Immigration: moins de discrimination envers les handicapés

Le gouvernement de Justin Trudeau estime qu’il est discriminatoire de rejeter des immigrants potentiels au motif qu’eux ou un membre de leur famille sont affectés par un trouble de santé engendrant d’importants coûts pour le système canadien. Il modifie les règles pour faire en sorte que 75 % des personnes autrefois rejetées ne le soient plus, mais il n’indemnisera pas pour autant les provinces, qui devront absorber la facture.

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés interdit l’accueil d’immigrants s’ils sont susceptibles d’engendrer des coûts « excessifs » en soins de santé ou en services sociaux. Ce plafond était jusqu’à présent fixé à 6655 $ par année, soit la somme moyenne des soins de chaque Canadien. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, Ahmed Hussen, a annoncé lundi que ce seuil était triplé, à près de 20 000 $ par année.

Selon M. Hussen, il en va des valeurs du Canada. « Les règles actuelles sur l’inadmissibilité médicale datent de plus de 40 ans, elles ne sont clairement pas en phase avec les valeurs canadiennes ou la vision de notre gouvernement de l’inclusion. »

Selon lui, il est insensé de rejeter des immigrants médecins ou entrepreneurs parce qu’un de leurs enfants est autiste ou épileptique. « Ces nouveaux arrivants peuvent contribuer au Canada et ne constituent pas un fardeau. »

Il a assuré que cela n’aurait pas d’impact sur les systèmes de santé des provinces, mais sans fournir d’explication sur les moyens d’y parvenir.

Des provinces en désaccord

 

Un comité parlementaire s’est penché sur le sujet cet hiver et a conclu qu’entre 900 et 1000 demandeurs étaient rejetés chaque année pour cause de « fardeau excessif ». Le comité a calculé que ces arrivants, s’ils étaient admis, engendreraient des frais de santé supplémentaires de 135 millions par année, soit 0,1 % des dépenses provinciales totales.

Mais certaines provinces s’opposent au changement au motif qu’il pourrait faire exploser le nombre de requêtes de personnes malades. C’est le cas de la Saskatchewan. Une porte-parole du ministre de l’Immigration de la province a réitéré par courriel lundi que « plusieurs aspects de la politique canadienne sur le fardeau excessif demeurent pertinents pour réduire la pression sur les services publics pour lesquels payent les Canadiens ». Le Nouveau-Brunswick partage ce point de vue.

Le ministre Hussen n’a pas directement répondu à ces craintes, lundi. « Nous savons que le système est souvent soumis à des pressions, notamment la pression d’une population vieillissante, et nous continuerons les discussions avec nos collègues des provinces. Nous surveillerons l’effet de ce changement au cours des prochaines années. »

D’ici là, il n’est pas question d’indemniser les provinces en augmentant les transferts, a reconnu M. Hussen. C’est là que le bât blesse, selon la chef du Bloc québécois, Martine Ouellet. « Le Bloc québécois est d’accord avec le principe, mais on se rend compte qu’Ottawa ne veut pas payer pour ses principes. »

Politique critiquée

 

Le député conservateur Pierre Paul-Hus estime qu’Ottawa devrait d’abord régler la question des arrivées irrégulières au Québec avant d’entreprendre un autre chantier. « C’est facile de faire une politique parce que ça ne coûte rien au fédéral et d’envoyer la facture aux provinces. » Il pense que ce changement pourra incommoder les Canadiens qui peinent à obtenir des soins pour eux-mêmes.

« On a déjà chez nous des citoyens qui ont des problématiques de santé, comme l’autisme justement […] et, d’un autre côté, on ouvre la porte à des gens qui veulent émigrer ici qui ont des problématiques. »

Québec a refusé de se prononcer sur la nouvelle politique, prétextant vouloir en prendre davantage connaissance d’abord. L’Ontario, la Colombie-Britannique et Terre-Neuve se sont dites en faveur du changement, pour peu qu’Ottawa en assume le coût.

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