Les liens troubles du PPC

Maxime Bernier, chef du Parti populaire du Canada
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Maxime Bernier, chef du Parti populaire du Canada

Maxime Bernier est accusé d’avoir parmi ses membres fondateurs des militants de groupes haineux. Si bien qu’une organisation contre les groupes d’extrême droite somme la Commission des débats des chefs de désinviter le chef du Parti populaire du Canada afin de le priver d’une tribune qui viendrait légitimer ces idées.

« Il ne devrait pas être considéré comme un candidat légitime », dénonce au Devoir Evan Balgord, du Réseau anti-haine canadien. « Voilà le chef d’un parti marginal qui est devenu le port d’attache d’idéologies très haineuses. Et c’est bien connu. Alors il ne devrait pas être sur la scène des débats des chefs, où il se verra octroyer la même crédibilité que les autres chefs. »

La Commission des débats, qui chapeaute l’organisation des joutes oratoires électorales, a fait volte-face la semaine dernière et décidé d’inviter Maxime Bernier. Or, le réseau Global révélait lundi qu’au moins trois des signataires qui ont appuyé la candidature du Parti populaire du Canada (PPC) auprès d’Élections Canada sont associés à des groupes haineux.

« Nous avons perdu le compte du nombre de partisans, d’organisateurs ou de candidats de ce parti qui ont été démasqués comme étant racistes, bigots, des théoriciens du complot ou carrément des néonazis, avance M. Balgord. Il est devenu un peu impossible de séparer le parti de ce genre de personnes. »

Tout nouveau parti politique doit fournir à Élections Canada les signatures d’au moins 250 Canadiens pour être enregistré comme formation officielle. Global a épluché la liste de 314 partisans fournie par le PPC. Dans le lot se trouve Shaun Walker, qui habite maintenant en Ontario mais qui a été accusé aux États-Unis, selon Global, d’avoir participé à un complot visant à intimider des minorités. Il a été président de la National Alliance, qualifiée par les autorités américaines de « groupe de suprémacistes blancs ». Janice Bultje a participé à la fondation du groupe Pegida Canada, dont le slogan affirme qu’il s’agit de « Patriotes du Canada contre l’islamisation de l’Ouest ». Justin L. Smith a quant à lui été président de la section de Sudbury du groupe anti-immigration les Soldats d’Odin.

Nous avons perdu le compte du nombre de partisans, d’organisateurs ou de candidats de ce parti qui ont été démasqués comme étant racistes, bigots, des théoriciens du complot ou carrément des néonazis

M. Balgord argue que ce n’est « que la pointe de l’iceberg » et affirme avoir déjà recensé après un simple coup d’oeil rapide une dizaine de signataires qui ont des liens avec ce genre de groupes.

Maxime Bernier n’a pas accordé d’entrevue au Devoir lundi. Son équipe a qualifié les accusations du Réseau anti-haine canadien de « ridicules ». Les signatures ont été recueillies aux balbutiements du parti, qui n’avait « aucune infrastructure en place pour vérifier les antécédents de ceux qui ont signé, il s’agissait simplement d’appuyer la mise sur pied du parti », a fait valoir un porte-parole. M. Walker a été expulsé du PPC, M. Smith « nie toute position raciste » et Mme Bultje « dit s’opposer à l’idéologie islamiste [et non à l’islam], ce qui est tout à fait justifié », a rétorqué le parti.

La commission ne plie pas

 

M. Balgord estime qu’en invitant M. Bernier aux débats des chefs, la commission « sera responsable de permettre à ces groupes haineux d’être encouragés » par la présence du chef du PPC à cet événement national.

La commission a cependant réitéré qu’elle n’avait « pas tenu compte de l’argument selon lequel les idées politiques du PPC doivent en soi être utilisées pour déterminer si le PPC peut participer aux débats ». La commission s’en est tenue à évaluer le potentiel du parti de faire élire des députés.

Le chef néodémocrate Jagmeet Singh a lui aussi réclamé que M. Bernier soit désinvité. Mais les chefs conservateur et libéral se sont pliés à la décision de la commission. « Je condamne absolument les personnes ou les groupes qui font la promotion d’idées de haine ou d’intolérance », a commenté Andrew Scheer. Justin Trudeau a dit faire confiance au processus décisionnel de la commission. « J’ai hâte d’avoir l’occasion de dénoncer M. Bernier, pour son intolérance », a réagi le chef libéral.

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