Justin Trudeau n’a pas l’intention de s’excuser

Le premier ministre, Justin Trudeau, a réitéré jeudi ce qu’il répétera sans doute au cours de la campagne électorale à propos de l’affaire SNC-Lavalin : il n’a pas l’intention de présenter des excuses, car il a agi pour protéger des emplois et des familles canadiennes.
Au cours d’un événement à Fredericton en matinée, M. Trudeau a de nouveau affirmé qu’il acceptait le rapport accablant du commissaire fédéral à l’éthique, Mario Dion, et assumait l’entière responsabilité de ce qui s’était passé.
« Je ne vais pas m’excuser d’avoir été là pour défendre les emplois des Canadiens, c’est ma job en tant que premier ministre de défendre les emplois, les communautés, les familles canadiennes, a-t-il dit. Je ne suis pas d’accord avec les conclusions du commissaire à l’éthique, mais j’accepte et je respecte son travail, j’accepte son rapport et je prends l’entière responsabilité. »
Il a également déclaré que le gouvernement avait l’intention de mettre en oeuvre les recommandations d’un rapport distinct, préparé par l’ancienne ministre libérale Anne McLellan, qui conseille de ne pas séparer les fonctions de procureur général et de ministre de la Justice, mais de « renforcer l’indépendance » du procureur général.
Une réunion d’urgence demandée
Jeudi, les conservateurs et les néodémocrates ont exigé jeudi une réunion d’urgence du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels afin d’examiner le rapport du commissaire fédéral à l’éthique.
Deux députés conservateurs membres de ce comité ont écrit à son président pour lui demander de tenir une réunion afin d’examiner une motion visant à inviter M. Dion.
« Il s’agit d’une situation grave, écrivent les députés conservateurs Peter Kent et Jacques Gourde. Non seulement M. Trudeau est le premier premier ministre à avoir été reconnu coupable d’infraction à la loi, il est aussi un récidiviste. »
La prédécesseure de M. Dion avait conclu que M. Trudeau avait violé la Loi sur les conflits d’intérêts en acceptant en 2016 de passer ses vacances de Noël en famille sur l’île privée des Bahamas appartenant au milliardaire Aga Khan, chef spirituel des musulmans ismaéliens du monde.
Le député néodémocrate Charlie Angus a envoyé au président du comité une lettre similaire. Il souhaite aussi qu’il convoque M. Trudeau, le ministre des Finances, Bill Morneau, et l’ancien chef de cabinet de M. Morneau, Ben Chin, aujourd’hui conseiller principal du premier ministre.
Les libéraux, majoritaires au sein des comités, risquent de rejeter cette tentative de l’opposition de braquer plus longtemps les projecteurs sur le rapport Dion, à quelques semaines des élections du 21 octobre. Mais cette manoeuvre risque d’être perçue par certains comme une tentative de camouflage.
Des pressions grandissantes
Justin Trudeau fait face à des pressions grandissantes pour présenter des excuses aux anciennes ministres Jody Wilson-Raybould et Jane Philpott, mais il a clairement indiqué qu’il n’avait pas l’intention de le faire.
Dans une entrevue accordée jeudi à La Presse canadienne, Jane Philpott, qui a quitté le cabinet par solidarité vis-à-vis de Jody Wilson-Raybould plus tôt cette année, a estimé que le premier ministre devait présenter des excuses non pas pour la façon dont il a traité les deux femmes, mais pour avoir violé la Loi sur les conflits d’intérêts.
« Je crois que les Canadiens méritent des excuses », a déclaré Mme Philpott.
Les conservateurs n’ont pas l’intention de laisser l’affaire SNC-Lavalin tomber dans l’oubli, à quelques semaines de la campagne électorale. En plus de vouloir convoquer un comité parlementaire en plein congé estival, leur chef, Andrew Scheer, croit lui aussi que le premier ministre devrait s’excuser « parce qu’il a dit des choses qui n’étaient pas vraies ».
« Il a [dit] des mensonges aux Canadiens. Il a caché la vérité et il a nui à nos institutions judiciaires. C’est inexcusable. Il devra prendre ses responsabilités et s’excuser pour avoir dit des choses qui n’étaient pas vraies », a déclaré M. Scheer.
M. Scheer souhaitait mercredi que la Gendarmerie royale du Canada fasse toute la lumière sur cette affaire, alors que le chef néodémocrate, Jagmeet Singh, réclamait la tenue d’une enquête publique.
Le député bloquiste Rhéal Fortin déplorait quant à lui que « la guéguerre entre libéraux, l’absence de leadership de Justin Trudeau, son incompétence et son manque d’éthique [aient] rendu pratiquement impossible toute tentative de conclure un accord de réparation avec SNC-Lavalin ».