Le procès expéditif de Michael Spavor déçoit à nouveau Ottawa

Une lourde surveillance policière était visible au tribunal de Dandong, vendredi, lors du procès de Michael Spavor. Il était impossible pour les médias d’y accéder.
Photo: Noel Celis Agence France-Presse  Une lourde surveillance policière était visible au tribunal de Dandong, vendredi, lors du procès de Michael Spavor. Il était impossible pour les médias d’y accéder.

Le premier ministre Justin Trudeau a dénoncé vendredi le « manque de transparence » de la Chine à la suite d’un procès expéditif pour Michael Spavor, l’un des deux Canadiens détenus par Pékin depuis plus de deux ans.

Le Canada a déploré que ses représentants consulaires n’aient pas pu assister à la procédure. M. Spavor, un entrepreneur qui faisait des affaires avec la Corée du Nord, est accusé par la Chine d’avoir volé des secrets d’État.

Le chef de mission adjoint à l’ambassade du Canada à Pékin, Jim Nickel, a déclaré que selon l’avocat de M. Spavor, l’audience avait duré deux heures. Elle a pris fin vers midi vendredi, heure locale, dans un tribunal de Dandong, une ville située dans le nord-est de la Chine, à la frontière avec la Corée du Nord. M. Nickel n’a pas voulu donner plus de détails, invoquant la protection de la vie privée de M. Spavor.

Dans une déclaration publiée sur son site Web, le tribunal populaire de Dandong indique qu’il a tenu une audience à huis clos contre M. Spavor pour espionnage et envoi illégal de secrets d’État à l’étranger. Le tribunal ajoute que le verdict sera communiqué à une date qui respectera la loi chinoise. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a expliqué vendredi que l’affaire a été entendue à huis clos parce qu’elle « implique des secrets d’État ».

Une audience judiciaire au procès de l’autre Canadien détenu, l’ancien diplomate Michael Kovrig, doit avoir lieu lundi prochain.

Procès opaque

 

Lors d’un point de presse à Ottawa, vendredi matin, M. Trudeau a rappelé que les détentions arbitraires de MM. Spavor et Kovrig étaient totalement inacceptables. « C’est désolant de voir que non seulement la Chine a utilisé la détention arbitraire contre nos deux citoyens canadiens, mais aussi que ce processus se passe dans la non-transparence », avec l’exclusion des représentants consulaires canadiens, a-t-il déploré.

« Notre priorité absolue reste d’assurer leur libération. Nous continuerons de travailler sans relâche pour les ramener à la maison le plus rapidement possible. »

Négociations

 

À l’extérieur du palais de justice, M. Nickel a déclaré que le Canada espérait toujours que Michael Spavor et Michael Kovrig puissent être remis en liberté grâce à des efforts concertés avec les États-Unis. Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, et le conseiller en sécurité nationale, Jake Sullivan, ont des entretiens depuis jeudi avec des dirigeants de la diplomatie chinoise, en Alaska. « Nous espérons donc que, dans une certaine mesure, ce procès pourra également conduire à leur libération immédiate », a déclaré M. Nickel.

Affaires mondiales Canada a appris mercredi seulement que l’audience de M. Spavor aurait lieu vendredi, un jour après le début du sommet en Alaska. Le ministère chinois des Affaires étrangères a nié toute irrégularité dans le traitement des dossiers des deux Canadiens, attribuant le moment choisi pour les procédures à une coïncidence.

« Les deux Michael », comme on les appelle au Canada, sont détenus depuis décembre 2018, peu de temps après que la Gendarmerie royale du Canada a arrêté la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, à la demande de la justice américaine, qui demande son extradition. Depuis cette date, le Canada est plongé malgré lui au cœur de la lutte diplomatique entre Washington et Pékin.

Mme Meng fait face aux États-Unis à des accusations de fraude et de complot liées à ce que les procureurs considèrent comme un stratagème pour échapper aux sanctions américaines contre l’Iran. La détention de MM. Kovrig et Spavor est généralement vue comme une mesure de représailles de Pékin pour la détention de Mme Meng.

Dans un communiqué, jeudi, la chargée d’affaires américaine à Ottawa, Katherine Brucker, a déclaré que Washington était « profondément alarmé » par les procès intentés contre les deux Canadiens. « Nous sommes aux côtés du Canada pour demander leur libération immédiate et continuons de condamner le manque de protections procédurales minimales pendant leur détention arbitraire de deux ans. »

Les États-Unis ont appelé les autorités chinoises à accéder aux demandes des responsables canadiens et d’autres diplomates étrangers pour assister à la procédure.

« J’ai été encouragé et touché de voir le nombre de diplomates de différents pays, y compris les États-Unis, qui se sont présentés à Dandong pour le procès même s’ils n’ont pas eu accès — ils étaient là pour démontrer leur solidarité », a indiqué M. Trudeau vendredi.

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