Le Bloc sommé de s’excuser pour ses allégations au sujet du ministre Alghabra

Les reproches fusent de toutes parts après que le Bloc québécois s’est attaqué au nouveau ministre fédéral des Transports en laissant entendre qu’il avait des affinités islamistes. Des ministres libéraux, le chef du NPD, de même que des organisations citoyennes lui demandent de s’excuser. Loin de s’exécuter, le chef Yves-François Blanchet en remet.
Le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC) estime que le chef bloquiste a attaqué le ministre Omar Alghabra « uniquement à cause de sa foi ». « M. Blanchet ne peut pas proférer des insultes en les enrobant dans des figures de style islamophobes et ensuite essayer de s’en sortir en plaidant qu’il n’a fait que soulever une question », écrit dans un communiqué de presse Yusuf Faqiri, le directeur québécois du CNMC. En entrevue, M. Faqiri va plus loin et affirme que « c’est raciste de dire quelque chose comme cela ». Selon lui, M. Blanchet doit être tenu à des « standards plus élevés » du fait qu’il est un chef de parti politique et pas seulement un citoyen ordinaire.
Le Bloc québécois a diffusé un communiqué de presse mercredi dans lequel il dit ne pas vouloir « accuser qui que ce soit », mais enchaîne en affirmant que « des questions se posent sur la proximité d’Omar Alghabra avec le mouvement islamique politique ». Tout cela parce que M. Alghabra a présidé en 2004 et en 2005 la Fédération canado-arabe (FCA). Cinq ans plus tard, cet organisme a perdu ses subventions fédérales destinées à l’anglicisation des nouveaux arrivants parce que le gouvernement conservateur reprochait à son président du jour — un chrétien — de prendre des positions trop pro-palestiniennes dans le conflit au Moyen-Orient. M. Alghabra, 51 ans, est né en Arabie saoudite, de parents syriens, et est arrivé au Canada à l’âge de 19 ans.
Le groupe Les Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient (CJPMO) a lui aussi diffusé un communiqué dans lequel il se dit « outré » des critiques bloquistes. « Il semblerait que la seule critique de M. Blanchet à l’égard de M. Alghabra soit qu’il est arabe et musulman », note le président du CJPMO, Thomas Woodley. « Lorsque nos dirigeants politiques décident de critiquer un collègue, cela doit être basé sur de la substance et non sur des sous-entendus. […] L’insinuation n’est rien qu’un coup bas pour aviver les sentiments islamophobes contre un rival politique. »
Le chef du NPD, Jagmeet Singh, est même allé jusqu’à dresser un parallèle entre la façon de faire bloquiste et celle du président américain Donald Trump. « Après ce qu’on a vu aux États-Unis, il est plus que jamais important de ne pas s’adonner à des politiques de division sans avancer de preuves », a dit M. Singh en conférence de presse. Il a fait valoir que c’est sur la base d’insinuations qu’un « grand nombre de gens » aux États-Unis ont développé des croyances conspirationnistes.
L’unique député néodémocrate du Québec, Alexandre Boulerice, a ajouté sur Twitter qu’Yves-François Blanchet « joue avec le feu » en accusant un ministre uniquement « à case de son implication avec une association arabe laïque ».
Après ce qu’on a vu aux États-Unis, il est plus que jamais important de ne pas s’adonner à des politiques de division sans avancer de preuves
La twittosphère s’est d’ailleurs enflammée. Des citoyens se sont amusés à faire des associations ténues pour mettre en lumière le danger de cette pratique. « M. Blanchet a un nom français comme en avaient un tous les membres du FLQ. Tirez vos conclusions », écrit à la blague l’un d’eux.
Les ministres libéraux de Justin Trudeau y ont dénoncé la sortie bloquiste. « Qu’il accuse ou qu’il s’excuse », a écrit le lieutenant québécois Pablo Rodriguez. Diane Lebouthillier a parlé d’une « tentative de salissage cheap », Mélanie Joly, d’une « attaque gratuite et hypocrite », et Marc Miller, d’une propagation de « rumeurs » qui devrait faire « honte » au parti.
Blanchet persiste et signe
Le chef du Bloc ne s’est pas excusé pour autant. Dans une nouvelle déclaration faite en fin de journée jeudi, Yves-François Blanchet écrit avoir « soulevé des questions légitimes en démocratie ». Il laisse entendre que M. Alghabra s’était prononcé en faveur de la charia — ce que le bureau du ministre a nié — et rappelle qu’à titre de président de la FCA, il s’était prononcé contre la désignation du Hamas comme un groupe terroriste. À cette époque, cela faisait l’objet de débat et même la France ne s’est ralliée à cette désignation qu’en 2005. Encore aujourd’hui, l’Australie et le Royaume-Uni considèrent comme terroriste seulement la branche armée du Hamas.