Les chefs wet'suwet'en en visite à Kahnawake

Les chefs héréditaires wet’suwet’en étaient de passage samedi à Kahnawake, au sud de Montréal.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Les chefs héréditaires wet’suwet’en étaient de passage samedi à Kahnawake, au sud de Montréal.

« Nous sommes déjà au-delà de la frustration, c’est plutôt de la confusion que nous ressentons. » Ces mots sont sortis de la bouche de Woos, un chef héréditaire wet’suwet’en qui était de passage samedi avec quatre de ses homologues à Kahnawake, au sud de Montréal, afin de remercier les Mohawks de cette communauté de les soutenir dans la défense de leurs terres traditionnelles.

« M. Trudeau a annoncé qu’il n’en tenait qu’à nous, a-t-il poursuivi. Mais nous disons depuis le premier jour que la GRC doit quitter notre territoire. Ensuite, il y aura des discussions et, ensuite, il sera possible de trouver le chemin à suivre pour remédier à la situation. »

Avant d’envisager de lancer un appel à lever les barrages ferroviaires, les visiteurs en provenance de Colombie-Britannique exigent que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) quitte complètement son territoire et que la compagnie Coastal GasLink cesse ses travaux et retire « respectueusement » ses infrastructures.

Vendredi, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a indiqué perdre patience et a invité indirectement la police à intervenir pour démanteler les camps et barricades qui paralysent une grande partie du trafic ferroviaire dans l’est du pays. Depuis ce moment, la communication entre le gouvernement et les chefs héréditaires wet’suwet’en a cessé, selon Woos.

Samedi, ce chef a également remercié les sympathisants non autochtones qui ont offert leur soutien à son peuple. « Il ne s’agit pas seulement des Wet’suwet’en ou des Autochtones de ce pays : cela concerne aussi les non-Autochtones qui partagent les mêmes valeurs environnementales. Les non-Autochtones ont des enfants et des petits-enfants aussi. Ils devraient être très préoccupés par notre environnement. »

De part et d’autre d’un feu de camp, des représentants des deux nations ont d’abord participé à une cérémonie d’une quarantaine de minutes avant de pénétrer dans une maison longue, siège de la Confédération des six nations iroquoises à Kahnawake. Plus d’une centaine de personnes de la communauté, mais aussi de Kanesatake et même en provenance de l’État de New York, étaient sur les lieux afin de participer à une discussion avec les chefs wet’suwet’en. Les médias n’étaient pas admis lors de ces échanges.

Au début de la cérémonie, les chefs wet’suwet’en ont avancé vers leurs cousins mohawks d’un pas lent et solennel. Certains portaient de longues capes à franges, au bout desquelles des billes cliquetaient au rythme de leur démarche. Devant le feu, leurs homologues étaient coiffés de plumes.

Le blocus ferroviaire en était samedi à sa 17e journée à Tyendinaga, en Ontario, et à sa 13e à Kahnawake. Dans la réserve de la Rive-Sud, l’atmosphère autour du barrage était bien différente de celle prévalant il y a une dizaine de jours. Un poste de contrôle empêchait les journalistes de s’approcher du blocage, alors qu’ils étaient auparavant les bienvenus.

Toutefois, près de la maison longue, l’ambiance était conviviale. Quelques enfants jouaient autour du cercle formé par les adultes. Des femmes portaient de longues jupes colorées. Cinq chefs héréditaires wet’suwet’en étaient sur place : les chefs Woos, Smogelgem, Gisdewe, Alphonse Gagnon (aussi connu sous le nom de Kloum Khun) et Freda Huson. Un chef du peuple Gitxsan faisait également partie de la délégation.

Dans la maison longue, ceux-ci ont expliqué pendant environ trois heures leur histoire, leur confrontation avec la GRC et leur combat contre le gazoduc de Coastal GasLink, a rapporté Kenneth Deer, secrétaire de la branche de Kahnawake de la nation mohawk, qui assistait aux discussions.

 

Les échanges devaient reprendre en début de soirée. Chacun des membres de l’assemblée allait alors pouvoir serrer la main des chefs en visite et s’adresser personnellement à eux . Des discussions plus politiques devaient suivre, lors desquelles les Mohawks exprimeraient leur opinion collectivement.

La délégation wet’suwet’en doit reprendre le chemin de la Colombie-Britannique dimanche.

Le chef Picard présent

 

Le chef de l’Assemblée des Premières nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard, a assisté aux discussions dans la maison longue afin de mieux informer les 43 communautés qu’il représente. Il en a aussi profité pour rappeler la position de son assemblée aux journalistes. « Pour nous, c’est clair que les conditions exprimées par les chefs héréditaires sont plus que raisonnables », a-t-il fait valoir en marge de la réunion.

« On a des gouvernements qui continuent de se lancer la balle. Personne n’ose porter l’odieux d’une intervention [policière], sachant ce que ça pourrait causer. Cela étant, je trouve ça très très malhonnête de remettre la balle dans le camp des Premières Nations », a dit le chef Picard.

Il a souligné l’importance du rapport du Bureau d’évaluation environnementale de la Colombie-Britannique, daté du 19 février, qui donne 30 jours à l’entreprise Coastal GasLink pour renouveler les consultations avec la nation wet’suwet’en. L’effet de l’infrastructure sur le centre d’Unist’ot’en, un haut lieu de l’opposition au projet, devra notamment être expliqué en détail, a exigé le bureau.

Coastal GasLink a fait savoir qu’elle répondrait à ces demandes et que le calendrier de construction ne devrait pas être modifié si le dossier est traité promptement.

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