Crise haïtienne: les touristes québécois seront rapatriés samedi

La centaine de touristes québécois coincés dans un hôtel à Haïti seront évacués samedi matin, selon le premier ministre du Québec, François Legault, qui s’est entretenu avec l’ambassadeur du Canada dans ce pays.
« Air Transat vient de me confirmer que les 113 passagers en Haïti serontrapatriés sur un vol demain matin », a-t-il écrit sur son compte Twitter en fin de journée vendredi.
Il avait révélé quelques heures auparavant que le gouvernement était « très près d’obtenir une solution ».
« Il y a une entreprise de sécurité privée qui est embauchée par Air Transat pour protéger les passagers et on regarde la possibilité demain pour avoir trois hélicoptères qui vont partir de l’hôtel Decameron pour amener les 113 passagers, avec deux voyages, à l’aéroport où il va y avoir un avion d’Air Transat qui pourrait les amener à Montréal », avait-il précisé en marge de sa rencontre avec le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, à Montréal.
Le transporteur aérien a confirmé qu’il mettait la touche finale à un plan d’évacuation « qui sera mis en application au cours des prochaines heures », mais n’a pas voulu donner plus de détails avant samedi pour « ne pas compromettre la sécurité » de ses passagers.
Depuis environ une semaine, Haïti est en proie à de violentes secousses sociales. Des manifestants réclament le départ du président Jovenel Moïse pour de multiples raisons. Les manifestations ont jusqu’ici coûté la vie à plusieurs protestataires et de nombreuses activités sont paralysées en raison du mouvement soulevé par la colère populaire.
Les violences qui secouent le pays empêchent les touristes québécois confinés dans cet hôtel de prendre la route pour rentrer chez eux. Une distance d’environ 70 kilomètres les sépare de l’aéroport de Port-au-Prince.
Expulsions suspendues
Aucun ressortissant haïtien au Canada ne sera expulsé dans son pays natal en raison de la crise qui sévit là-bas. L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a suspendu vendredi les expulsions vers Haïti grâce à un sursis administratif au renvoi, et ce, « jusqu’à nouvel ordre ».
« L’ASFC est consciente des répercussions de cette situation sur les personnes concernées », a indiqué sa porte-parole, Judith Gadbois-St-Cyr, dans un bref courriel.
Elle n’a pas précisé combien de gens ont été expulsés du Canada vers Haïti depuis le début de la crise dans ce pays.
Cette décision réjouit le coordonnateur du Comité d’action des personnes sans statut, André Frantz, qui avait dénoncé plus tôt cette semaine l’expulsion d’un père et de sa fille de 11 ans.
« Par contre, le mot qu’on n’aime pas, c’est “temporaire”, a-t-il dit. Oui, j’accueille la décision positivement, mais je crois que la situation à Haïti ne se réglera pas en quelques jours, quelques semaines, a-t-il ajouté. Je crois qu’il faut mettre quelque chose de plus permanent et offrir aussi un programme de régularisation sur une base humanitaire. »
Questionné par les journalistes vendredi matin sur les expulsions, le premier ministre Justin Trudeau s’était contenté de dire que le gouvernement « était en train de regarder cet enjeu-là ». Il a également évité de préciser s’il soutenait le président haïtien. « Par rapport au président Jovenel, nous suivons la situation de près et nous allons continuer d’offrir de l’aide au peuple haïtien », s’est-il limité à dire.
M. Trudeau a souligné que le gouvernement était « très préoccupé » par cette crise qui touche de nombreux Canadiens. « On est aussi très au courant d’un certain nombre de Canadiens qui sont présentement pris dans le pays et qui veulent revenir, et qui doivent revenir au Canada, et on est en train de travailler à Affaires mondiales et tout notre corps diplomatique pour les aider », a-t-il indiqué.
Évitez les voyages
Par ailleurs, le gouvernement fédéral a publié jeudi soir un nouvel avis concernant Haïti, et recommande maintenant aux Canadiens d’éviter tout déplacement dans ce pays. Ottawa a annoncé que l’ambassade du Canada à Port-au-Prince demeurait fermée vendredi. Les services consulaires sont toujours fournis par téléphone ou par courriel, 24 heures sur 24, et le ministère des Affaires étrangères se dit prêt à fournir toute assistance qui serait requise par ses ressortissants.
Le gouvernement prévient maintenant que « la situation en matière de sécurité pourrait se détériorer rapidement » et que les Canadiens devraient « envisager de quitter [Haïti] par des moyens commerciaux tant qu’ils sont disponibles ».
Des manifestants ont bloqué les principales routes du pays pour exiger la démission du président Jovenel Moïse. Ils sont mécontents de l’inflation galopante et de l’incapacité du gouvernement à poursuivre les responsables d’un détournement de fonds lié au programme vénézuélien de plusieurs milliards de dollars qui exportait du pétrole à prix réduit en Haïti.
Le médecin d’Ottawa Émilio Bazile et trois membres de son équipe des Maritimes font partie de ces Canadiens bloqués en Haïti. Il déclarait jeudi que la nourriture commençait à manquer pour lui et son équipe médicale composée de dix membres, qui se sont rendus dans le sud d’Haïti pour prodiguer des soins à la population locale.
Une équipe de 26 travailleurs humanitaires associés à des missionnaires du Québec fait également partie des dizaines de Canadiens coincés dans l’île des Antilles.
Affaires mondiales Canada a déclaré qu’il fournissait des conseils consulaires aux voyagistes et que des agents sur le terrain en Haïti fournissaient une assistance aux citoyens canadiens.
Le président parle
Le président haïtien, Jovenel Moïse, est sorti jeudi soir de son silence, après une semaine de manifestations violentes pour réclamer sa démission, écartant totalement l’idée d’un départ du pouvoir.« Je ne laisserai pas le pays aux mains des gangs armés et des trafiquants de drogue », a déclaré le chef de l’État, par le biais d’une allocution préenregistrée diffusée sur la télévision publique TNH. « Nous avons déjà connu une série de gouvernements de transition qui ont donné un paquet de catastrophes et de désordres », a-t-il dit en créole.