Le gouvernement canadien compense les victimes, en attendant Téhéran

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a réclamé une fois de plus, vendredi, une enquête indépendante internationale.
Photo: Sean Kilpatrick Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a réclamé une fois de plus, vendredi, une enquête indépendante internationale.

Justin Trudeau veut venir en aide comme il le peut aux familles des victimes de l’avion PS752, abattu en Iran la semaine dernière. Ottawa leur versera des compensations… en attendant que l’Iran fasse de même, a prévenu le premier ministre canadien.

Au fil de ses rencontres avec les proches des victimes, depuis une semaine, M. Trudeau dit avoir constaté leur peine mais aussi leur angoisse financière. Le gouvernement leur offrira donc 25 000 $ par victime, d’ici les prochains jours. L’appareil de Ukrainian Airlines comptait 57 citoyens canadiens à son bord, mais aussi 29 résidents permanents, a révélé le premier ministre vendredi en conférence de presse.

« Je veux être clair : nous nous attendons à ce que l’Iran indemnise ces familles. Mais je les ai rencontrées. Elles ne peuvent pas attendre des semaines. Elles ont besoin de notre aide dès maintenant », a fait valoir M. Trudeau, en soulignant qu’il ne s’agit que d’une « première étape ». « Ce n’est pas l’indemnité qui devrait venir et qui devra venir de la part de l’Iran en temps et lieu. »

Le gouvernement canadien espère ainsi aider les familles — qu’elles se trouvent au Canada, en Iran, ou ailleurs — à couvrir les frais de services funéraires, les aider à compenser le salaire perdu d’un conjoint ou d’un parent, ou encore à payer un voyage vers l’Iran.

« C’est une très, très grande preuve de soutien de la part du gouvernement », a réagi Armin Mottarab, dont le frère Arvin est décédé tragiquement au côté de sa femme Aida Farzaneh dans l’écrasement.

Arvin Mottarab ne détenait pas la citoyenneté canadienne, mais était résident permanent. Son corps a été remis à sa famille en Iran cette semaine. « Si nous obtenons l’argent, cela couvrira les dépenses liées aux funérailles, aux déplacements, à la paperasse et aux frais de justice », explique son frère, qui habite la région de Montréal. « C’est très généreux, et c’est quelque chose que l’on ne voit pas de la part de notre gouvernement, celui de l’Iran. »

M. Trudeau a en outre précisé que le gouvernement iranien semble jusqu’à présent respecter les souhaits de la vingtaine de familles qui désirent rapatrier la dépouille de leur proche au Canada. Certains s’étaient inquiétés de voir Téhéran le refuser, puisque le régime ne reconnaît pas la double citoyenneté de ses ressortissants réinstallés à l’étranger. « La question de double citoyenneté n’entre pas tellement en jeu, parce que les autorités iraniennes sont en train de reconnaître que ce sont les désirs des familles qui priment », a-t-il relaté. Les premières dépouilles devraient arriver au pays au cours des prochains jours.

Le premier ministre a par ailleurs indiqué que son gouvernement allait éponger ou rembourser les frais d’obtention de visas ou de documents de voyage.

Justin Trudeau a réclamé une fois de plus la tenue d’une enquête indépendante internationale et s’est dit optimiste à la suite des premiers échanges à ce sujet avec Téhéran. Mais Ottawa reste sur ses gardes. « Jusqu’à présent, les personnes avec qui nous avons échangé en Iran ont partagé cette volonté. Pour l’instant », a-t-il pris soin de préciser.

Son ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, a quant à lui tenu une rare rencontre avec son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif, à Oman. M. Champagne lui a fait part des demandes du groupe des pays endeuillés (Canada, Grande-Bretagne, Ukraine, Suède, Afghanistan) : leur participation à une enquête transparente, l’accès de leurs fonctionnaires au pays, ainsi que l’indemnisation des familles des victimes. M. Champagne a aussi réclamé que les boîtes noires du vol PS752 fassent l’objet d’une « analyse transparente », ce à quoi l’Iran aurait consenti, selon un compte-rendu de la rencontre.

« Le ministre Zarif a exprimé son soutien à ce que l’Iran continue de travailler avec le Canada et tous les pays en deuil à ces égards. Le ministre Champagne a souligné la coopération de l’Iran jusqu’à présent et a exprimé son espoir que cela se poursuive », a relaté son bureau.

Le ministre de la Défense Harjit Sajjan était pour sa part en Jordanie vendredi, après avoir rendu visite aux troupes canadiennes déployées au Koweït en soutien à la mission canadienne en Irak. M. Sajjan a affirmé que le climat en Iran ne dicterait pas l’état de la mission contre le groupe État islamique en Irak.

Le président iranien, Hassan Rohani, a prévenu jeudi que les troupes européennes au Moyen-Orient pourraient être « en danger » si l’Iran se voit imposer de nouvelles sanctions en vertu de l’accord international sur son programme nucléaire.

M. Sajjan a cependant reconnu que, dans l’éventualité où le gouvernement irakien entérinait officiellement sa demande de voir les troupes étrangères quitter le pays, le Canada n’aurait d’autre choix que d’obtempérer. « Nous sommes là à la demande du gouvernement irakien. Si cela changeait, nous devons le respecter. »

Avec Alexis Riopel

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