Le premier ministre du Manitoba ne digère toujours pas la loi sur la laïcité

Le premier ministre du Manitoba, le conservateur Brian Pallister, ne digère toujours pas la loi 21 du Québec sur le port de symboles religieux. Il réitère qu’il la trouve discriminatoire et inacceptable, même s’il reconnaît que ce faisant, il risque d’attiser les divisions déjà nombreuses au pays.
M. Pallister était de passage à Ottawa pour rencontrer son homologue fédéral, Justin Trudeau, dans le cadre de ces consultations tous azimuts que mène ce dernier afin de bien calibrer l’action à venir de son gouvernement devenu minoritaire. Le premier ministre manitobain a indiqué devant les caméras qu’il avait abordé la question de la controversée loi avec M. Trudeau.
« Je suis plus que préoccupé par cette loi, a expliqué M. Pallister. Je crois que le Québec est bien trop fort pour avoir besoin d’une loi comme celle-là. J’ai beaucoup trop de respect pour le Québec, les Québécois et leur place au sein du Canada pour croire que cette loi est nécessaire. Elle est inutile et dangereuse. Je suis un homme de la terre, alors je n’aime pas l’érosion. Et quand je vois l’érosion des droits des gens, je pense que c’est important de prendre la parole, même si je ne suis pas directement touché. »
M. Pallister a refusé de dire s’il avait demandé au premier ministre canadien de prendre part aux contestations judiciaires actuelles ou à venir de cette loi. « Nous avons discuté de la question. Il y a une préoccupation évidente réelle de ne pas provoquer des divisions en soulevant des enjeux qui provoquent et divisent. Mais c’est une question de droits de la personne, alors ce n’est pas dans ma nature de rester silencieux. »
Brian Pallister avait déjà vertement dénoncé la loi en juin dernier et invité ses homologues des autres provinces à faire de même. La ville de Winnipeg a adopté à l’unanimité une résolution le mois dernier déclarant que la loi 21 « perpétue l’exclusion, la discrimination ».
Front commun effrité
Par ailleurs, bien que M. Pallister fasse en théorie partie du front commun des premiers ministres provinciaux conservateurs s’opposant aux libéraux fédéraux, il a quelque peu pris ses distances vendredi de ses autres collègues. Il a d’abord pris un ton conciliant, disant être venu « en ami » afin d’aider « à restaurer la foi » de ses concitoyens dans le pays. Il a ensuite déclaré qu’il n’avait que faire d’un débat sur la formule de péréquation, débat que réclament ses voisins d’Alberta et de Saskatchewan, Jason Kenney et Scott Moe. M. Kenney menace de tenir un référendum sur la péréquation en 2021 s’il n’obtient pas d’Ottawa un changement à sa très complexe formule de calcul.
« L’idée d’avoir un débat sur la péréquation que six Canadiens comprendraient et apprécieraient découle entièrement du manque de progrès dans la construction [de l’agrandissement] du pipeline Trans Mountain, a soutenu M. Pallister vendredi. La minute où il y aura un pipeline, le débat sur la péréquation deviendra un débat théorique, comme il se doit. »
Il faut dire que contrairement aux autres provinces de l’Ouest, le Manitoba touche de la péréquation, comme le Québec, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard. Le montant lui étant alloué pour 2019-2020 s’élève à 2,3 milliards de dollars, au deuxième rang des provinces bénéficiaires du programme, après le Québec, en montant absolu. Toutefois, en montant par personne, le Manitoba arrive quatrième (à 1610 $ par habitant), derrière les trois provinces atlantiques, mais devant le Québec (1439 $ par habitant).
La péréquation est un programme fédéral visant à compenser financièrement les provinces dont la capacité fiscale est inférieure à la moyenne canadienne afin qu’elles puissent offrir des services sociaux comparables. Ottawa a versé 19,8 milliards cette année à cette fin.