Le NPD critiqué de toutes parts dans le dossier du professeur Attaran

L’appui d’un député néodémocrate aux propos d’un professeur de l’Université d’Ottawa, qualifiant le Québec de société raciste, promet de hanter le NPD. L’unique député québécois de la formation, Alexandre Boulerice, a été invité à faire un examen de conscience par le Bloc québécois. La cheffe du Parti vert a quant à elle fait valoir qu’à la place de Jagmeet Singh, elle aurait réprimandé son député.
Le leader néodémocrate a défendu mardi le droit de son député ontarien, Matthew Green, d’endosser les propos du professeur Amir Attaran. En tant que « personne racisée », M. Green « a le droit de s’exprimer » a soutenu Jagmeet Singh.
Mais le leader bloquiste, Yves-François Blanchet, y voit une position intenable pour l’élu Alexandre Boulerice. « Si j’étais Alexandre Boulerice, […] je commencerais à me demander […] si je suis à la bonne place dans une formation politique qui institutionnalise une culture selon laquelle tous les Québécois francophones sont racistes et leur premier ministre légitimement élu, un suprémaciste blanc », a raillé le chef du Bloc mercredi matin.
Les bloquistes et les néodémocrates n’en sont pas à leurs premiers accrochages. En juin dernier, M. Singh avait traité le bloquiste Alain Therrien de « raciste », ce qui lui avait valu d’être expulsé des Communes après qu’il a refusé de s’excuser.
Mardi, le chef néodémocrate a indiqué qu’il ne demanderait pas non plus à son député Matthew Green de le faire.
« J’invite les Québécois à porter leur propre jugement sur un député du NPD qui s’en prend systématiquement en particulier aux gens du Bloc, souvent à moi, nous traitant de racistes et de toutes sortes de patentes », a dénoncé M. Blanchet en point de presse, à quelques mois d’une élection fédérale attendue ce printemps ou cet automne.
Alexandre Boulerice reste discret
M. Green a félicité le professeur Attaran sur Twitter, lundi soir, se réjouissant qu’il « résiste au racisme qu’il voit se perpétuer au Québec ». Le professeur a traité sur Twitter le gouvernement québécois de François Legault de « suprémaciste blanc », parce qu’il ne reconnaît pas l’existence du racisme systémique au Québec, et il a qualifié la province de « l’Alabama du Nord ». M. Attaran a également plaidé qu’il n’estime pas que tous les Québécois sont racistes, « mais quand un parti suprémaciste blanc peut remporter une majorité [électorale], c’est un indice quant à la croyance dominante au Québec ».
Alexandre Boulerice a défendu lui aussi son collègue M. Green et son « engagement indéfectible à lutter contre toute forme de racisme, y compris le racisme anti-québécois ». Mais il a également condamné les propos du professeur Attaran qu’il juge « tout simplement délirants et condamnables à leur face même ». « En caricaturant de manière méprisante tout le Québec, ce personnage nuit aux milliers de militants.es citoyens.nes progressistes du Québec, qui luttent chaque jour pour éliminer les discriminations et améliorer la situation des communautés racisées », a-t-il écrit sur Twitter mardi.
M. Boulerice n’a pas répondu aux demandes d’entrevues du Devoir mercredi.
Son collègue Matthew Green a tenté de corriger le tir sur Twitter en après-midi, en écrivant que « certains articles rapportent [qu’il] supporte l’idée que tous les Québécois sont racistes. C’est complètement faux ». Il plaide qu’il a plutôt commenté l’histoire du professeur Attaran, car il « trouve très hypocrite que plusieurs politiciens essayent de censurer un professeur de l’Université d’Ottawa parce qu’il luttait contre le racisme alors qu’il y a quelques semaines, ces mêmes politiciens luttaient bec et ongles pour la liberté d’expression pour une professeur qui avait prononcé le “mot en N” ».
Une heure plus tôt, son chef Jagmeet Singh avait martelé en point de presse que « tous les députés néodémocrates rejettent complètement l’idée que tous les Québécois sont racistes ».
Dans son gazouillis félicitant le professeur Attaran lundi, M. Green écrivait aussi que « la culture de la suprématie blanche réclame la « liberté d’expression » pour les gens blancs qui crachent une rhétorique raciste, puis réclame la censure pour quiconque les dénonce ».
Singh aurait dû désavouer son député
Le choix du chef néodémocrate de défendre son député a également été critiqué par ses adversaires. La cheffe du Parti vert, Annamie Paul, a fait valoir au Devoir qu’elle aurait pour sa part désavoué M. Green s’il avait été membre de son caucus.
« C’est le choix de M. Singh, de voir s’il veut sanctionner son député. Mais moi je ne soutiendrais pas un député qui dirait des choses pareilles. Cela ne reflète pas nos valeurs comme parti. Cela ne reflète pas notre expérience avec les Québécois non plus », a affirmé Mme Paul, qui a souligné en entrevue téléphonique qu’elle ne considère pas que le Québec est une province raciste.
La cheffe des Verts, qui est Noire comme M. Green, s’est dite en désaccord avec les commentaires du professeur Attaran. « Ce n’est pas acceptable, a-t-elle dénoncé. C’est une chose de reconnaître l’existence du racisme systémique, c’en est une autre de mettre toute la population dans le même sac. »
Mme Paul a cependant réitéré qu’elle trouvait « décevant » de voir le premier ministre Legault et le chef Blanchet « nier l’existence du racisme systémique ».
L’Assemblée nationale du Québec a adopté une motion mercredi matin dénonçant « les fréquentes attaques haineuses, discriminatoires et francophobes dont fait régulièrement l’objet la nation québécoise au sein du Canada ». La motion condamnait en outre « les institutions canadiennes qui refusent d’intervenir pour que cessent des agressions envers la nation québécoise ».
Le ministre québécois responsable de la Lutte contre le racisme, Benoît Charette, a plaidé que le professeur Attaran « connaît très mal le Québec. Ses propos sont effectivement teintés de racisme et certainement condamnables », a-t-il reproché.
Annamie Paul a dénoncé, comme Matthew Green du NPD, un manque de cohérence des politiciens qui ont défendu le droit d’une professeure de la même université de prononcer le « mot en N » en vertu de la liberté d’expression académique, mais qui s’opposent maintenant au droit d’un autre professeur de s’exprimer sur le racisme systémique.
Avec Marco Bélair-Cirino