Le sommet de Vancouver s’ouvre en l’absence de la Chine et de la Russie

Le sommet qui s’ouvre aujourd’hui à Vancouver pour discuter de la situation nord-coréenne ne sera pas le « who’s who » diplomatique auquel on s’attendait. Seulement 11 des 20 pays invités par le Canada et les États-Unis seront représentés par leur ministre des Affaires étrangères. Et la Chine, pays ayant le plus d’ascendant sur le régime de Kim Jong-un, ne sera pas de la partie. La Russie n’y sera pas non plus. Si certains voient déjà là un « demi-échec », d’autres estiment qu’il y a de la valeur à rappeler que les États-Unis de Donald Trump ne sont pas les seuls à s’inquiéter des velléités nucléaires nord-coréennes.
Le Canada aura tenu secrète la liste d’invités jusqu’à la dernière minute. Des 17 pays ayant combattu sous l’égide de l’ONU pendant la guerre de Corée, tous sont présents sauf l’Éthiopie, l’Afrique du Sud et le Luxembourg. S’ajoutent à la liste des présences les pays ayant contribué au conflit de l’époque sur le plan naval (Japon) ou médical (Inde, Danemark, Norvège, Suède et Italie). Mais tous ne dépêchent pas le chef de leur diplomatie. La France n’y envoie qu’un représentant, tout comme la Belgique, l’Inde ou encore les pays limitrophes que sont l’Australie, la Thaïlande et les Philippines.
Quant à la Chine, la raison de son absence reste nébuleuse : a-t-elle été écartée ou a-t-elle décliné une invitation ? Les comptes rendus ne sont pas clairs à ce propos. « Ils n’étaient pas invités au sommet », affirme une source gouvernementale canadienne qui préfère ne pas être nommée.
Si un porte-parole américain a indiqué jeudi dernier que cette décision de ne pas inviter la Chine avait été prise « en conjonction » avec le Canada, la version des faits de cette source canadienne est plus nuancée. « On copréside cet événement avec les États-Unis et eux avaient une certaine idée de qui ils voulaient voir ici. Ça ne veut pas nécessairement dire qu’on n’est pas d’accord avec les choix qu’ils ont faits, mais pour le confort de tous, on trouvait que ce serait mieux si leur participation [celle de la Chine] était plus en marge de l’événement. Mais ils [la Chine] ont refusé. » Cette source insiste sur le fait qu’elle n’a pas l’intention « de présenter cela comme une source de désaccord entre nos deux pays ». La Russie s’était elle aussi fait inviter à un événement à la marge du sommet, invitation qu’elle a elle aussi déclinée.
L’ambassade de Chine à Ottawa n’a pas rappelé Le Devoir. Elle a fait parvenir au National Post une déclaration écrite indiquant que la Chine considère qu’une liste d’invitation basée sur les participants à la guerre de Corée (où les communistes coréens, chinois et russes affrontaient les Occidentaux) relève « d’une mentalité de la guerre froide ». « La Chine considère depuis le début que cette rencontre est inutile et s’y oppose fermement. »
Pour Jocelyn Coulon, chercheur au CERIUM et ancien conseiller de l’ex-ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion, l’absence de la Chine et de la Russie est en soi un « demi-échec ». La Chine et la Russie sont d’importants joueurs dans la région, sans compter qu’ils ont en partage des frontières avec la Corée du Nord. « On s’enligne vers un flop », croit-il. « Finalement, la conférence est destinée à réaffirmer la solidité de la communauté internationale face à la dénucléarisation de la Corée du Nord. Ça ne prenait pas une nouvelle réunion à Vancouver pour dire cela ! »
Fen Hampson, professeur en relations internationales à l’Université Carleton, n’est pas de cet avis. « C’est une façon d’envoyer le message à la Corée du Nord qu’il n’y a pas que les États-Unis qui s’inquiètent de cette menace. » Mais ce sommet regroupe-t-il les bons joueurs ? Pourquoi avoir misé sur les combattants d’il y a 60 ans ? Le Japon s’est d’ailleurs plaint un peu plus tôt ce mois-ci de la présence de la Grèce et de la Colombie. « En la matière, le nombre a son importance. Plus on est nombreux, mieux c’est. »
Charles-Philippe David, fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand, adopte une position à mi-chemin des autres. Selon lui, il aurait été beaucoup plus utile que la Chine et la Russie participent à ce sommet, qui aurait dû par ailleurs se limiter à une poignée de pays participants, comme le Japon, les États-Unis et les deux Corées. « Les pourparlers auraient été plus productifs, explique-t-il. Je ne vois pas ce que la Grèce et la Colombie font là. » Mais il n’est pas prêt à décréter que ce sommet est inutile. « Parfois, en relations internationales, les solutions sont celles qu’on ne voit pas venir. Même si ça peut paraître une perte de temps, ce n’est pas une mauvaise idée d’essayer d’ouvrir les canaux diplomatiques. »
Blocus naval ?
