Le Nouveau-Brunswick se retire des Jeux de la Francophonie

La prochaine édition des Jeux de la Francophonie est sérieusement compromise. Le premier ministre du Nouveau-Brunswick a annoncé mercredi qu’il retirait son gouvernement de l’organisation de l’événement sportif qui devait se tenir dans sa province en 2021.
L’explosion des coûts et le manque de soutien financier d’Ottawa ont motivé la décision de son gouvernement, a fait savoir Blaine Higgs lors d’une conférence de presse à Fredericton. « La seule chose qui peut faire en sorte qu’on aille de l’avant, c’est que le gouvernement fédéral change son approche de financement des Jeux », a-t-il lancé.
Lors de l’octroi des Jeux de la Francophonie aux villes de Moncton et de Dieppe en 2015, le budget a été fixé à 17 millions de dollars. En novembre dernier, la facture anticipée a été multipliée par sept pour atteindre 130 millions. Elle aurait toutefois été sabrée de moitié il y a quelques jours par le comité organisateur, selon les informations de Radio-Canada.
Refusant de revoir à la hausse l’engagement de 10 millions du Nouveau-Brunswick, le gouvernement Higgs a menacé d’annuler la tenue des Jeux si Ottawa ne relevait pas sa contribution financière avant le 30 janvier. Le fédéral promettait d’égaliser chaque dollar investi par la province et les municipalités, insuffisant pour Blaine Higgs, qui arguait que le rayonnement de l’événement est profitable à tout le pays.
Le premier ministre Justin Trudeau n’a pas caché sa déception devant les journalistes, mercredi, qualifiant de « dommage » la décision du premier ministre Higgs. « Le gouvernement fédéral était là pour participer pleinement dans les Jeux de la Francophonie », a-t-il dit.
La ministre des Sciences et des Sports, Kirsty Duncan, s’est pour sa part désolée qu’aucun plan d’action officiel n’ait été présenté par le Nouveau-Brunswick avant de jeter l’éponge. « Encore une fois, nous voyons malheureusement un gouvernement conservateur qui délaisse son leadership en matière d’enjeux francophones », a renchéri la ministre de la Francophonie, Mélanie Joly, en référence au premier ministre ontarien, Doug Ford.
Coup dur pour les Acadiens
Aux yeux de Stéphanie Chouinard, spécialiste des régimes linguistiques et professeure de science politique au Collège militaire royal de Kingston, le nouveau rebondissement dans cette saga est symptomatique d’un gouvernement souvent accusé de tergiverser lorsqu’il est question de services en français. Elle rappelle en guise d’exemple son opposition à ce que chaque ambulance de la province compte au moins un ambulancier bilingue à bord. Une position qui a créé un tollé avant que le ministre de la Santé, Ted Flemming, ne fasse volte-face. « On a l’impression que pour ce gouvernement, le bilinguisme est un enjeu problématique plutôt qu’un atout pour la province », juge Mme Chouinard.« Perdre la chance d’être un hôte pendant cet événement d’envergure internationale, pour les Acadiens — qui s’étaient vraiment ralliés derrière le projet —, c’est une blessure qui va saigner longtemps », analyse en outre la professeure.
De fait, l’annonce du premier ministre Higgs a eu l’effet d’une douche froide pour la fédération des communautés francophones et acadienne. Le président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), Robert Melanson, a aussi vivement réagi. « C’est une catastrophe pour les Acadiens », laisse-t-il tomber en entrevue au Devoir. Selon lui, si chacune des parties impliquées dans l’organisation des Jeux doit faire un examen de conscience — autant les deux paliers de gouvernement que l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) —, « la balle est dans le camp du fédéral ».
M. Melanson en a surtout contre la formule d’Ottawa de partager également les coûts avec le Nouveau-Brunswick. « Notre province n’a pas les moyens de payer ne serait-ce que la moitié des 130 millions, s’insurge-t-il. On est une province avec une population de la grosseur de la ville de Québec. » Est-ce qu’à l’avenir, seules les provinces « riches » pourront tenir des événements d’envergure internationale ? se demande même le président de la SANB.