Visite chez l’Aga Khan: Trudeau n’aura pas à se justifier en comité parlementaire

Justin Trudeau n’aura pas à se justifier en comité parlementaire d’avoir accepté un voyage sur l’île privée de l’Aga Khan en 2016-2017 et d’avoir, ce faisant, contrevenu à la Loi sur les conflits d’intérêts. Ses députés libéraux, majoritaires au comité, ont bloqué l’invitation en ce sens que l’opposition souhaitait lui envoyer.
Le Parlement n’est pas encore de retour du congé des Fêtes, mais le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique a tenu une réunion exceptionnelle mardi après-midi à la demande du conservateur Peter Kent.
M. Kent, appuyé par le Nouveau Parti démocratique, espérait faire voter une invitation à comparaître destinée au premier ministre pour qu’il s’explique à la suite du rapport déposé juste avant Noël par la commissaire Mary Dawson. M. Kent n’a pas obtenu les appuis nécessaires.
Les six députés libéraux siégeant au comité ont voté contre la demande de comparution, alors que les deux conservateurs et le néodémocrate ont voté pour. Le libéral Nathaniel Erskine-Smith a justifié sa position par le fait que le premier ministre pourrait s’expliquer à d’autres occasions.
« L’opposition pourra bien sûr poser des questions lors de la période de questions lorsque la Chambre reprendra ses travaux [fin janvier], et le mercredi, il y aura les périodes entièrement consacrées au premier ministre. Et le premier ministre entame aussi sa tournée du pays et ce sera l’occasion pour les Canadiens de lui poser des questions », a dit M. Erskine-Smith.
Sa collègue Mona Fortier a tenu juste après lui le même discours, mais en français. S’étaient-ils fait dire par le bureau du premier ministre comment voter ? Ils assurent que non.
« Sachant qu’on se rencontrait aujourd’hui [mardi], on a eu l’occasion de se parler et on était tous sur la même longueur d’onde », a soutenu Mme Fortier.
L’opposition n’en croit pas un mot. « C’est assez évident que les membres libéraux du comité ont suivi la ligne que le premier ministre avait établie [en matinée] », a allégué Peter Kent.
M. Trudeau a déclaré en entrevue radiophonique mardi matin qu’il voyait cette invitation comme une « attaque partisane » et qu’il entamait une tournée du pays pour sortir justement de la « bulle d’Ottawa ».
Les PM en comité ? Rare.
Un premier ministre en exercice n’a comparu en comité parlementaire qu’à deux reprises dans l’histoire canadienne récente. Pierre Elliott Trudeau avait comparu sur des questions budgétaires en 1981 ou 1982 (les récits divergent quant à la date).
Stephen Harper l’a fait en 2006, de sa propre initiative. Il s’agissait d’un comité sénatorial et il voulait y promouvoir sa réforme du Sénat.
En 2008, le Comité parlementaire de l’éthique — où l’opposition détenait la majorité, le gouvernement étant minoritaire — avait réussi à voter une invitation destinée à M. Harper pour qu’il vienne s’expliquer dans l’affaire impliquant son ministre Maxime Bernier et sa conjointe aux relations troubles Julie Couillard. M. Harper avait refusé de comparaître.
En 2013, les libéraux, alors dans l’opposition, avaient présenté une motion invitant Stephen Harper à comparaître en comité pour expliquer son rôle dans l’affaire Mike Duffy. Là encore, le premier ministre avait refusé d’y aller.
Le néodémocrate Nathan Cullen déplore qu’on utilise le passé pour justifier un refus aujourd’hui. « Je pensais que ce gouvernement était différent », a-t-il lancé. Il a rappelé que c’est la première fois qu’un premier ministre contrevient à la Loi sur les conflits d’intérêts et qu’à ce titre « la réponse devrait être différente ».