Les États-Unis ont aussi l’intention de soulever la question d’un blocus naval afin de faire respecter les sanctions s’appliquant contre la Corée du Nord. Deux navires livrant du pétrole au régime ont déjà été interceptés récemment — un battant pavillon de Hong Kong et l’autre, de Panama. Mais la mesure n’est pas systématique. Une des idées que mettent en avant les États-Unis est de dresser une liste noire des navires outrepassant les sanctions afin qu’ils ne puissent plus accoster dans les autres ports du monde.
À Ottawa, on indique seulement que « c’est important d’avoir une discussion sur un blocus maritime, mais cela est loin d’être l’objectif principal du sommet ».
Jean-Christophe Boucher, un professeur de sciences politiques spécialisé dans les questions d’équipement militaire oeuvrant à l’université MacEwan, à Edmonton, rappelle qu’un blocus naval est un sujet délicat. « Le blocus est souvent considéré comme une militarisation du problème. On ne sait pas clairement comment la Corée du Nord répondrait. Ça fait monter d’un cran la température dans le conflit. »
À la mi-décembre, lorsque l’idée avait été évoquée par Washington, Pyongyang avait indiqué qu’elle considérerait un tel blocus comme une « déclaration de guerre ».
Le chef d’État major canadien, Jonathan Vance, a déclaré en entrevue avec le Globe and Mail qu’il y avait « les capacités militaires à l’intérieur des forces armées » pour répondre à une éventuelle demande. M. Boucher croit plutôt que les effectifs canadiens disponibles se limitent au sous-marin NCSM Chicoutimi, stationné sur la côte ouest. De toute façon, dit-il, si le Canada offrait ses services, ce serait pour faire bonne figure plus qu’autre chose. « Les États-Unis ont tellement de capacités là-bas que le Canada ne changerait à peu près rien en y allant. »
Discussions entre les deux Corées
Séoul — Des délégués nord et sud-coréens ont entamé lundi des discussions sur de possibles prestations d’artistes du Nord en février lors des Jeux olympiques au Sud, auxquels Pyongyang a accepté de participer.Après des mois d’incertitude, la Corée du Nord a décidé la semaine dernière, lors du premier dialogue officiel intercoréen en plus de deux ans, d’envoyer aux jeux de Pyeongchang (9-25 février) une délégation comptant non seulement des athlètes, mais aussi des meneuses de claques ou encore des artistes.
Quatre délégués du Nord et autant du Sud se sont retrouvés lundi dans la partie nord de la «zone commune de sécurité» (JSA) du village frontalier de Panmunjom, a annoncé le ministère sud-coréen de l’Unification.
Parmi la délégation nord-coréenne figurent Kwon Hyok-bong, un haut responsable du ministère nord-coréen de la Culture, et Hyon Song-wol, figure de proue du plus populaire groupe pop de Corée du Nord, Moranbong, qui est entièrement féminin.
Cette formation créée en 2012 compte dix membres, qui seraient toutes choisies par le leader nord-coréen, Kim Jong-un.
La délégation sud-coréenne comptait notamment lundi de hauts responsables de l’Orchestre symphonique coréen, ce qui laisse penser que des artistes du Nord et du Sud pourraient se produire ensemble.
Les deux Corées doivent également se réunir samedi prochain à Lausanne avec le Comité international olympique (CIO) pour discuter de la participation des athlètes du Nord.
Le Sud a proposé au Nord un défilé en commun lors de la cérémonie d’ouverture, ainsi qu’une équipe féminine unie en hockey sur glace, a annoncé vendredi un ministre sud-coréen.