une dizaine de jours de travaux parlementaires.
Mais outre le projet de loi C-30 de mise en œuvre du dernier budget, les C-6, C-12 et C-10 sur la radiodiffusion ont en effet par moments été mis à l’écart de l’agenda parlementaire — fixé par le gouvernement — pendant quelques mois. Le C-10 a néanmoins été adopté aux Communes lundi soir, malgré l’opposition des conservateurs. Et le C-6, mardi après-midi. Seuls des conservateurs (62 des 119 députés) et un indépendant (anciennement conservateur) s’y sont opposés.
Il semble toutefois peu probable que le Sénat parvienne à en terminer l’étude d’ici vendredi, soit la date prévue de l’ajournement des travaux à la Chambre haute.
Le gouvernement espère encore en revanche faire adopter son projet de loi budgétaire aux Communes d’ici mercredi soir et au Sénat par la suite.
Tout projet de loi encore à l’étude meurt au feuilleton à la dissolution du Parlement lors d’un déclenchement de campagne électorale. Si les libéraux sont réélus, ils pourraient ramener ceux qu’ils souhaitent à l’étape de l’étude parlementaire à laquelle ils avaient terminé la session.