Le vérificateur général du Canada critique les délais des tribunaux militaires

Les tribunaux militaires canadiens mettent aussi trop de temps pour régler certaines causes, avec parfois d’énormes conséquences.
Il y a deux ans, les cours martiales du pays ont abandonné dix causes pour motif de retard. Dans près de la moitié des cas (neuf causes sur vingt examinées), les délais de traitement en justice ont dépassé dix-huit mois.
La situation des retards nuisibles dans les tribunaux civils a été entendue et jugée. Une décision de la Cour suprême du Canada de 2016 (arrêt Jordan) a déclaré préjudiciables les délais de plus de dix-huit mois pour la durée totale d’un procès. Le droit constitutionnel s’applique aussi aux militaires.
L’information sur les délais des cours militaires se retrouve dans un des sept rapports du printemps diffusés mardi à Ottawa par le Vérificateur général (VG) du Canada.
L’évaluation du système de justice des soldats révèle d’autres lacunes de base. Dans un cas documenté, un accusé n’a pas été informé de son droit à un avocat et les procureurs de l’armée lui ont caché des informations utiles à sa défense.
« Nous avons constaté des retards tout au long des étapes du processus de justice militaire, écrit le VG, Michael Ferguson. Nous avons aussi constaté que les Forces armées canadiennes n’avaient pas établi de normes de temps pour certaines étapes du processus. À notre avis, il a souvent fallu trop de temps pour décider si des accusations devaient être portées. »
L’audit a évalué l’efficacité du système de justice militaire au pays. Ce cadre parallèle s’applique à plus de 66 000 membres des forces régulières et 22 000 réservistes (en 2017).
Les accusations peuvent être portées pour des infractions au Code de discipline militaire (insubordination, vol, agression sexuelle…). Les causes sont jugées sommairement (pour les infractions mineures) ou par une cour martiale. Si par contre un militaire est accusé de meurtre ou d’enlèvement d’enfant, il est jugé au civil.
Le procès sommaire. Le Vérificateur a examiné un échantillon de 117 causes (sur les 553 procès) jugées par cette procédure en 2016-2017. Normalement, elle devrait accélérer l’exercice de la justice. Or, dans 99 dossiers, le dépôt des accusations a mis trop de temps et un cinquième des cas (18 %) ont pris plus de six mois avant d’aboutir.
La cour martiale. Pendant l’année de référence, 56 causes se sont retrouvées là et le VG en a retenu une vingtaine pour examen. Les retards sont observables à toutes les étapes des procédures, lors de l’enquête comme au dépôt des reproches officiels.
Un procès en particulier, impliquant des voies de fait, s’est étalé sur plus de deux ans et a conduit à l’abandon des accusations. Dans neuf autres cas sur cinquante-trois de 2016-2017 destinés à la cour martiale, le directeur des poursuites militaires a abandonné les procédures parce que les délais dépassaient la limite des retards raisonnables établie par la Cour suprême.
Des causes et des promesses
Comment expliquer cette situation ? Le rapport constate des faiblesses systémiques.
Les Forces armées canadiennes n’ont pas par exemple alloué de temps précis à chacune des étapes des procès. Les communications entre les enquêteurs et les procureurs sont aussi jugées déficientes. Les avocats militaires possèdent en plus peu d’expérience, 2,25 ans en moyenne. Le rapport formule finalement des reproches à l’endroit du juge-avocat général, chargé de la bonne administration du droit militaire.
Les recommandations visent évidemment la réduction des délais, par exemple par la définition de balises claires et de mécanismes d’évaluation de leur respect.
Dans leurs réponses au rapport, les Forces armées ont dit accepter toutes les idées du Vérificateur. Elles promettent par exemple de définir des normes de temps pour les étapes des procès d’ici janvier 2019. Elles travaillent à l’instauration d’un système facilitant le meilleur partage des informations d’un procès entre la défense et l’accusation d’ici septembre 2019.
Des échecs incompréhensibles
En présentant aux médias mardi matin ses sept rapports du printemps, le vérificateur général (VG) du Canada, Michael Ferguson, a souligné qu’il avait ciblé certains « échecs incompréhensibles ».La création et le déploiement du système de paye Phénix, qui a englouti des centaines de millions en vain, ont été cités en exemple. L’absence de mesures satisfaisantes sur l’efficacité des moyens de lutte contre les discriminations de revenus et de diplomation des autochtones a aussi été présentée comme tel.
Un rapport du VG juge que Services aux Autochtones Canada n’a pas mesuré de manière adéquate les progrès accomplis pour combler les écarts socio-économiques entre les autochtones et les autres Canadiens. Il existe pourtant une grande quantité de données pour tracer ce portrait.
Les calculs préliminaires du bureau du VG montrent que l’écart s’est creusé depuis quinze ans, un résultat contraire aux engagements d’Ottawa après des centaines de millions de dépenses.
La même situation nébuleuse est observée dans les programmes voulant favoriser la formation des jeunes des Premières Nations. « On ne sait pas si les stratégies de formation aident à trouver et à garder un emploi », résume le vérificateur Michael Ferguson, appelant de ses voeux à un changement de culture au sein de l’État.