Diabète: l’Agence du revenu recule… pour l’instant

Devant l’augmentation du nombre de personnes diabétiques s’étant fait refuser le crédit d’impôt pour personnes handicapées, l’Agence du revenu du Canada rajuste le tir. Elle reviendra à ses anciennes façons de faire, réévaluera le dossier de toutes les personnes refusées depuis le printemps et elle attendra les recommandations d’un nouveau comité d’experts avant de modifier ses pratiques futures.
« Au cours des dernières semaines, des associations du diabète ont soulevé des préoccupations quant à la manière dont nous traitons les demandes de Crédit d’impôt pour personnes handicapées liées au diabète (CIPH) », a reconnu Frank Vermaeten, un haut fonctionnaire à l’Agence du revenu du Canada (ARC). « La ministre [Diane] Lebouthillier nous a demandé d’examiner notre approche, en particulier pour ce qui est de la lettre de clarification concernant l’insulinothérapie que nous avons révisée en mai 2017. Il s’agit de la seule lettre de clarification à avoir été modifiée récemment. »
Lorsqu’un contribuable demande le CIPH, il doit remplir un formulaire médical pour attester que sa condition répond aux critères d’admissibilité. Un diabétique de type 1 doit démontrer qu’il a besoin de 14 heures de soins thérapeutiques essentiels par semaine pour se qualifier. Si l’ARC a des doutes, elle peut envoyer au médecin traitant une lettre demandant des clarifications. C’est cette lettre qui a changé en mai.
Alors qu’auparavant, la lettre demandait au médecin d’inscrire « le temps consacré par votre patient aux activités liées à l’administration de l’insuline », la nouvelle lettre lui demandait de répondre par oui ou non à une question très restrictive. « Vous avez indiqué que votre patient a besoin de 14 heures ou plus par semaine pour gérer son insulinothérapie. […] Un adulte qui gère de façon autonome son insulinothérapie sur une base régulière ne répond généralement pas au critère des 14 heures par semaine, à moins de circonstances exceptionnelles. […] Veuillez nous indiquer si la situation de votre patient est une situation exceptionnelle. »
Nombreux refus
Les associations de diabétiques soutiennent qu’environ 700 à 800 de leurs membres se sont vu refuser cette année le crédit qu’ils obtenaient auparavant, et ce, même si leur condition n’a pas changé. Le gouvernement ne peut pas confirmer ou infirmer ce chiffre, car il ne ventile pas le nombre de bénéficiaires du crédit pour personnes handicapées en fonction de leur condition médicale. Mais depuis que la controverse a éclaté, la ministre a demandé à ses fonctionnaires d’effectuer une vérification manuelle. L’échantillon examiné jusqu’à présent confirme qu’il y a eu augmentation du taux de refus des personnes diabétiques, concède un fonctionnaire à l’ARC qui ne peut être nommé.Le crédit d’impôt représente une somme de 1200 $ par année. L’obtenir permet aussi de s’ouvrir un compte d’épargne invalidité dans lequel le gouvernement verse jusqu’à 3500 $ par année.
Une annonce « positive »
Diabète Canada se réjouit de la décision de l’ARC. « Nous sommes très heureux que l’Agence ait accepté notre recommandation et qu’elle revienne à la situation d’avant mai », indique au Devoir la directrice des affaires fédérales, Kimberley Hanson. Toutefois, Mme Hanson ne crie pas victoire trop vite. Elle rappelle que le changement apporté à la lettre de clarification s’est accompagné d’une note interne envoyée aux fonctionnaires de l’ARC leur rappelant qu’un adulte ne se qualifie généralement pas au crédit. Or, ce mot d’ordre n’a pas été, lui, rappelé. « C’est pour cela que nous continuerons de suivre la situation de près. »
À l’Agence du revenu, on assure que cela ne sera pas un problème, car les agents n’ont pas le pouvoir de contester l’avis d’un médecin. Si ce dernier déclare que son patient a besoin de 14 heures de soin, alors le crédit doit être accordé.
Le président de la Fondation sur le diabète juvénile, Dave Prowten, félicite la ministre d’avoir agi aussi rapidement. « Nous l’avons rencontré jeudi dernier. C’est seulement six jours ouvrables. » M. Prowten estime que l’annonce est « positive », bien qu’il attende d’en connaître plus de détails avant de se prononcer de manière définitive.
L’ARC a aussi annoncé vendredi que toutes les personnes s’étant fait refuser le crédit d’impôt depuis mai, sur la foi de renseignements récoltés par cette nouvelle lettre, verront leur dossier réévalué. Ottawa restaure par ailleurs le Comité consultatif des personnes handicapées, que les conservateurs avaient aboli. Ce comité conseille l’ARC sur la façon d’administrer les diverses mesures fiscales destinées aux personnes handicapées, ce qui inclut les diabétiques nécessitant au moins 14 heures par semaine de soins thérapeutiques essentiels.