Bill Morneau annonce des correctifs à sa réforme fiscale

Le ministre Bill Morneau a rencontré la presse mercredi pour expliquer les correctifs proposés à sa réforme.
Photo: Sean Kilkpatrick La Presse canadienne Le ministre Bill Morneau a rencontré la presse mercredi pour expliquer les correctifs proposés à sa réforme.

Le ministre fédéral des Finances poursuit son entreprise de rajustement de sa réforme fiscale.

Bill Morneau a annoncé hier des correctifs aux mesures s’appliquant au saupoudrage fiscal de manière à ce que moins de contribuables que prévu soient pris dans les filets du fisc. Mais il demeurera plus difficile qu’avant pour les professionnels incorporés, comme les médecins ou les avocats, de réduire leur facture d’impôt en refilant une partie de leurs revenus à un membre de leur famille.

Le ministre était sous pression depuis quelques jours pour dévoiler les changements qu’il avait en tête puisque ceux-ci s’appliqueront dès 2018 et que l’année 2017 tire à sa fin.

M. Morneau a dévoilé sa réforme cet été, mais il avait promis de la modifier en fonction des critiques entendues.

Les ajustements à l’imposition des revenus d’intérêts sur les investissements passifs ont été annoncés plus tôt cet automne, mais on attendait encore ceux portant sur le saupoudrage salarial. C’est maintenant chose faite.

Caractère raisonnable

 

Le saupoudrage salarial permet à un professionnel s’étant constitué en société privée de distribuer entre plusieurs membres majeurs de sa famille le salaire qu’il empocherait autrement à lui tout seul. Le revenu étant inférieur pour chaque personne, la facture fiscale totale s’en trouve réduite.

Ottawa ne le permettra plus, sauf si le contribuable peut prouver le caractère « raisonnable » des revenus imputés à un autre membre de la famille.

Le changement dévoilé mercredi fait en sorte que, dans trois cas précis, le caractère raisonnable du revenu sera présumé d’emblée. Du coup, on estime que 5000 petites sociétés privées ne seront plus touchées par la réforme Morneau. Premièrement, un membre de la famille travaillant 20 heures ou plus par semaine dans la société ne sera plus visé.

De même, une personne ayant cumulé dans sa vie cinq années où elle a travaillé au moins 20 heures par semaine dans la société sera pour toujours réputée admissible d’emblée au saupoudrage.

Deuxièmement, les conjoints des entrepreneurs de plus de 65 ans ne seront pas touchés. Il s’agit, explique Ottawa, d’harmoniser la situation avec les retraités qui peuvent déjà fractionner leur revenu de pension sans avoir à prouver quoi que ce soit au fisc.

Enfin, le saupoudrage sera aussi jugé raisonnable d’embléesi le membre de la famille a fourni au moins 10 % du capital de la société.

Seules exceptions : les sociétés de professionnels (médecins, psychologues, avocats, etc.) et celles dont 90 % des revenus proviennent de services rendus. La logique étant que, dans ces cas, le capital de démarrage de la société est à peu près nul. La contribution du membre de la famille est donc théorique et ne justifie pas à elle seule rétribution.

Au départ, Ottawa pensait que sa réforme affecterait moins de 3 % des sociétés privées, soit 50 000 d’entre elles, et générerait 250 millions de dollars par année.

En rétrécissant un peu son champ d’application, elle en touchera maintenant 45 000 et générera plutôt 190 millions.

Modifications dénoncées

 

Le Parti conservateur et le Nouveau Parti démocratique ont dénoncé les changements au motif qu’ils ont été rendus publics trop tard.

« Il [le ministre] a présenté un enchevêtrement de règles compliquées qui obligeront les entreprises à se creuser les méninges pendant la période des Fêtes et au-delà », a déclaré le conservateur Pierre Poilièvre.

« Ça crée une situation d’urgence et de crise qui est complètement artificielle », a renchéri le néodémocrate Alexandre Boulerice, qui invite Ottawa à reporter sa réforme. « C’est juste une question de respect pour les entreprises familiales. »

M. Poilièvre prédit que la réforme sera tellement compliquée à appliquer que ses revenus anticipés seront engouffrés « en frais comptables et juridiques ».

La Fédération canadienne des entreprises indépendantes a dénoncé par communiqué de presse cette annonce de dernière minute et réclame un report de sa mise en oeuvre au 1er janvier 2019.

Le ministre Bill Morneau est resté sourd à cette demande. « Nous pensons que c’est assez de temps. »

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