L’opposition presse Trudeau de durcir le ton envers la Chine

Intimidation de ressortissants au Canada, vol de propriété intellectuelle, et propagande dans des cours de mandarin… La liste des critiques envers la Chine est longue de la part d’élus de l’opposition qui tentent de presser le gouvernement Trudeau d’accentuer son conflit avec la Chine en interdisant l’accès à la technologie 5G à son fleuron Huawei.
Un véritable procès de la République populaire de Chine s’est tenu au sein de la Chambre des communes hier, en l’absence de l’accusée. Alors que les tensions entre les deux pays ont atteint une intensité jamais vue en 50 ans de relations diplomatiques, les parlementaires ont passé l’essentiel de la journée à débattre de la rapidité avec laquelle le gouvernement devrait décider du sort du géant chinois des télécommunications lors de la mise en place du futur réseau cellulaire de 5e génération au Canada.
« Les relations diplomatiques n’ont jamais été aussi [mauvaises] que ça », affirme Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur du Canada en Chine jusqu’en 2016. Selon lui, le pays est sur le point de changer d’approche pour être beaucoup plus ferme avec la Chine, vu l’insuccès du dialogue pour libérer les prisonniers canadiens et l’émergence de profonds désaccords sur Hong Kong ou encore sur le traitement des Ouïghours, récemment qualifié de génocide par un sous-comité des Communes.
Huawei bannie ailleurs
Une motion présentée par le Parti conservateur au Parlement hier demande qu’une réponse soit fournie à Huawei dans les 30 jours, après plusieurs reports de cette décision par le gouvernement. Le texte exige aussi un plan pour lutter contre l’ingérence de la Chine au Canada et l’intimidation de ses ressortissants au pays.
« Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont dit non à Huawei pour leur réseau 5G. Mais le gouvernement libéral continue d’admirer la Chine », a soutenu, accusateur, le chef conservateur, Erin O’Toole, lors de la période de questions en Chambre.
Le chef de l’opposition a fait la liste des reproches dirigés contre le Parti communiste chinois, et non contre le peuple chinois, précise-t-il, comme d’avoir dépouillé l’entreprise canadienne Nortel de sa technologie pour construire Huawei, et d’utiliser l’Institut Confucius, qui a une antenne à Montréal, qui offre des cours de mandarin, comme un « pôle de propagande » toléré trop longtemps par le Canada.
Espionnage
« Huawei est aujourd’hui ce que Nortel était, parce que les services secrets chinois ont tout volé. Même les Britanniques ont rejeté Huawei de leur réseau 5G, après une longue analyse. Ici, l’hésitation est due au jeu politique », analyse Steve Waterhouse, expert en cybersécurité et ancien responsable de la sécurité au ministère de la Défense nationale. Selon lui, le gouvernement ne souhaite pas vexer la Chine dans l’espoir d’une libération des prisonniers canadiens.
En Chambre, le premier ministre Justin Trudeau a dit veiller à ce que les Canadiens aient accès aux nouvelles innovations, comme le réseau 5G, tout en assurant la protection du public. Le délai de 30 jours avant de fournir une réponse à Huawei, proposé par le Parti conservateur, est l’aspect qui pose problème aux libéraux.
Le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, a insisté sur la nécessité de faire confiance aux institutions canadiennes, tout en assurant de mieux pouvoir défendre les intérêts nationaux sans être pressé par un tel délai. Après plus de six heures de débats sur la question hier, le vote sur la motion conservatrice aura lieu aujourd’hui.