Le Canada touché au sommet de l’État

Le premier ministre Justin Trudeau et son épouse, Sophie Gregoire, en décembre dernier 
Photo: Justin Tang La Presse canadienne Le premier ministre Justin Trudeau et son épouse, Sophie Gregoire, en décembre dernier 

L'épidémie de coronavirus a maintenant atteint le sommet de l'État canadien. L’épouse de Justin Trudeau, Sophie Grégoire, est atteinte de la COVID-19 et Justin Trudeau s'est placé en isolement préventif, forçant l'annulation de la rencontre prévue avec ses homologues provinciaux. Devant l'escalade du nombre de cas de maladie COVID-19, François Legault a réclamé que le Canada ferme sa frontière avec les États-Unis. Mais il a fait cavalier seul, ses homologues excluant l'idée pour l'instant.

Le bureau du premier ministre a annoncé jeudi que l'épouse de M. Trudeau, Sophie Grégoire, est atteinte de la COVID-19. De retour de Londres, elle ressentait des symptômes de la grippe mercredi, notamment une «faible fièvre», et a fait un test de dépistage du coronavirus. Celui-ci s’est avéré positif jeudi. Mme Grégoire est donc en quarantaine «pour une durée indéterminée», bien qu’elle se sente «bien». Le premier ministre ne présente aucun symptôme et ne subira donc pas de test de dépistage pour l’instant, mais par mesure de précaution sera en quarantaine pendant 14 jours.La rencontre que M. Trudeau devait tenir avec les premiers ministres provinciaux à Ottawa, jeudi et vendredi, a du coup été annulée. Les dirigeants s’entretiendront plutôt par téléconférence et discuteront justement de l’épidémie de coronavirus qui prend de l’ampleur au Canada.

Le premier ministre s’est en outre entretenu avec le président américain, Donald Trump. Malgré la décision de M. Trump de fermer ses frontières aux ressortissants européens (sans en avertir le Canada), la vice-première ministre, Chrystia Freeland, a indiqué qu’Ottawa n’avait pas l’intention de lui emboîter le pas. « En ce moment, on a un contrôle élevé sur tous les voyageurs [provenant] des pays où le coronavirus a déjà eu un impact plus élevé », a-t-elle fait valoir, sans toutefois fermer entièrement la porte à cette éventualité. « Concernant l’avenir, on est en train de regarder la situation d’heure en heure. »

Mme Freeland n’a pas semblé craindre que les États-Unis ferment alors leur frontière avec le Canada pour éviter que des Européens contournent l’interdit par le nord. « Nos homologues américains savent très bien l’importance et la force de leur relation avec le Canada et sont aussi au courant de la solidité de la réponse nationale du Canada [à la crise] », a-t-elle plaidé. À aucun moment n’a-t-elle toutefois précisé si les États-Unis ont formellement demandé au Canada de fermer sa frontière aux entrées venues d’Europe.

Le premier ministre québécois, François Legault, a en revanche estimé qu’il fallait « considérer sérieusement » de fermer la frontière avec les États-Unis, car le nombre de personnes infectées du coronavirus est en train d’y exploser.

L’idée a aussitôt été rejetée par deux premiers ministres. « Ce serait absolument dévastateur pour tout le pays », a rétorqué l’Albertain Jason Kenney. Il a plutôt appelé le fédéral à resserrer les arrivées au Canada en ordonnant une quarantaine à tous ceux de retour des pays les plus durement touchés comme l’Iran, la Chine et l’Italie. Le premier ministre ontarien, Doug Ford, a de son côté rappelé l’importance du commerce qui transite entre le Canada et les États-Unis chaque année — lui dont la province dépend particulièrement de ce commerce transfrontalier. « Il est absolument essentiel que les frontières restent ouvertes et que les échanges commerciaux transitent d’un côté et de l’autre. »

Aux Communes, les partis d’opposition ont accusé le fédéral de ne pas contrôler suffisamment les points d’entrée. Le chef conservateur, Andrew Scheer, a soutenu que les passagers du dernier vol arrivé au Canada en provenance d’Italie n’ont « pas été contrôlés ». L’inquiétude était similaire du côté du Bloc québécois, qui a demandé au gouvernement d’emboîter le pas au Québec.

