Le Canadien Pacifique veut faire lever le barrage à Kahnawake

Alors que François Legault s’impatiente et réclame le démantèlement de la barricade à Kahnawake et que le Canadien Pacifique (CP) a obtenu une injonction en ce sens, les activistes mohawks qui s’y trouvent préviennent qu’ils n’ont pas l’intention de se laisser faire. Ailleurs au pays, de nouvelles barricades ont été érigées et des arrestations ont eu lieu.
Mardi avant-midi, le premier ministre, François Legault, a déclaré s’attendre à ce que la SQ prenne « toutes les mesures possibles » pour démanteler la barricade sur le territoire mohawk de Kahnawake, « si possible » avec la police de la communauté (Peacekeepers). « On perd plus de 100 millions de dollars par jour actuellement, juste pour l’économie du Québec. Il y a des personnes qui souffrent, et trois semaines, c’est très long », a fait valoir M. Legault.
Par ailleurs, la Cour supérieure a accordé mardi au CP une injonction valide pendant dix jours, à l’échelle de la province, sommant les manifestants de ne pas obstruer les rails de la compagnie.
À Kahnawake, des dizaines de véhicules étaient stationnés à la mi-journée devant les blocs de béton restreignant l’accès au barrage érigé il y a 15 jours. Aucun véhicule de police n’était en vue, mais de nombreux Mohawks réunis à ce premier poste de contrôle semblaient tenir un conciliabule. Un homme, agitant un bâton de crosse, faisait voler une balle en l’air.
Quelques minutes plus tard, Kenneth Deer, le secrétaire de la nation mohawk à Kahnawake, s’est avancé vers les journalistes. « Pour l’instant, rien n’a changé de notre côté [malgré l’injonction]. Nous sommes ici en soutien aux chefs wet’suwet’en de Colombie-Britannique, et si la GRC fait une entente avec eux, que les chefs sont satisfaits et qu’ils nous le laissent savoir, à ce moment la barricade sera démantelée », a-t-il déclaré.
M. Deer a par ailleurs assuré qu’il n’y avait aucune arme sur le site du barrage, contrairement à ce qu’avait affirmé un peu plus tôt le premier ministre Legault. « Je crois que M. Legault devrait cesser la rhétorique », a-t-il soutenu.
Chez les Peacekeepers, on indiquait en fin d’après-midi n’avoir toujours pas vu l’injonction. Kyle Zachary, l’officier responsable des relations publiques, a expliqué que le corps de police continue d’assurer la sécurité près du blocus et à « préserver l’intégrité territoriale » de Kahnawake. « Ce que je veux dire par là, c’est que toute opération de maintien de l’ordre à Kahnawake sera effectuée par les Peacekeepers », précise l’officier.
La SQ s’est refusée à tout commentaire.

Ailleurs au pays
Au lendemain de l’opération policière à Tyendinaga, en Ontario, au cours de laquelle dix militants ont été arrêtés, de nouveaux barrages ferroviaires ont été érigés lundi et mardi. À Sherbrooke, notamment, une vingtaine de manifestants ont bloqué une voie ferrée du secteur Lennoxville, mardi avant-midi, avant que la police municipale ne procède à des arrestations.
À Kanesatake, près d’Oka, des militants mohawks ont tenu un camp sur la route 344, mais laissaient passer les véhicules. À Listuguj, en Gaspésie, des Micmacs ont maintenu leur barrage ferroviaire.
En Ontario, un groupe d’activistes tenait toujours mardi une barricade au carrefour ferroviaire Bayview, empêchant la circulation de trains de marchandises et de passagers. Sur Facebook, les militants ont indiqué avoir obtenu lundi soir la copie d’une injonction leur demandant de quitter les lieux, qu’ils ont « joyeusement brûlée ».
En Colombie-Britannique, la police a mis fin mardi midi à une manifestation qui a bloqué une entrée du port de Vancouver pendant presque 24 heures. La majorité des activistes ont quitté les lieux quand la police les en a sommés, mais au moins cinq personnes auraient été arrêtées, selon Radio-Canada.
À Ottawa
Malgré la multiplication de barrages, le gouvernement fédéral s’est obstiné à se dire encore optimiste. Le ministre Miller a cependant été incapable de détailler l’état des négociations entre la GRC et les chefs héréditaires wet’suwet’en en Colombie-Britannique. « Je ne suis pas en mesure de vous en dévoiler le contenu et la conclusion », s’est-il contenté de rapporter.
Ces chefs réclament le départ de la division provinciale de la GRC sur leur territoire ancestral, de même que l’arrêt des travaux de construction du gazoduc Coastal GasLink auxquels ils s’opposent — bien que la majorité des conseils de bande élus de la nation aient appuyé le même projet. Au départ, les chefs avaient toutefois uniquement demandé que la GRC déplace son poste de commandement situé sur la route menant aux travaux de construction de ce gazoduc. Ce que la GRC a accepté de faire vendredi, en proposant aux chefs héréditaires de se déplacer dans le village avoisinant de Houston.

Les chefs héréditaires et la GRC ont discuté de cette offre lundi. Et les leaders autochtones ont délibéré de la proposition entre eux mardi. Le gouvernement a fait état de pourparlers « modestement positifs » au cours des derniers jours. Mais le ministre Miller a refusé d’en dire plus.
Le gouvernement de Justin Trudeau réclame depuis des jours une rencontre avec les chefs héréditaires de la nation wet’suwet’en. La ministre responsable des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, ne leur a pas parlé depuis vendredi et n’a toujours pas réussi à obtenir cette rencontre sur leur territoire. Elle a esquivé les questions des médias, mardi.
Au sein du cabinet de Justin Trudeau, certains ministres ont dû gérer de nouvelles barricades dans leurs propres circonscriptions. C’est le cas de la ministre du Revenu et députée de Gaspésie, Diane Lebouthillier, qui a continué d’appeler au dialogue mais argué qu'« on ne doit pas prendre les populations en otage » avec des barricades. La ministre de l’Agriculture et députée de Sherbrooke, Marie-Claude Bibeau, a, quant à elle, appelé à une solution « à long terme ».
Avec Marco Fortier et La Presse canadienne