Au G7, les humeurs d'un président

Justin Trudeau avec ses invités pour une photo de famille au premier jour de la réunion du G7 à La Malbaie
Photo: Justin Tang La Presse canadienne Justin Trudeau avec ses invités pour une photo de famille au premier jour de la réunion du G7 à La Malbaie

Belliqueux ou badin ? Le président américain, Donald Trump, a fait la pluie et le beau temps pour le premier acte du Sommet du G7, commençant la journée avec des gazouillis belliqueux menaçant le Canada de tarifs encore plus douloureux, puis, une fois à La Malbaie, affirmant que la relation avec son voisin du Nord était « aussi bonne, sinon meilleure » qu’elle ne l’avait jamais été.

Dans ses gazouillis mis en ligne au petit matin vendredi, Donald Trump s’en est pris à la gestion de l’offre canadienne et a mis en garde le Canada et les Européens que s’ils répliquaient à ses tarifs sur l’acier et l’aluminium, comme Justin Trudeau a notamment promis de le faire, les États-Unis en rajouteraient.

« Pourquoi l’Union européenne et le Canada ne disent-ils pas au public qu’ils ont pendant des années utilisé massivement des tarifs et des barrières non tarifaires contre les États-Unis ?, a écrit M. Trump. C’est totalement injuste pour nos fermiers, nos travailleurs et nos entreprises. Démantelez vos tarifs et vos barrières, ou alors nous ferons bien plus que les égaler. »

Puis, le président a lancé une autre bombe en suggérant que la Russie réintègre le Groupe des sept. « Ils devraient laisser la Russie revenir parce que nous devrions avoir la Russie à la table de négociation », a-t-il déclaré aux journalistes.

En réaction à ces propos, le président du Conseil européen, Donald Tusk, s’était dit en matinée inquiet de la remise en question par M. Trump de « l’ordre mondial fondé sur des règles ». « Cela ne serait que faire le jeu de ceux qui cherchent à imposer un nouvel ordre post-occidental dans lequel les démocraties libérales et les libertés fondamentales cesseraient d’exister. Ce n’est dans l’intérêt ni des États-Unis ni de l’Europe. »

Tous les observateurs croyaient la table mise pour un affrontement acrimonieux à la première rencontre des dirigeants, qui devait porter sur la croissance économique et les moyens d’en faire profiter la classe moyenne. Or, ce n’est pas l’impression qu’a voulu laisser le président lui-même. Au cours d’une séance de photos précédant son tête-à-tête avec le premier ministre en fin de journée, il a plaisanté en disant que « Justin a accepté d’abolir tous les tarifs et barrières commerciales entre le Canada et les États-Unis ». Plus sérieusement, il a soutenu que le travail allait bon train pour « abolir les tarifs et rendre le commerce équitable pour les deux pays ». « La relation est aussi bonne, sinon meilleure qu’elle ne l’a jamais été. »

« Le ton était cordial », a corroboré la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland. Un porte-parole japonais a soutenu la même chose. La délégation allemande a toutefois mis un bémol : les journalistes qui ont pu s’entretenir avec la chancelière Angela Merkel rapportaient qu’elle avait qualifié le ton des échanges tout au plus de « bon ».

La Russie comme trouble-fête

 

Pourtant, quelques heures à peine avant le début officiel du Sommet, les leaders avaient laissé entrevoir un front commun contre Donald Trump sur le cas de la Russie.

« La position du Canada est très claire à savoir qu’il n’y a aucune raison de ramener la Russie, avec son comportement actuel, dans le G7 », a tranché la ministre Freeland en citant l’invasion de l’Ukraine, l'annexion forcée de la Crimée et l’empoisonnement présumé d’un ancien espion russe en Grande-Bretagne. La Russie s’est jointe au G7 en 1997 et en a été expulsée en 2014. Seul le premier ministre italien, Giuseppe Conte, avait appuyé l’idée de Donald Trump dans un gazouillis vendredi matin, mais il a adouci sa position plus tard dans la journée, plaidant tout au plus qu’il fallait continuer à discuter avec elle.

G6 + 1 ?

Malgré toutes les formules diplomatiques pour donner une impression de bonne entente, il n’était toujours pas assuré vendredi soir que le Sommet du G7 se conclue par une déclaration signée par tous les participants. La chancelière allemande a évoqué cette possibilité avec les journalistes de sa délégation.

Chrystia Freeland a admis que le travail n’était pas terminé quand on lui a demandé s’il était possible que la déclaration finale ne soit signée que par six participants. « Le travail avec le communiqué est toujours du travail difficile, intensif. Et ce travail continue. On verra… » Elle a toutefois voulu tempérer l’impression que le succès ou l’échec du Sommet ne tenait qu’à un communiqué final commun.

« Le communiqué ne sera pas le seul document de ce sommet. Nous avons aussi les documents de Charlevoix sur beaucoup d’enjeux, comme l’appui à la démocratie, une déclaration sur le genre, etc. » M. Trump quittera La Malbaie samedi vers 10 h 30, ce qui lui fera rater les discussions sur les changements climatiques et le plastique dans les océans. Il doit se rendre à Singapour en vue de son sommet sur la Corée du Nord. « Je suis sûr qu’il est content [que je parte] », a plaisanté M. Trump au sujet de ce départ hâtif.

Malgré les différends, les délégations espèrent pouvoir miser sur les terrains d’entente pour soutirer au président américain un appui au communiqué final, qui porterait sur la lutte contre le terrorisme, notamment en Syrie, et le soutien aux femmes et aux filles. Les pays s’apprêteraient d’ailleurs à annoncer une enveloppe d’aide pour financer l’éducation des jeunes filles des pays les plus pauvres. Le Canada y contribuerait à hauteur de 400 millions, selon La Presse canadienne.

Le Canada espère aussi conclure son G7 en annonçant une « charte zéro déchet de plastique ». La ministre de l’Environnement Catherine McKenna reconnaissait toutefois vendredi qu’une entente unanime pourrait être difficile. « Je suis optimiste, mais réaliste. »

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