Le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, a répété que les mesures de dépistage ont été renforcées aux aéroports et à tous les points d’entrée depuis le début de la crise. Des sources ont toutefois reconnu que ces mesures n’ont pas été intensifiées au cours des 48 dernières heures.

Bouleversements fédéraux

 

La préparation du budget fédéral n’est pas épargnée par la crise. Le ministre des Finances, Bill Morneau, a révélé jeudi qu’il avait demandé aux économistes du secteur privé de lui faire de nouvelles projections pour préparer son budget. « Il est très important pour nous d’avoir une prévision économique qui est claire dans une situation où il y a beaucoup de volatilité. » Et une réflexion est en cours quant à savoir si le huis clos traditionnel entourant la présentation du budget aura lieu comme à l’habitude — car cet événement prévu le 30 mars réunit des centaines de personnes dans un seul même lieu.

Au Parlement, des mesures sanitaires supplémentaires ont été mises en place. Les micros des députés sont maintenant désinfectés entre chaque point de presse et les journalistes sont tenus un peu plus à l’écart des élus.

Les partis fédéraux discutaient jeudi de la possibilité de suspendre les travaux parlementaires pendant deux semaines, à la suite de la relâche prévue la semaine prochaine pour la relâche scolaire en Ontario.

M. Trudeau n’est pas le seul affecté par la crise. Le député libéral Paul Lefebvre, l’élu bloquiste Mario Simard, le néodémocrate Richard Canning et deux ministres sont aussi en isolement préventif — Mary Ng (Commerce international) et Seamus O’Regan (Ressources naturelles). Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a quant à lui écrit sur Twitter qu’il restait à la maison jeudi parce qu’il ne se sentait pas bien, bien que son médecin ne croie pas qu’il présente des symptômes de la COVID-19.

En Saskatchewan, le premier ministre, Scott Moe, a quant à lui annoncé qu’il ne déclencherait pas d’élection provinciale dès ce printemps tel que le voulaient les rumeurs.

Le bilan de la pandémie dans le monde

Le nouveau coronavirus a fait au moins 4958 morts dans le monde depuis son apparition en décembre, selon un bilan établi par l’AFP vendredi.

Plus de 133 970 cas d’infection ont été dénombrés dans 120 pays et territoires depuis le début de l’épidémie. Ce nombre de cas diagnostiqués ne reflète toutefois qu’imparfaitement la réalité, les pays ayant des politiques de tests et des critères de comptabilité plus ou moins restrictifs.

Depuis le comptage réalisé la veille à 17h GMT (13h au Québec), 35 nouveaux décès et 2513 nouveaux cas ont été recensés dans le monde. La Chine (sans les territoires de Hong Kong et Macao), où la pandémie s’est déclarée fin décembre, a dénombré au total 80 813 cas, dont 3176 décès et 64 111 guérisons. Vingt nouveaux cas et sept nouveaux décès ont été annoncés entre jeudi et vendredi.

Ailleurs dans le monde, on recensait vendredi matin un total de 1782 décès (28 nouveaux) pour 53 163 cas (2493 nouveaux). Les pays les plus touchés après la Chine sont l’Italie avec 1016 morts pour 15 113 cas, l’Iran avec 429 morts (10 075 cas), l’Espagne avec 84 morts (3004 cas) et la Corée du Sud avec 67 morts (7979 cas).

Depuis jeudi, l’Inde et la Norvège, ont annoncé les premiers décès liés au virus sur leur sol. Le Ghana, le Kenya et Saint-Vincent-et-les-Grenadines ont eux annoncé le diagnostic de premiers cas. 
 
Agence France-Presse



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