Le fédéral s'excuse aux Canadiens persécutés en raison de leur orientation sexuelle

«Je suis désolé, nous sommes désolés», a lancé le premier ministre Justin Trudeau à la Chambre des communes.
Photo: Adrian Wyld La Presse canadienne «Je suis désolé, nous sommes désolés», a lancé le premier ministre Justin Trudeau à la Chambre des communes.

Les tribunes de la Chambre des communes étaient bondées, mardi, pour entendre Justin Trudeau présenter avec « honte, tristesse et profond regret », au nom du gouvernement fédéral, des excuses officielles aux Canadiens de la communauté LGTBQ2.
 

« C’est avec honte, tristesse et un profond regret pour les choses que nous avons faites que je suis ici devant vous et que je dis : nous avons eu tort », a lâché le premier ministre après avoir énuméré une série de gestes préjudiciables posés par le gouvernement pendant des décennies.

 

 

Le gouvernement a eu « tort ». Tort d’avoir « forcé à vivre à l’écart », « rendu invisibles » et « humilié » ses citoyens des communautés lesbienne, gaie, bisexuelle, transgenres, queer et bi-spirituelle (LGTBQ2). Tort d’avoir mené une « chasse aux sorcières » contre ses employés, s’est-il désolé.

J’ai espoir qu’en parlant de ces injustices, en promettant qu’elles ne se reproduiront plus jamais et en agissant pour corriger ces erreurs, nous pourrons commencer à guérir ensemble.

 

« L’appareil gouvernemental, l’armée et la GRC a espionné ses propres gens » pour détecter chez eux « tout ce qui pouvait ressembler à un comportement homosexuel […] », croyant que cette « faiblesse de caractère » pouvait être exploitée à mauvais escient par des nations ennemies, a-t-il rappelé.

« Vous n’étiez pas de mauvais soldats, marins et pilotes. Vous n’étiez pas des prédateurs. Et vous n’étiez pas des criminels », a martelé le premier ministre Trudeau sous le regard de certains individus, qui, dans les gradins, ont souffert de cette traque.

« Vous avez servi votre pays avec intégrité. […] Vous êtes des professionnels. Vous êtes des patriotes. Et par-dessus tout, vous êtes innocents. Et pour toutes vos souffrances, vous méritez que justice soit rendue, et vous méritez la paix », a-t-il insisté.

« Le fait que vous ayez subi de si mauvais traitements est notre honte collective », a regretté le premier ministre, qui avait emmené ses enfants Xavier et Ella-Grace au parlement pour assister aux excuses historiques qu’il a faites mardi.

« J’ai espoir qu’en parlant de ces injustices, en promettant qu’elles ne se reproduiront plus jamais et en agissant pour corriger ces erreurs, nous pourrons commencer à guérir ensemble », a-t-il fait valoir dans une allocution au cours de laquelle il a prononcé 12 fois le mot « sorry ».

À la fin de ce discours qui a duré plus de 20 minutes, le premier ministre a été étreint par quelques députés ouvertement homosexuels de son caucus, soit Rob Oliphant, Seamus O’Regan, Scott Brison et Randy Boissonnault.

L’allocution de Justin Trudeau a été ponctuée de quelques ovations en Chambre. Dans les banquettes conservatrices clairsemées — il manquait entre 20 et 30 députés selon le moment —, une poignée de trois ou quatre élus ont choisi de rester assis à chaque coup.

Le discours du premier ministre a été suivi de celui du chef conservateur, Andrew Scheer, et du chef parlementaire néodémocrate, Guy Caron, qui ont à leur tour condamné les gestes posés par le gouvernement contre la communauté LGBTQ2 dans le passé.

Projet de loi et dédommagement

Les excuses formulées par Justin Trudeau sont assorties d’un dédommagement financier et d’un projet de loi qui permettrait aux Canadiens punis jadis pour des relations homosexuelles consensuelles d’effacer toute trace de ces condamnations.

Le projet de loi C-66 « sur la radiation de condamnations constituant des injustices historiques » prévoit la destruction de tous les documents liés à ces « crimes » de grossière indécence ou de sodomie, pour lesquels les homosexuels ont été accusés pendant des décennies.

En vertu de cette mesure législative déposée mardi matin par le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, la radiation pourrait être demandée par un citoyen ayant déjà été condamné, ou même par un proche si cette victime est décédée.

Le gouvernement autoriserait la Commission des libérations conditionnelles du Canada à ordonner, ou à rejeter, une demande de radiation d’une condamnation.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral a annoncé mardi qu’il verserait plus de 100 millions pour dédommager les militaires et les fonctionnaires dont la carrière a été perturbée ou a pris fin en raison de leur orientation sexuelle.

Des employés fédéraux qui avaient fait l’objet d’enquêtes et qui avaient été sanctionnés, voire congédiés, dans le cadre de cette « purge antigaie » dans l’appareil gouvernemental ont intenté une action collective, mais une entente de principe est intervenue vendredi dernier.

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