«La confiance, ça fonctionne dans les deux sens», estime Jane Philpott

Même si elles risquaient le « suicide politique », Jody Wilson-Raybould et Jane Philpott demeurent convaincues d’avoir bien agi en tenant tête au premier ministre Justin Trudeau dans l’affaire SNC-Lavalin.
Dans leurs premières déclarations en direct depuis que M. Trudeau les a chassés du caucus libéral, la veille, Mmes Wilson-Raybould et Philpott, côte à côte devant les microphones de la colline du Parlement, ont exprimé mercredi leur déception — qui était déjà gravée sur leur visage.
Les dernières semaines ont été difficiles, ont admis les deux ex-ministres. Mme Wilson-Raybould s’est dite par ailleurs « déçue » de la tournure des événements, mais elle soutient s’être tenue debout pour ce qu’elle croyait juste.
À l’issue d’une réunion spéciale du caucus, en fin d’après-midi mardi, M. Trudeau a expulsé les anciennes ministres en invoquant un « bris de confiance » dans l’équipe libérale.
« La confiance, ça fonctionne dans les deux sens », a lancé mercredi Mme Philpott, qui avait été ministre de la Santé, ministre des Services aux Autochtones puis présidente du Conseil du Trésor dans le cabinet Trudeau.
Elle croit qu’il est important de pouvoir se regarder dans le miroir et de pouvoir se dire que ses choix étaient les bons, mais elle trouve dommage que ses décisions aient eu pour conséquence son expulsion du caucus libéral. Elle n’a toutefois pas de regrets, soutenant qu’elle n’aurait pu défendre certaines positions du gouvernement.
« C’est très regrettable que cela se produise, mais nous devons faire des choix difficiles en politique et nous ne contrôlons pas toujours ce qui va se passer et ce qui vous arrivera », a expliqué Mme Philpott. « Mais au bout du compte, vous devez être capable de vous regarder dans le miroir et de garder la tête haute. »
Mme Wilson-Raybould ajoute : « Si vous défendez ce que vous croyez juste et si vous tenez à respecter vos principes, la vérité et les principes doivent toujours venir en premier — et c’est ce que j’ai fait, et c’est ce que je continuerai de faire. »
Pas illégal, mais pas approprié
Les deux anciennes ministres influentes du cabinet ont rappelé mercredi qu’en faisant pression sur Mme Wilson-Raybould, alors procureure générale, pour qu’elle mette fin aux poursuites pénales engagées contre SNC-Lavalin, M. Trudeau ou l’un de ses adjoints n’a peut-être pas posé un geste illégal, mais assurément un geste inapproprié.
« C’est un peu court de plaider qu’aucune loi n’a été violée, et j’espère que tous les politiciens seront d’accord pour dire qu’il est important de ne pas dépasser les frontières éthiques », a déclaré Mme Philpott.
Les deux anciennes ministres n’ont pas encore décidé si elles se représenteront aux élections d’octobre. M. Trudeau a clairement indiqué mardi que si elles décidaient de se représenter, ce ne serait plus sous la bannière libérale.
« Cela a été un énorme privilège d’être députée. J’aimerais croire que je pourrais continuer à jouer un rôle en politique, mais il est trop tôt pour le dire », a déclaré Mme Philpott, députée de Markham-Stouffville, en Ontario, depuis 2015.
Mme Wilson-Raybould a déclaré qu’elle devait réfléchir, consulter sa famille et parler à ses électeurs de Vancouver.
L’affaire SNC-Lavalin embarrasse le gouvernement Trudeau depuis près de deux mois. Tout a commencé par un article selon lequel Mme Wilson-Raybould pensait avoir été écartée du portefeuille de la Justice parce qu’elle avait refusé d’intervenir auprès du Service des poursuites pénales afin de conclure un accord de poursuite suspendue avec SNC-Lavalin, comme le permet la loi dans certaines circonstances. La firme de génie montréalaise est accusée d’avoir versé des pots-de-vin pour obtenir des contrats en Libye.
Après la parution de l’article, Mme Wilson-Raybould a démissionné de son nouveau portefeuille des Anciens Combattants, suivie de sa collègue Philpott, qui a quitté le Conseil du Trésor.