L’Agence du revenu manque à l’appel

L’Agence du revenu du Canada est écorchée vive par le plus récent rapport du vérificateur général du Canada.
Non seulement à peine le tiers des contribuables qui tentent de joindre l’Agence (ARC) pour obtenir des renseignements y parviennent, mais dans un cas sur trois, les informations fournies par ses agents sont erronées.
Pire, l’ARC vit en plein déni, car ses propres audits de qualité sont conçus de manière telle qu’ils gonflent artificiellement la performance de ses employés.
Le vérificateur général du Canada a voulu vérifier la prétention de l’ARC, selon laquelle 90 % des appelants réussissent à parler à un agent ou obtiennent la réponse recherchée grâce au système téléphonique automatisé. Le vérificateur général conclut qu’il n’en est rien : le pourcentage réel est d’à peine 36 %.
Explications
Comment expliquer une telle disparité de résultats ? L’ARC s’est dotée d’une équipe de gestion du débit d’appels pour faire respecter sa promesse de répondre aux appelants en moins de deux minutes. Si l’équipe sent que la norme ne sera pas respectée, elle bloque les appels en faisant jouer la tonalité de ligne occupée ou un message invitant à rappeler plus tard.
Sur les 53,5 millions d’appels faits en un an, 28,9 millions (54 %) ont ainsi été bloqués. Le vérificateur général note qu’en moyenne, les appelants ont fait trois ou quatre tentatives par semaine pour joindre l’ARC.
Dans ses propres audits, l’ARC enregistre comme un contact réussi ces contribuables ayant multiplié les appels avant de parler à quelqu’un.
Les choses n’en restent pas là. Sur les 46 % d’appels qui n’ont pas été bloqués, le tiers (ou 14 % du volume initial d’appels) sont redirigés vers le système automatisé. Au bout du compte, ce sont donc 32 % des appelants qui parlent à un agent.
Une autre tranche de 4 % des appelants semble avoir trouvé réponse à leurs questions dans le système automatisé, car ils sont restés en ligne plus d’une minute. L’ARC, elle, considère comme réussis tous les appels dirigés vers le système automatisé, même si dans 75 % des cas, l’appelant raccroche avant même d’entendre les options du menu principal.
« Les ministères continuent d’être fixés sur leurs propres activités et oublient le point de vue des citoyens », se désole Michael Ferguson.
Renseignements erronés
Même si le contribuable réussit à obtenir la ligne et à parler à un agent, il n’est pas garanti qu’il obtiendra une réponse exacte à ses questions : dans 30 % des cas recensés par le vérificateur général, les renseignements fournis étaient erronés. Pour arriver à ce pourcentage, les vérificateurs ont fait 255 appels et posé des questions génériques.
Les questions relatives à la nouvelle Allocation canadienne pour enfants (ACE) étaient les mieux maîtrisées par les agents, avec un taux de réponse inexacte de 21 %. Les questions relatives à un particulier étaient les plus ratées, à 36 %.
Une des questions (« À quel moment l’Agence commencera-t-elle à facturer des intérêts sur un nouvel avis de cotisation ? ») a été ratée à 84 %. Une autre (« À quel moment dois-je informer l’Agence de mon changement d’état civil aux fins de l’ACE ? ») a été ratée à 61 %.
Pourtant, l’ARC a calculé, elle, que le taux de réponse inexacte de ses employés était bien inférieur : entre 6 et 20 %. Comment s’explique cet écart ? Par de mauvais tests, conclut le vérificateur général.
En effet, les agents sont informés lorsque leurs appels sont surveillés, « ce qui peut les avoir incités à modifier leur comportement pour améliorer leur rendement », note le rapport.
Technologie « désuète »
Certes, l’Agence procède aussi à des appels « anonymes », mais ses techniques de camouflage laissent à désirer. Les appels « anonymes » sont effectués par d’autres agents de la boîte.
« Les agents nous ont fait savoir que, lors de ces appels, ils reconnaissaient souvent la voix de l’appelant puisqu’il s’agissait d’un collègue. Par ailleurs, leur système téléphonique indiquait souvent que l’appel provenait d’une ligne utilisée pour les tests. »
Un manque d’effectifs ne semble pas à l’origine des problèmes. Selon le rapport, le nombre d’agents est passé de 2022 en 2012-2013 à 2482 en 2016-2017, pour une augmentation de 23 %.
Dans sa réponse, l’ARC explique qu’elle a une technologie téléphonique « désuète » ne lui permettant pas de garder les appelants en ligne et de leur indiquer le temps d’attente réel. Mais elle est en voie de changer son système, qui devrait être en place en 2018.
Cette nouvelle technologie, assure l’ARC, améliorera la surveillance des agents, car elle permettra d’écouter les appels, ce qui n’est pas possible partout à l’heure actuelle.
Des réfugiés bien intégrés, en apparence
Le vérificateur général du Canada a voulu aussi évaluer si les réfugiés syriens accueillis par le Canada s’étaient bien installés depuis leur arrivée. Il semblerait que oui, mais le gouvernement fédéral n’a pas recueilli toutes les informations lui permettant de poser un constat définitif.Entre novembre 2015 (date d’arrivée des libéraux de Justin Trudeau au pouvoir) et le 30 avril dernier, le Canada a finalement accueilli 44 919 réfugiés syriens, dont 10 000 installés au Québec. L’audit du vérificateur général ne concerne pas ces réfugiés en sol québécois puisqu’ils sont pris entièrement en charge par le gouvernement provincial. L’enquête indique que 80 % des réfugiés adultes arrivés hors Québec ont subi une évaluation de leurs besoins linguistiques, et que 75 % de ceux-ci ont suivi par la suite des cours de langue.
Toutefois, ce bon résultat cache une absence de données. Le vérificateur général note qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada devait compiler des données à propos de 36 indicateurs pour mesurer le niveau d’intégration des réfugiés syriens. Or, il ne l’a pas fait dans plusieurs cas. Le ministère n’a pas recueilli d’information pour calculer le pourcentage de réfugiés syriens souffrant de problèmes de santé chroniques qui sont suivis par le système de santé et il n’a pas calculé le pourcentage d’enfants d’âge scolaire allant à l’école.