Des employeurs écopent pour des erreurs de l’Agence du revenu du Canada
L’Agence du revenu du Canada (ARC) a fourni une feuille de calcul pour la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC) qui était truffée d’erreurs et qui a amputé certaines subventions aux entreprises de moitié.
Pour avoir droit à la SSUC — qui a jusqu’ici permis d’aider près de 400 000 entreprises par l’entremise de subventions totalisant 59 milliards de dollars —, les employeurs doivent remplir des « feuilles de calcul » : des chiffriers Excel que l’ARC fournit sur son site Web depuis le 15 mars.
Or, le chiffrier mis à la disposition des entreprises pour les périodes de paye allant du 5 juillet au 29 août comportait plusieurs erreurs importantes jusqu’à vendredi dernier, à neuf jours de l’échéance pour les demandes de subventions.
L’une d’elles apparaît dans le document depuis presque quatre mois. Une autre « était seulement présente du 23 novembre au 30 novembre, mais il est possible qu’elle l’ait été un peu avant cette date », a reconnu l’ARC dans un courriel envoyé au Devoir.
Le problème du mois de novembre « se limitait à un seul champ de la feuille de calcul, qui apparaissait sous l’appellation “hebdomadaire” plutôt qu’“à la quinzaine” », a expliqué l’ARC. « Pour les employés ayant un lien de dépendance [les propriétaires ou les membres de leur famille, par exemple], le problème pourrait avoir entraîné une diminution de 50 % [des sommes calculées]. […] Pour les employés sans lien de dépendance, le problème pourrait avoir entraîné une diminution de 25 % », a détaillé l’agence fédérale.
Autrement dit : les employeurs qui ont rempli leurs demandes pendant cette semaine de novembre ont pu voir leurs subventions amputées de la moitié ou du quart parce que celles-ci étaient calculées sur une seule semaine, et non deux.
Autre erreur dans la feuillede calcul
Thomas Reid, propriétaire de la garderie Mini-Braves à Québec, a constaté que quelque chose clochait avec la feuille de calcul du 5 juillet au 29 août lorsqu’il a tenté de la remplir, en octobre dernier. Il dit avoir alerté l’Agence du revenu de ce problème le 20 novembre. « L’employé au téléphone l’avait testée dans la version en anglais et il avait dit que c’était correct [contrairement à la version française] », raconte-t-il au Devoir. « Le lundi suivant, ils m’ont dit que c’était corrigé. »
Or, le problème que l’ARC a alors réglé n’avait rien à voir avec la langue dans laquelle la feuille était utilisée… ni avec l’erreur détectée par M. Reid. Le bogue qui a affecté l’entrepreneur a plutôt été corrigé vendredi dernier. Selon un examen effectué par Le Devoir, le problème touchait cette feuille de calcul depuis au moins le 5 octobre dernier.
Cette erreur avait pour effet de passablement réduire la subvention accordée aux entreprises, mais uniquement pour certains propriétaires et leurs familles. Elle n’était présente que dans la version française de la feuille de calcul.
L’ARC a expliqué le problème dans la mise à jour de son chiffrier qu’elle a publiée vendredi dernier, quelques jours après que Le Devoir le lui eut signalé. « Correction du maximum aux deux semaines pour les employés avec lien de dépendance (comme les membres de la famille), qui avait été fixé à la moitié du montant aux deux semaines lorsqu’une entreprise avait une baisse de revenus inférieure à 30 % », a-t-elle écrit.
En raison de ce second problème, les subventions destinées à certains propriétaires d’entreprises et aux membres de leur famille se sont trouvées réduites de presque la moitié. Dans le cas d’une personne gagnant un salaire brut de 2000 $ par deux semaines, la perte de subvention s’élève donc à un peu plus de 700 $ pour la période du 5 juillet au 29 août. L’erreur ne s’est cependant pas produite si cette personne a utilisé la première ligne du formulaire, qui était la seule à ne pas comporter d’erreurs.
Une fois ce bogue réglé, l’ARC a dit au Devoir que celui-ci « touch[ait] un petit sous-ensemble de demandes ». « L’Agence du revenu du Canada regrette cette erreur et les répercussions qu’elle a pu avoir sur les entreprises », a ajouté la porte-parole Sylvie Branch. L’ARC n’a pas pu révéler combien d’entreprises ont pu être touchées par ces deux erreurs ni estimer les sommes d’argent en jeu.
Déployés rapidement
« Ce sont des outils qui sont déployés rapidement et, comme dans tout déploiement rapide, il y a des petits bogues, des petits glitchs », a affirmé Pierre Garant, associé responsable chez Raymond Chabot Grant Thornton, après que Le Devoir lui eut soumis les feuilles de calcul problématiques. « On voit que c’est la 12e version du chiffrier. […] On suit ça avec eux, on s’en sert beaucoup en accompagnant nos clients et, quand on signale des problèmes, l’Agence du revenu du Canada les corrige de façon diligente. »
L’ARC a elle aussi assuré « effectue[r] des essais rigoureux et un contrôle de la qualité de la feuille de calcul et du site Web de la subvention ». « Cependant, malgré ces efforts, de légères erreurs sont possibles », a écrit le porte-parole Charles Drouin, non sans mentionner que l’ARC « regrett[e] tout inconvénient » que les erreurs peuvent entraîner.
Il a ensuite rappelé que l’ARC conseille aux clients de s’assurer qu’ils utilisent la version la plus récente des feuilles de calcul. « Nous avons également publié une liste complète des versions des feuilles de calcul et des modifications que nous avons apportées aux feuilles de calcul depuis le lancement du programme », a-t-il poursuivi.
Les employeurs ayant pu être affectés par ces problèmes ont jusqu’au 31 janvier pour soumettre des modifications à l’ARC, en remplissant les feuilles de calcul à nouveau. « Si les demandeurs ne sont pas en mesure d’apporter des modifications dans ce délai, ils peuvent tout de même réduire l’impact sur les demandes touchées à une date ultérieure en communiquant avec le service des renseignements aux entreprises », a fait savoir M. Drouin. « Les réajustements de crédit ne seront pas acceptés », a-t-il ajouté.