Blindés vendus à l’Arabie saoudite: Daniel Turp se tourne vers la Cour suprême

En vertu de la loi canadienne, un fabricant de matériel militaire doit obtenir l’aval d’Ottawa avant d’exporter ses produits vers un pays où les droits de la personne des citoyens sont violés de façon «grave et répétée par le gouvernement local».
Photo: Kirsty Wigglesworth Associated Press En vertu de la loi canadienne, un fabricant de matériel militaire doit obtenir l’aval d’Ottawa avant d’exporter ses produits vers un pays où les droits de la personne des citoyens sont violés de façon «grave et répétée par le gouvernement local».

C’est donc jusqu’en Cour suprême que Daniel Turp contestera la vente de blindés canadiens à l’Arabie saoudite. Débouté une deuxième fois, en Cour d’appel fédérale cette fois-ci, le professeur à l’université réclamera maintenant au plus haut tribunal du pays d’invalider l’autorisation donnée par Ottawa à la vente de véhicules blindés légers au régime saoudien.

« J’ai dit que j’irais jusqu’au bout. Et je vais aller jusqu’au bout », a martelé M. Turp au Devoir, mardi, en annonçant qu’il demanderait à la Cour suprême l’autorisation d’en appeler du jugement de la Cour d’appel fédérale rendue vendredi dernier.

Cette décision était venue confirmer celle de première instance, disant que de l’avis de la cour « le ministre [des Affaires étrangères] n’a pas exercé sa discrétion de manière déraisonnable » en approuvant les permis d’exportation de blindés légers canadiens vers Riyad.

Or, Daniel Turp rejette catégoriquement cette interprétation. « La Cour d’appel fédérale semble reconnaître une discrétion totale au ministre qui va tellement loin que, même si on lui prouvait qu’il y a des risques qu’on puisse utiliser des véhicules blindés canadiens pour violer les droits de la personne, il pourrait quand même décider d’autoriser ces exportations », a déploré l’ex-député bloquiste et péquiste, devenu depuis professeur de droit à l’Université de Montréal. « La réalité de ce jugement, c’est qu’on finit par dire que le ministre peut donner une importance plus grande aux questions de commerce qu’aux questions de droits fondamentaux lorsqu’il délivre des permis d’exportation. »

La saga des blindés

 

Au cœur de ce litige se trouve un contrat d’une valeur estimée à 15 milliards de dollars entre le manufacturier ontarien General Dynamics Land Systems et l’Arabie saoudite pour la vente d’un nombre non divulgué de véhicules blindés légers. Le contrat avait été approuvé par le gouvernement conservateur de Stephen Harper. Ce sont les libéraux de Justin Trudeau qui avaient ensuite délivré, à leur arrivée au pouvoir, les permis d’exportation d’une partie du contrat. Une autorisation donnée par le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Stéphane Dion.

En vertu de la loi canadienne, un fabricant de matériel militaire doit obtenir l’aval d’Ottawa avant d’exporter ses produits vers un pays où les droits de la personne des citoyens sont violés de façon « grave et répétée par le gouvernement local ».

Justement, Daniel Turp argue qu’il y avait ce risque. Mais la Cour d’appel fédérale lui a rétorqué que « le ministre pouvait, nonobstant le risque raisonnable que le matériel exporté soit utilisé contre une population civile, décider d’accorder les permis », car selon le gouvernement, cette décision était dans l’intérêt du Canada.

M. Turp déposera d’ici le 1er octobre sa demande d’autorisation d’appel, en évoquant en outre les images vidéo découvertes à l’été 2017 qui montraient que les blindés canadiens ont été utilisés par le régime saoudien dans une opération qu’il disait mener contre des terroristes. Une douzaine de civils avaient été tués par les forces étatiques, dont des enfants.

Le ministère des Affaires étrangères a fait enquête et tranché, cet hiver, qu’il n’avait pas de preuves que ces gestes avaient été commis avec des blindés de fabrication canadienne. Amnistie internationale et des ONG ont sommé la ministre Chrystia Freeland de commander une enquête indépendante.

Le délai moyen des décisions de la Cour suprême, en réponse aux demandes d’autorisation d’appel, est de trois à quatre mois.

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