Les libéraux tentent de clore l’affaire SNC-Lavalin

Les libéraux veulent mettre le scandale SNC-Lavalin derrière eux une fois pour toutes, à la veille de l’élection fédérale. Les députés de Justin Trudeau se sont opposés à la majorité mercredi à ce qu’un comité parlementaire se penche sur le rapport du commissaire à l’éthique qui a condamné le premier ministre la semaine dernière.
Conservateurs et néodémocrates s’étaient alliés pour convoquer d’urgence le comité parlementaire de l’éthique, en plein été, afin d’y discuter de la possibilité d’inviter le commissaire Mario Dion pour qu’il discute de son rapport. M. Dion était même au bout du fil, prêt à comparaître par visioconférence. Mais au terme d’une heure et demie de délibérés, les libéraux ont rejeté la demande de l’opposition.
« Ce dossier a été étudié de manière exhaustive », a fait valoir le député Steven MacKinnon. « Le comité de la justice a tenu plus de 13 heures de témoignages, de la part de dix témoins différents, pendant cinq semaines. De plus, nous avons maintenant un rapport détaillé de 63 pages du commissaire qui fait suite à des mois de travail. […] C’est maintenant évident, après les discours de mes collègues, que le véritable objectif de l’opposition est simplement de faire de la politique », a reproché le libéral, en suscitant l’ire de ses rivaux.
Pourtant, les agents du Parlement, comme le commissaire à l’éthique, témoignent régulièrement en comité parlementaire à la suite du dépôt de leurs rapports. La prédécesseure de M. Dion, Mary Dawson, s’était présentée devant ce même comité de l’éthique l’an dernier pour y discuter de son rapport accusant Justin Trudeau d’avoir enfreint la Loi sur les conflits d’intérêts lors de son séjour sur l’île privée de l’Aga Khan. À sa sortie du comité, M. MacKinnon n’a pas expliqué pour quelle raison une telle comparution était cette fois-ci inacceptable.
Mais, de l’avis des députés de l’opposition, les libéraux tentent simplement d’étouffer le scandale à deux semaines du déclenchement de la campagne électorale. « On s’en va en période électorale. Les Canadiens ont le droit de savoir ce qui s’est passé dans ce dossier. Et malheureusement, ils ne le sauront pas parce que les libéraux l’empêchent par tous les moyens », a reproché le conservateur Jacques Gourde.
J’imagine qu’ils trouvaient qu’une heure de témoignage de M. Dion [le commissaire à l’éthique] à la télévision nationale nuirait à leurs chances électorales
« J’imagine qu’ils trouvaient qu’une heure de témoignage de M. Dion à la télévision nationale nuirait à leurs chances électorales, a renchéri Elizabeth May du Parti vert. Mais ils nous avaient aussi promis davantage de transparence et d’éthique. »
Le néodémocrate Charlie Angus a, quant à lui, accusé les libéraux de faire une fois de plus de l’« obstruction » pour aider « un premier ministre qui se croit au-dessus des lois ».
Le député libéral Nathaniel Erskine-Smith a brisé les rangs et appuyé la demande de l’opposition de convoquer M. Dion. Par souci de transparence, a-t-il plaidé, mais aussi pour contester l’interprétation de la loi du commissaire qui était « juridiquement erronée » selon lui. Les cinq libéraux restants détenaient cependant malgré tout la majorité et ont rejeté l’invitation à M. Dion.
Le commissaire a conclu que M. Trudeau a agi de façon inappropriée en tentant d’influencer sa ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, à coup de « manoeuvres troublantes », afin qu’elle intervienne auprès de la directrice des poursuites pénales pour que celle-ci octroie un accord de réparation à SNC-Lavalin accusée de corruption en Libye. M. Dion a en outre déploré que le Conseil privé lui ait refusé des documents confidentiels dans le cadre de son enquête, en évoquant le secret du conseil des ministres.
Des sondages inchangés
Le rapport du commissaire ne semble pour l’instant pas avoir fait bouger les intentions de vote au pays. Un sondage Léger mené pour La Presse canadienne place toujours les libéraux et les conservateurs à égalité avec 33 % d’appuis. La firme observe que la popularité du Parti libéral semble à peu près au même niveau qu’en juillet — avant le rapport de M. Dion — tandis que celle des conservateurs a perdu trois points de pourcentage.
Un second coup de sonde d’Abacus révèle lui aussi que le rapport du commissaire a eu un effet marginal sur l’électorat. Car 50 % des répondants ont affirmé que le rapport avait confirmé l’opinion qu’ils avaient déjà sur toute cette affaire, et 36 % n’étaient même pas au courant des conclusions du commissaire à l’éthique.
Chez les autres (14 % des répondants ont admis que le rapport leur avait fait changer d’avis), cette opinion est très partagée : 8 % croient que le premier ministre tentait de sauver des emplois alors que 6 % croient qu’il a agi de façon inappropriée pour aider une entreprise.