Des premiers ministres provinciaux proposent le nucléaire pour le climat

Trois des provinces canadiennes s’opposant à la taxe fédérale sur le carbone s’engagent à travailler ensemble pour développer de petites centrales nucléaires et ainsi réduire autrement leurs émissions de gaz à effet de serre. L’Ontario, qui fait partie du trio, estime qu’il y a davantage de potentiel économique de ce côté qu’à acheter de l’hydroélectricité québécoise.
Les premiers ministres de l’Ontario, de la Saskatchewan et du Nouveau-Brunswick se sont rencontrés dimanche en marge de la rencontre du Conseil de la fédération se tenant aujourd’hui à Toronto. Ils ont signé un protocole d’entente en vertu duquel ils s’engagent à développer la technologie des petits réacteurs modulaires (PRM). Les PRM sont de plus petite taille que les réacteurs traditionnels — certains ont la taille d’un gymnase — et pourraient alimenter de petits réseaux de distribution ou même des secteurs industriels précis. Le Canada s’est doté l’an dernier d’une « feuille de route » pour le développement des PRM, présentés comme un moyen éventuel d’éliminer les émissions de gaz à effet de serre (GES) découlant de la production énergétique.
Le premier ministre saskatchewanais, Scott Moe, a fait miroiter une diminution de 70 % des GES de son secteur énergétique d’ici 2030, et même de 100 % d’ici 2050. Il a toutefois dû reconnaître que cette technologie ne serait pas disponible avant cinq, voire dix ans. L’Ontarien Doug Ford a expliqué que les PRM constituent une solution de rechange énergétique envisagée partout dans le monde et qu’il cherche à positionner sa province sur ce marché évalué à 150 milliards de dollars. C’est pour cette raison qu’il préfère cette voie à l’hydroélectricité québécoise, que tente de lui vendre son homologue François Legault.
« En Ontario, on regarde l’aspect développement économique de la question, a indiqué M. Ford en point de presse dimanche. Nous pourrions exporter cette technologie à travers le monde et devenir un leader mondial. » L’Ontario et le Nouveau-Brunswick sont les deux seules provinces canadiennes à encore exploiter des centrales nucléaires. Avec sa technologie CANDU, le Canada a déjà été un leader mondial du nucléaire civil et M. Ford espère bâtir là-dessus.
M. Ford a réitéré qu’il n’entendait pas acheter l’hydroélectricité du Québec. « Ce n’est pas juste M. Legault [qui tente de lui en vendre]. Terre-Neuve aussi. Le problème, la réalité est qu’on a déjà trop d’énergie. On vend de l’énergie au Québec en hiver pendant les périodes de pointe. On en a juste trop. »
Guide pour Trudeau
M. Moe, qui préside le Conseil de la fédération cette année, a par ailleurs indiqué qu’il attendait de la rencontre de lundi qu’elle guide « l’administration fédérale désormais minoritaire ». C’est un euphémisme de dire que sa province et l’Alberta ont une dent contre le gouvernement de Justin Trudeau et sa politique sur les changements climatiques, considérée comme néfaste pour l’industrie fossile de l’Ouest. M. Moe entend poursuivre sa contestation judiciaire de la taxe fédérale sur le carbone.
« Si le gouvernement fédéral outrepasse — à notre avis — ses champs de compétence pour imposer cette taxe aux entreprises et aux familles de Saskatchewan, la prochaine étape pourrait être d’outrepasser ses compétences en éducation, par exemple […] ou dans le domaine des droits linguistiques », a-t-il dit.
Plus conciliant, Doug Ford a dit espérer de la rencontre qu’elle rassure la planète sur le fait que le Canada est encore un bon endroit pour brasser des affaires. « On doit envoyer un message clair au reste du monde qu’au Canada, oui, nous avons des désaccords, et oui, on respectera les préoccupations des autres provinces, en particulier dans l’Ouest, mais nous sommes un pays uni. »