Justin Trudeau annonce de l’aide pour les grandes entreprises

Au tour des grandes entreprises de recevoir une aide fédérale. Justin Trudeau leur a promis un nouveau programme de garanties de prêts — y compris pour les compagnies aériennes et celles du secteur énergétique, qui réclamaient de l’aide depuis des semaines.
« L’important, c’est d’empêcher que ces compagnies échouent complètement et qu’on voie des dommages sérieux à l’économie canadienne », a fait valoir le premier ministre. « On préférerait évidemment que ces compagnies puissent trouver du financement sur les marchés privés, mais si elles n’arrivent pas à en trouver à cause de la pandémie, nous allons être là pour les appuyer pendant ces moments difficiles. »
Le Crédit d’urgence pour les grands employeurs (CUGE) offrira des prêts de plus de 60 millions de dollars aux grandes entreprises qui récoltent des revenus annuels de plus 300 millions et qui comptent des opérations importantes ou un effectif important au Canada. Les grandes entreprises à but lucratif — à l’exception de celles du secteur financier — et certaines entreprises sans but lucratif — comme les aéroports — y seront admissibles.
Mais le premier ministre leur a offert un avertissement : « Il s’agit d’un financement de transition, pas d’un chèque en blanc. »
L’objectif d’Ottawa est d’éviter que ces poids lourds fassent faillite à cause de la crise actuelle. Les entreprises qui ont déjà entamé des procédures d’insolvabilité n’y auront donc pas accès. Le CUGE ne pourra pas non plus servir à restructurer une entreprise.
Il s’agit d’un financement de transition, pas d’un chèque en blanc.
Le rachat d’actions sera en outre interdit, tout comme l’utilisation de ces fonds pour offrir une rémunération « excessive » aux cadres de l’entreprise. « Nous nous attendons à ce que l’aide donnée par les contribuables à ces grandes entreprises soit là pour aider les travailleurs, pas les hauts dirigeants », a indiqué M. Trudeau. Les compagnies n’auront toutefois qu’à prendre des « engagements clairs » en ce sens.
Les grandes entreprises qui souhaitent se prévaloir du CUGE devront démontrer qu’elles protégeront les emplois, respecteront les conventions collectives et les obligations de leurs régimes de retraite. Elles devront partager leurs états financiers avec Ottawa. Celles reconnues coupables de fraude fiscale seront d’entrée de jeu non admissibles. Celles qui s’adonnent à des « opérations d’évitement fiscal agressives » seront sommées de faire « des changements pour recevoir ces fonds publics », selon M. Trudeau.
Changements climatiques
Les grandes entreprises qui se prévaudront du CUGE devront enfin toutes s’engager à publier un rapport annuel qui détaillera de quelle façon leurs opérations permettront de participer à la lutte contre les changements climatiques. Idem pour les compagnies pétrolières qui voudraient avoir droit à ces prêts. « Avant d’investir dans une entreprise, je crois qu’il est approprié de voir quelles sont leurs stratégies d’atténuation des risques », a fait valoir le premier ministre.
« Il est tout à fait naturel pour un investisseur — y compris des investisseurs publics comme le gouvernement du Canada — de demander aux gens de quelle façon ils comptent gérer les risques des changements climatiques dans les prochaines années. »
En attendant les détails
Le Conseil du patronat du Québec s’est réjoui de cette annonce, mais il a prévenu qu’il surveillerait les détails, qui restent à venir, « pour s’assurer que le programme répond aux besoins des employeurs ».
On ignore notamment quel sera le montant maximal des prêts offerts, l’horizon de remboursement qui sera imposé aux entreprises ou à quel taux d’intérêt elles pourront faire leurs emprunts.
Quant aux moyennes entreprises, le Programme de crédit aux entreprises du secteur énergétique sera élargi à tous les secteurs afin de leur offrir des prêts pouvant atteindre jusqu’à 60 millions de dollars et des garanties allant jusqu’à 80 millions.
La Chambre de commerce du Montréal métropolitain a aussi salué ces deux annonces fédérales. « Il faut toutefois demeurer attentifs au niveau d’endettement des entreprises qui ont recours aux mesures d’aide en place », a réagi Michel Leblanc, en réclamant des subventions ou des investissements pour stimuler la reprise.
Du côté de l’Alberta, le président du Conseil du trésor, Travis Toews, a noté que c’est précisément l’accès à des liquidités que réclamaient les compagnies pétrolières. Il s’est donc dit satisfait, tout en prévenant à son tour qu’il surveillera les détails.
Il espère que l’obligation de démontrer un plan de lutte contre les changements climatiques n’exclura pas les entreprises du secteur énergétique.
Cette industrie et l’industrie aérienne réclamaient des plans d’aide spécifiques du fédéral. M. Trudeau n’a pas précisé si de tels plans sectoriels étaient encore à l’ordre du jour. « Il pourrait y avoir d’autres mesures à prendre. Nous ne savons pas quelles prochaines étapes seront nécessaires. Nous resterons ouverts à la possibilité d’ajuster nos programmes », a-t-il simplement répondu.
Le gouvernement n’a pas chiffré la facture de son nouveau programme, car il ignore combien d’entreprises y feront appel. Mais puisqu’il s’agit de prêts remboursables, on note que les seuls coûts du programme seront ceux engendrés par son administration et les défauts de paiement.
Le chef conservateur, Andrew Scheer, a reproché au gouvernement d’avoir encore une fois procédé à une annonce dont les détails ne sont pas ficelés, ce qui crée à son avis de la « confusion ». Le chef néodémocrate, Jagmeet Singh, a dénoncé le fait que le nouveau plan d’aide n’exclut pas les compagnies qui ont recours aux paradis fiscaux.