Commandites - André Ouellet défend la bonne foi de Postes Canada
Ottawa — Postes Canada aurait été entraîné sans raison dans le scandale des commandites à cause de conclusions inexactes dans le rapport de la vérificatrice générale, a plaidé André Ouellet, hier, ajoutant qu'il «vit un enfer» depuis la tempête déclenchée par la publication de ce rapport.
Selon M. Ouellet, la société d'État qu'il dirigeait encore il y a quelques mois n'a jamais agi pour enrichir des compagnies de publicité proches des libéraux.En fait, a-t-il répété à de nombreuses reprises, les deux projets reliés aux commandites et cités dans le rapport de la vérificatrice, Sheila Fraser, en valaient la chandelle et représentaient des «décisions d'affaires».
«Je peux affirmer, avec une certitude absolue, que l'argent investi par Postes Canada dans ces deux projets l'a été pour des services qui ont rapporté beaucoup à la société», a-t-il déclaré devant le comité parlementaire qui fait enquête sur le scandale des commandites.
«Les montants qui ont été payés l'ont été pour du travail réalisé. Et en ce qui a trait à Postes Canada, il n'y a jamais eu de paiements sans travail ou sans justification», a ajouté M. Ouellet, qui s'exprimait publiquement pour la première fois depuis le dépôt du rapport de la vérificatrice.
Pourtant, des députés libéraux ont soulevé des doutes quant aux transactions en question. «Pour ma part, tout ça ne sent pas bon», a illustré le libéral Shawn Murphy.
Dans la foulée du scandale, le gouvernement suspendait avec salaire, en février dernier, M. Ouellet de son poste de président et chef de la direction de Postes Canada. Cette suspension demeure en vigueur jusqu'à la réception du rapport intérimaire de vérificateurs externes sur la gestion des commandites chez Postes Canada.
«Ma famille et moi vivons un enfer depuis plus d'un mois», a dit M. Ouellet, dont les propos n'ont pas eu l'heur d'attendrir les députés de l'opposition.
L'ex-ministre et homme fort de Jean Chrétien au Québec jusqu'en janvier 1996 a rapidement dû, la main sur la Bible, prêter serment de dire la vérité. Il est le seul témoin à se voir obligé de faire un tel geste depuis le début des travaux du comité.
M. Ouellet a aussi dû expliquer la présence à ses côtés de Roy Hennan, un avocat montréalais dont le cabinet ne cache pas ses liens avec le Parti libéral du Canada. Pierre Elliott Trudeau a fait partie de l'équipe de ce cabinet, qui récemment s'est adjoint les services de Jean Chrétien.
L'opposition s'est dite surprise d'apprendre que les honoraires de l'avocat de M. Ouellet étaient payés par Postes Canada, et ce, malgré sa suspension et le fait qu'il comparaissait en son nom uniquement.
Bien qu'il dise vivre des moments difficiles, l'ex-lieutenant politique de Jean Chrétien ne semblait pas abattu pour autant. Pendant les quatre heures qu'a duré son témoignage, il n'a jamais baissé la garde, se faisant combatif, parfois même agressif en accusant des députés de l'opposition de tenter de maquiller les faits.
Au passage, il s'en est pris au travail de la vérificatrice générale, l'accusant de ne pas avoir pris en compte l'interprétation de Postes Canada.
«On a eu l'impression que les gens du bureau de l'auditeur général [sic] voulaient tellement nous accrocher au programme des commandites qu'ils n'ont pas voulu accepter les informations comme étant des informations légitimes», a dit M. Ouellet.
Ces commentaires ont fait exploser le whip du Bloc québécois, Michel Guimond. «M. Ouellet n'a pas de leçon de moralité à offrir à personne», a-t-il lâché, l'accusant d'être «arrogant et suffisant».
Dans le rapport qui a déclenché l'affaire des commandites, la vérificatrice générale soulevait des doutes sur la participation de 1,6 million de dollars de Postes Canada dans la série télévisée sur Maurice Richard.
Elle remettait aussi en question une commandite de 521 000 $ versée à la société d'État pour un concours de création de timbres. Pour transférer les fonds au projet, l'agence Lafleur Communications recevait une commission de 63 000 $. La même agence était par la suite choisie, sans appel d'offres, pour réaliser le travail.
«J'admets que ça peut sembler curieux, surtout de la façon dont l'a présenté la vérificatrice générale», a dit le dirigeant suspendu de ses fonctions.
Au bout du compte, le témoignage de M. Ouellet n'aura pas permis de faire la lumière sur le fond des transactions. Si Postes Canada a accepté l'argent du gouvernement pour le concours de création de timbres, c'est parce que Lafleur Communications avait affirmé que l'argent provenait d'un tout autre programme, a indiqué le témoin.
Ce n'est que plus tard que les employés de la société d'État ont réalisé qu'il s'agissait d'une commandite et qu'une généreuse commission était versée à l'agence de publicité, au passage.
«Vous pouvez blâmer le ministère des Travaux publics d'avoir agi de la sorte, vous avez parfaitement raison de le faire, a fait valoir M. Ouellet. Vous pouvez poser toutes les questions à ces gens-là pour leur demander pourquoi ils ont fait ça de la sorte, vous avez raison de le faire. Mais ne blâmez pas Postes Canada qui, lui, a reçu de bonne foi un montant d'argent pour faire un programme avec des jeunes.»