Déclaration de Vancouver: des dizaines de pays s’engagent à l'égard des enfants-soldats

Le nombre d’enfants-soldats dans le monde serait d’environ 300 000.
Photo: Charles Lomodong Agence France-Presse Le nombre d’enfants-soldats dans le monde serait d’environ 300 000.

Ils choquent les valeurs humanistes les plus fondamentales, et les militaires qui les croisent un jour ou, pire, qui doivent croiser le fer avec eux s’en trouvent bouleversés pour toujours. Les enfants-soldats se retrouvent un peu partout, de la Somalie au Soudan, en passant par le Nigeria, la Syrie ou encore la Colombie, incarnant la face la plus dérangeante des conflits civils modernes. Et la conférence sur les missions de paix qui s’est conclue hier à Vancouver a accouché d’une déclaration à leur propos.

La « déclaration de Vancouver sur les missions de paix et la prévention du recrutement et de l’utilisation des enfants-soldats » a déjà été ratifiée par 55 pays, a indiqué la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland. Elle engage ses signataires à désigner un responsable de la protection des enfants dans la structure de commandement policière et militaire des missions de paix.

Les pays signataires s’engagent à fournir de la formation en matière d’enfants-soldats à tous leurs militaires déployés et à leur offrir du soutien psychologique. Ils s’engagent aussi à n’avoir recours à l’emprisonnement d’enfants-soldats qu’en « dernier recours », pour « la plus courte période de temps possible » et en gardant toujours à l’esprit qu’il s’agit d’enfants.

« Il est impossible de faire face à un enfant-soldat dans un contexte de guerre sans en être changé à jamais », a expliqué M. Trudeau, qui a invité les gens à se mettre dans la peau d’un soldat arrivant face à face avec un garçonnet de sept ans, les yeux exorbités, pointant un AK-47 vers son visage. Le tuer ? Ne pas le tuer et mettre ses troupes en danger ? Le déchirement est profond. Roméo Dallaire, l’ex-militaire canadien qui a servi au Rwanda et qui a été un temps sénateur, en sait quelque chose.

« Les enfants ne gagnent pas les guerres, ils les alimentent », a-t-il déclaré mercredi, alors qu’il se trouvait à Vancouver pour l’annonce. « Alors, pour mettre un terme aux conflits, il faut en assécher la source. Il ne s’agit pas d’un enjeu devant être discuté à la marge des missions de paix. Il s’agit au contraire d’un enjeu essentiel. » La fondation qu’il a créée pour combattre le phénomène des enfants-soldats se partagera avec l’UNICEF les 1,25 million de dollars qu’Ottawa consacrera pour « opérationnaliser » la déclaration.

Le Canada a toutefois une longueur d’avance. En mars dernier, les Forces armées canadiennes se sont dotées de la première « doctrine » au monde sur les enfants-soldats. Le document d’une trentaine de pages conseille aux militaires de chercher à « désamorcer » toute interaction avec un enfant. Et il préconise, en cas de rencontre d’un groupe incluant des enfants, de s’attaquer d’abord aux adultes, car lorsque ceux-ci battent en retraite, le reste du groupe a tendance à « s’effriter ».

La doctrine reconnaît cependant les limites de l’action différenciée. « Il est essentiel, est-il écrit, que les planificateurs se rappellent que les membres des Forces armées canadiennes conserveront le droit de recourir à la force pour se protéger contre la menace de blessures graves ou de mort, même s’il s’agit d’un enfant-soldat. Un enfant-soldat avec un fusil ou un lance-grenades peut représenter la même menace qu’un adulte avec les mêmes armes. »

La doctrine canadienne souligne par ailleurs qu’il faut se « pencher sur les perceptions du public quant aux rencontres avec des enfants-soldats puisqu’elles pourraient avoir d’énormes conséquences sur la réussite d’une mission particulière ». La France en sait quelque chose. Sa mission au Mali a été minée quand il a été révélé en janvier dernier que des soldats français avaient tué un enfant de 10 ans.

La doctrine canadienne rappelle enfin que les enfants-soldats interceptés doivent être retirés de la population carcérale générale afin d’être réhabilités et, éventuellement, retournés à leur famille.

On estime à 300 000 le nombre d’enfants-soldats dans le monde. En octobre, l’ONU a rendu public un rapport faisant étant d’une recrudescence de leur recrutement en 2016. La « palme » revient au Nigeria, où 2122 enfants ont été enrôlés, principalement par le groupe Boko Haram. Le groupe a utilisé 4 garçons et 26 filles pour commettre des attentats suicide au Nigeria, au Cameroun, au Tchad et au Niger.

L’ONU recense 1915 recrutements en Somalie, principalement par le groupe Chabab ; 1022 au Soudan du Sud ; 851 en Syrie, principalement par l’Armée syrienne libre, mais aussi par le groupe armé État islamique ; 517 au Yémen ; 492 en République démocratique du Congo ; 442 au Mali ; 230 en Colombie ; 168 en Irak, surtout par l’EI ; ou encore 96 en Afghanistan, bien que dans ce dernier cas l’ONU souligne qu’il s’agit seulement des cas qu’elle a réussi à confirmer. D’autres sources font plutôt état de 3000 recrutements en 2016.

Malgré ce portrait déprimant, le rapport onusien fait état de quelques réussites. « À la suite de dialogues entrepris par l’ONU », est-il écrit, 3897 enfants ont été séparés de groupes armés en République centrafricaine et 1850 l’ont été du Front de libération islamique Moro (le MILF) aux Philippines.

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