L’horreur de Kamloops relance le débat sur la commémoration des victimes pensionnats

Les monuments à la mémoire des victimes des pensionnats autochtones n’ont toujours pas été érigés, à Ottawa ou à Québec, six ans après leur demande par la Commission de Vérité et réconciliation. Pour sa part, un ministre fédéral s’est opposé mercredi au retrait des statues de l’architecte du système des pensionnats, John A. Macdonald, préférant y apposer une plaque explicative.
« Je pense qu’on devrait mettre des plaques qui justifient, qui expliquent ce que ces personnes ont fait, pour que tout le monde puisse voir ce qui s’est passé », a expliqué le ministre des Services aux Autochtones, Marc Miller, lors d’une conférence de presse tenue à l’édifice Sir John A. Macdonald, à Ottawa. « C’est une ironie qui ne devrait échapper à personne », a-t-il commenté.
Le ministre québécois « n’appuie pas les gens qui vont aller détruire des monuments puis casser des choses », mais dit comprendre la colère des Autochtones à son endroit.
L’élu représente justement la circonscription du centre-ville de Montréal où la statue du premier premier ministre a été décapitée par des manifestants, en août dernier. Lundi, une autre effigie du politicien controversé a été retirée, cette fois à la demande des élus municipaux de Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard, après l’annonce de la découverte des corps de 215 enfants autochtones près d’un ancien pensionnat de Kamloops.
« Monsieur Macdonald a été entre autres des architectes des écoles résidentielles, franchement, des camps de travail intensifs, on ne peut pas parler d’écoles », a rappelé Marc Miller.
Sa collègue ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, a ajouté que le juge Murray Sinclair, président de la Commission de vérité et réconciliation (CVR), avait souligné que certaines personnes étaient mal à l’aise d’entrer dans l’édifice fédéral nommé en l’honneur de John A. Macdonald.
En attente d’un consensus
Dans son rapport final daté de 2015, la CVR n’a pas demandé le retrait de la mémoire de personnages historiques.
La Commission a toutefois appelé le gouvernement fédéral à ériger dans la capitale fédérale un monument national sur les pensionnats, « et de l’installer de manière à ce qu’il soit accessible au public et très visible dans la ville d’Ottawa ». Six ans plus tard, ce monument n’a toujours pas vu le jour.
Dans une déclaration, le Patrimoine canadien dit avoir déjà mené des discussions avec des survivants de pensionnats, mais a encore besoin de plus de consultations pour choisir sa conception et son emplacement final. En coulisse, on souligne que l’atteinte d’un consensus sur la question peut prendre beaucoup de temps.
La Commission a aussi demandé au fédéral de commander un tel monument « dans chaque capitale » pour « honorer les survivants et tous les enfants qu’ont perdus les familles et les collectivités concernées ».
Plusieurs années après cette demande et quelques jours après l’annonce de la macabre découverte de Kamloops, les élus à Québec ont fait un premier pas en ce sens, mardi.
Tous les partis à l’Assemblée nationale ont donné leur appui à une motion qui demandait notamment « d’étudier la possibilité d’ériger un monument commémoratif sur les terrains de l’Assemblée nationale en collaboration avec les représentants et les représentantes des Premières Nations et des Inuits ».
Le bureau du ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, a confirmé qu’aucune discussion avec le gouvernement fédéral n’a encore été entamée pour l’établissement de ce monument à Québec.