Ottawa alarme les écologistes en tentant d’apaiser l’Ouest

Le premier ministre Justin Trudeau, accompagné de Chrystia Freeland et de Jim Carr, a rencontré jeudi le maire de Calgary, Naheed Nenshi (à gauche), à qui il a confié être disposé à «améliorer» le système d’évaluation environnementale des projets pétroliers.
Photo: Adrian Wyld La Presse canadienne Le premier ministre Justin Trudeau, accompagné de Chrystia Freeland et de Jim Carr, a rencontré jeudi le maire de Calgary, Naheed Nenshi (à gauche), à qui il a confié être disposé à «améliorer» le système d’évaluation environnementale des projets pétroliers.

Le gouvernement de Justin Trudeau semble changer de ton dans le dossier de l’environnement. Les libéraux se disent maintenant prêts à modifier le processus fédéral d’évaluation environnementale, afin d’apaiser les angoisses de l’Ouest. Un virage qui inquiète les groupes écologistes.

Le tout nouveau conseiller spécial du premier ministre pour les Prairies, Jim Carr, a indiqué au lendemain de sa nomination jeudi que le gouvernement était « ouvert » à modifier la Loi C-69 sur l’évaluation environnementale. « Il y a une volonté de rendre la loi aussi solide que possible — en matière de protection de l’environnement, de consultation des populations autochtones —, mais aussi de s’assurer que de bons projets peuvent être construits », a-t-il affirmé, en marge d’une rencontre avec le premier ministre et le maire de Calgary, Naheed Nenshi.

À sa sortie de cette réunion, le maire Nenshi a quant à lui rapporté que le premier ministre s’était dit « intéressé par l’amélioration du système et de la C-69 ».

Pourtant, le gouvernement Trudeau a toujours systématiquement refusé d’assouplir sa réforme de l’évaluation environnementale de projets énergétiques au pays, malgré les demandes du Sénat, lors de l’adoption du C-69 au printemps dernier, et celles de l’Alberta et de la Saskatchewan, depuis des mois.

Le nouveau ministre des Ressources naturelles, Seamus O’Regan, tenait toutefois désormais le même discours que M. Carr jeudi. « Nous regardons la mise en oeuvre de ces lois. […] J’ai bien hâte d’écouter les gens de l’industrie, en particulier les travailleurs, les investisseurs, les entreprises et les représentants des gouvernements provinciaux pour entendre leurs idées », a-t-il dit, avant de s’envoler pour l’Alberta afin d’y rencontrer sa nouvelle homologue.

La loi ne sera pas modifiée, a pour sa part indiqué le nouveau ministre de l’Environnement, Jonathan Wilkinson. « Mais nous sommes certainement ouverts aux propositions constructives quant à la façon de la mettre en oeuvre », a-t-il reconnu. « Une part du processus, lorsque l’on s’assure de mettre en oeuvre une politique adéquatement, est d’écouter les idées et les préoccupations afin de s’assurer que c’est fait de la meilleure façon possible », a fait valoir le ministre. « Cela ne veut pas nécessairement dire qu’on la resserre ou qu’on l’assouplit. Cela veut dire qu’on rend la loi adéquate. »

Bien que les libéraux aient tenté d’insister pour dire qu’ils n’abrogeraient pas complètement leur réforme de l’évaluation environnementale, les groupes environnementaux sont restés troublés.

Nous croyons que le gouvernement doit faire preuve de cohérence et de vision, et ce, d’une législature à l’autre

« La peinture verte de ce gouvernement se dilue rapidement en ce début de mandat. Pour un gouvernement qui se vantait pendant la campagne d’avoir renforcé le système de protection environnementale qu’avait démantelé [Stephen] Harper, c’est indécent et inquiétant », a dénoncé Patrick Bonin de Greenpeace, en déplorant une fois de plus que l’environnementaliste Steven Guilbeault ait été nommé ministre du Patrimoine plutôt que de l’Environnement. « S’il continue ainsi, le gouvernement va finir par devoir composer avec un greenexit, parce que les gens se mobiliseront et lui rappelleront que ce ne sont pas les pétrolières qui votent lors des élections. »

Du côté d’Équiterre, « nous croyons que le gouvernement doit faire preuve de cohérence et de vision, et ce, d’une législature à l’autre, a précisé Marc-André Viau. Équiterre restera vigilant pour s’assurer qu’on ne procède pas à un nivellement par le bas des politiques environnementales. »

Le nouveau ministre Steven Guilbeault a tenté de calmer le jeu, en répétant que le gouvernement ne se penchait que sur l’application des règles d’évaluation environnementale. « Alors, je tiens à rassurer tout le monde, mes anciens collègues : on ne rouvre pas ces lois-là. »

Mais les règlements actuels parviennent déjà à peine à assurer « une mise en oeuvre efficace de la loi », a noté la directrice du Centre québécois du droit de l’environnement, Geneviève Paul. « Il nous semble inacceptable de laisser entrevoir — même indirectement — la possibilité d’assouplir certaines dispositions de la loi C-69 sous prétexte que la réforme ne plaît pas à certaines provinces. »

Le Parti conservateur s’est dit « ouvert » à voir des modifications aux règles d’évaluation environnementale, « mais la loi reste profondément déficiente », a réitéré du même souffle une porte-parole.

Le maire Nenshi était à Ottawa pour relayer au premier ministre les frustrations de ses citoyens et lui faire comprendre qu’elles sont bien réelles et profondes.

M. Trudeau enchaîne les rencontres avec des dirigeants provinciaux et municipaux depuis son élection. Il devrait rencontrer le premier ministre albertain, Jason Kenney, le mois prochain. Vendredi, ce sera au tour du premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, d’être de passage au Parlement.

Contestation d'une enquête sur des écologistes

Un cabinet d’avocats en droit de l’environnement demande au tribunal de mettre fin à l’enquête du gouvernement de l’Alberta sur le financement étranger des organismes militants opposés aux sables bitumineux.

Écojustice allègue que l’enquête de la province sur ce qu’elle qualifie d’« activités anti-albertaines » est motivée par des considérations politiques, présume des conclusions et ne relève tout simplement pas de la compétence du gouvernement.

« Cela est vraiment significatif lorsqu’un gouvernement décide d’utiliser le processus judiciaire pour faire taire les gens », a déclaré l’avocat Devon Page.

Peu de temps après les élections du printemps dernier, le gouvernement du Parti conservateur uni (PCU) a ouvert une enquête de 2,5 millions pour examiner les préoccupations selon lesquelles des organisations écologistes américaines verseraient de l’argent à leurs homologues canadiens dans le but de garder le pétrole albertain dans le sol, au profit des sociétés d’hydrocarbures américaines.

Le commissaire Steve Allan, chargé de l’enquête, a déjà commencé à mener des entretiens.

La prémisse factuelle de l’enquête a été sérieusement remise en doute à plusieurs reprises, mais il s’agit de la première contestation de la légalité de la démarche.

La Presse canadienne



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