Ottawa donne un coup de pouce financier aux aînés

Après les travailleurs, les employeurs, les agriculteurs, les artistes et les étudiants, au tour des aînés d’obtenir d’Ottawa des milliards pour traverser la pandémie de coronavirus. Le gouvernement fédéral leur versera des sommes forfaitaires afin de les aider à faire face aux coûts supplémentaires engendrés par le confinement. Mais les principaux intéressés jugent le tout insuffisant.
Les personnes à la retraite n’ont peut-être pas perdu leur emploi à cause du confinement, mais beaucoup ont perdu une part de leurs revenus qui dépendaient de la performance des marchés financiers. Sans compter qu’elles doivent payer plus cher leurs aliments et absorber les nouveaux frais reliés à leur confinement, comme la livraison de l’épicerie et des médicaments ou encore l’utilisation accrue du taxi en remplacement des transports en commun.
« [Ces coûts supplémentaires] ne sont pas nécessairement très élevés pris individuellement, mais ils s’additionnent pour atteindre les montants que nous prévoyons pour compenser », a plaidé la ministre des Aînés,Deb Schulte.
Ainsi, toute personne qui touche sa pension de la Sécurité de vieillesse recevra sous peu un montant unique de 300 $. Ils sont 6,7 millions dans cette situation. Pour les aînés les moins fortunés, qui sont admissibles au Supplément du revenu garanti (ils sont 2,2 millions), ils recevront en plus une somme additionnelle de 200 $. Au total, ces versements coûteront 2,5 milliards de dollars à Ottawa.
Le Réseau FADOQ (autrefois connu comme la Fédération de l’âge d’or du Québec) a qualifié l’annonce de « rendez-vous manqué ». Il aurait préféré une bonification permanente des prestations aux aînés plutôt que des montants forfaitaires. Entre autres, il aurait voulu que les libéraux réalisent leur promesse électorale de l’automne dernier et augmentent de 10 % la Sécurité de vieillesse pour les personnes de 75 ans ou plus. Les libéraux avaient évalué que cela coûterait 1,6 milliard de dollars maintenant, 2,6 milliards de dollars dans trois ans.
Le gouvernement s’est défendu de ne pas en faire suffisamment pour lesaînés, rappelant qu’ils sont aussi admissibles pour le versement supplémentaire du crédit de la TPS ce printemps et que ceux qui ont perdu un emploi à cause de la pandémie pourront recevoir la Prestation canadienne d’urgence (PCU). En outre, le gouvernement a déjà réduit de 25 % les retraits qu’il oblige les aînés à faire de leur Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR).
Les Canadiens sont obligés de transformer leur REER en FERR avant l’âge de 71 ans puis de retirer chaque année de ce FERR un certain pourcentage de leurs économies (qui varie selon leur âge). Beaucoup, dont le Réseau FADOQ, demandaient la suspension de ces retraits obligatoires en 2020 afin de ne pas forcer les retraités à essuyer des pertes alors que les marchés financiers sont déprimés. Ottawa n’a pas emprunté cette voie.
La ministre Schulte s’est justifiée en rappelant que ces retraits n’ont pas besoin d’être effectués avant la fin de l’année, laissant entendre que la situation sur les marchés pourrait changer d’ici là. « Nous surveillerons les marchés et l’économie pour voir comment la reprise se déroule et nous pouvons vous assurer que nous considérerons toutes ces options. »
Le premier ministre aussi a laissé entendre que l’aide fédérale destinée aux aînés pourrait augmenter plustard. « Évidemment, si cette situation se poursuit pendant encore six mois, pendant encore un an, il va falloir qu’on prenne d’autres mesures », a dit Justin Trudeau.
Le Bloc québécois, s’inspirant des demandes du Réseau FADOQ, avait réclamé que la Sécurité de vieillesse soit bonifiée de 110 $ par mois pour quelques mois. Il interprète l’annonce du gouvernement comme la mise en œuvre pendant trois mois de son idée et s’en félicite.
« On ne fera pas de formalité avec les 10 $ de différence », a lancé le chef bloquiste, Yves-François Blanchet. Le NPD a au contraire critiqué l’annonce d’Ottawa, justement parce qu’il aurait préféré une aide mensuelle.
Le président du Conseil du Trésor, Jean-Yves Duclos, a expliqué qu’il était préférable de verser l’aide d’un coup plutôt que de l’étaler dans le temps. « Les plus petits montants ne sont pas appropriés dans le contexte actuel.C’est maintenant que la crise a lieu, c’est maintenant que les gens ont besoin de recevoir de l’aide du gouvernement canadien », a lancé M. Duclos.
Aider les provinces et les CHSLD
Par ailleurs, M. Trudeau a réitéré le besoin de repenser les structures d’accueil des personnes âgées. « Ces établissements sont confrontés à des défis importants et au cours des prochains mois, le gouvernement fédéral sera présent pour aider les provinces à les relever. »
Pas question toutefois de prendre le contrôle de ces institutions, a assuré M. Trudeau. « Ce n’est pas au fédéral d’avoir la solution pour les CHSLD. On reconnaît le leadership et le champ de compétence des provinces. »
M. Trudeau s’était attiré des reproches à la fin avril lorsqu’il avait qualifié d’« inacceptable » la situation dans les CHSLD.
Justin Trudeau n’est pas prêt à rouvrir la frontière
Le Canada ne compte pas rouvrir sa frontière avec les États-Unis de sitôt, car Justin Trudeau veut d’abord que la pandémie soit contrôlée au pays. « À partir de ce moment-là, on va être vulnérables à l’arrivée de cas à l’extérieur du Canada », s’est-il inquiété mardi. L’entente prévoyant la fermeture de la frontière doit prendre fin le 21 mai, à moins d’être prolongée par les deux pays. M. Trudeau a répété qu’il souhaite faire « très, très attention de ne pas rouvrir nos frontières aux voyages internationaux, y compris avec les États-Unis, avant de juger que c’est le bon moment ». La directrice de la santé publique fédérale a été plus directe, en appelant à une « extrême prudence ». « Puisque les États-Unis sont l’un des pays où il y a encore des cas et qu’ils tentent encore de gérer des éclosions, ils présentent un risque pour le Canada », a laissé tomber la Dre Theresa Tam.
Marie Vastel