Les conservateurs freinent leur propre projet de loi sur la formation des juges

De passage à Ottawa mardi, Rona Ambrose a demandé à tous les partis de mettre leur partisanerie de côté pour faire adopter son projet de loi dans les meilleurs délais.
Les conservateurs ont mis les freins à un de leurs propres projets de loi, mardi. Ils souhaitent maintenant « élargir » le projet de loi de leur ancienne chef par intérim, Rona Ambrose, sur la formation obligatoire spécifique aux cas d’agressions sexuelles pour les nouveaux juges.
L’opposition officielle à Ottawa souhaite maintenant que les agents de libération conditionnelle et les membres des commissions de libération conditionnelle soient eux aussi obligés de recevoir une formation spécifique pour les cas d’agressions sexuelles, citant le meurtre de Marylène Lévesque, survenu le 22 janvier dernier à Québec, dont le tueur présumé était en semi-liberté au moment des faits.
Ainsi, les conservateurs ont refusé mardi d’envoyer au Sénat la dernière version du projet de loi, qui obligerait les nouveaux juges à suivre une formation sur le droit relatif aux agressions sexuelles.
Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a tenté de faire adopter une motion qui permettrait au projet de loi d’être envoyé directement à la Chambre haute, sans débats. Mais sa motion a été rejetée par les rangs conservateurs.
« Je ne comprends pas, s’est étonné M. Singh. Pour moi, ça ne fait aucun sens de voter contre, alors que c’est un projet de loi […] qui a déjà été présenté à la Chambre des communes puis adopté, a été présenté en comité puis adopté, a été présenté de nouveau en troisième lecture puis adopté encore une fois. Il n’y a aucune raison d’ajouter des délais. »
Lors de la dernière législature, le projet de loi de Mme Ambrose avait en effet reçu l’appui unanime de la Chambre des communes, mais avait été bloqué par le Sénat dans les derniers mois avant la campagne électorale. Il est finalement mort au feuilleton.
L’ensemble des partis — dont les libéraux et les conservateurs — s’étaient engagés en campagne électorale à poursuivre son oeuvre. La promesse s’est concrétisée mardi, alors que le ministre de la Justice, David Lametti, a déposé le projet de loi C-5 à la Chambre des communes.
De passage à Ottawa, mardi, Mme Ambrose avait pourtant demandé à tous les partis de mettre leur partisanerie de côté pour faire adopter ce projet de loi dans les meilleurs délais.
« Ce serait un excellent message à envoyer aux victimes à travers le pays que les députés de la Chambre des communes qui sont ici, élus par les citoyens à travers le Canada, travaillent pour soutenir les victimes d’agressions sexuelles et travaillent fort pour s’assurer que nous avons plus de confiance dans notre système », a-t-elle dit.
Son appel à la collaboration avait été entendu par le bloquiste Rhéal Fortin, qui avait déclaré en matinée qu’il n’aurait « aucune objection » à adopter le projet de loi dans la journée.
S’il devient loi, tous les candidats à une nomination aux cours supérieures provinciales devront s’engager à suivre une formation continue sur le droit relatif aux agressions sexuelles à la suite de leur nomination.
Cette formation, chapeautée par le Conseil canadien de la magistrature, devra être élaborée de pair avec des survivantes d’agression sexuelle et des organisations qui oeuvrent dans le domaine.
M. Lametti dit que le gouvernement cherche à changer les « préjugés » ou les « mythes » entourant les agressions sexuelles. Il espère aussi que les procès seront plus « sensibles » aux réalités des victimes et ne vont pas leur faire vivre de nouveau leur traumatisme.
« Il est essentiel que les juges qui traitent ces affaires soient équipés pour prendre des décisions équitables et appropriées à l’abri des stéréotypes nuisibles et des notions archaïques qui, par le passé, ont ébranlé la confiance des Canadiens dans notre système juridique », a-t-il dit.
Le Conseil canadien de la magistrature aura aussi pour mandat d’émettre un rapport sur la participation à cette formation de tous les juges aux cours supérieures — afin de voir qui l’a suivie ou non.