Maintien de la paix: le Canada risque de décevoir ses partenaires

Le ministre canadien de la Défense, Harjit Sajjan, la secrétaire générale de la Francophonie, Michaëlle Jean, et le général à la retraite Roméo Dallaire ont participé mardi à une séance avec des jeunes engagés en faveur de la paix dans le cadre de la conférence ministérielle de l’ONU sur le maintien de la paix qui se tient à Vancouver.
Photo: Darryl Dyck La Presse canadienne Le ministre canadien de la Défense, Harjit Sajjan, la secrétaire générale de la Francophonie, Michaëlle Jean, et le général à la retraite Roméo Dallaire ont participé mardi à une séance avec des jeunes engagés en faveur de la paix dans le cadre de la conférence ministérielle de l’ONU sur le maintien de la paix qui se tient à Vancouver.

Les alliés de Justin Trudeau et les Nations unies repartiront-ils bredouilles de la conférence internationale qu’accueille Vancouver sur les missions de paix ? Si les rumeurs disent vrai, le gouvernement canadien n’annoncera pas de mission précise mais offrira plutôt équipement et formation aux Casques bleus déployés par ses partenaires sur le terrain. Ce qui en décevrait plusieurs, préviennent les experts, puisque Justin Trudeau avait laissé entendre qu’il déploierait lui aussi des centaines de militaires.

Les ministres de la Défense et représentants de 70 pays réunis à Vancouver depuis mardi devaient, pour participer à la conférence, avoir promis une contribution aux missions de maintien de la paix ou s’apprêter à le faire lors de la rencontre. Or le Canada s’y engagerait simplement, selon laCBC, à mettre à disposition de l’ONU des hélicoptères ou des avions de transport pour soutenir les missions en cours, ou encore à offrir de la formation aux Casques bleus.

« Je crois que certains de nos alliés seront déçus, parce qu’ils avaient été portés à croire que nous allions contribuer à des missions précises », notait mardi David Perry, analyste en défense à l’Institut canadien des affaires mondiales.

À l’été 2016, le gouvernement Trudeau promettait de déployer jusqu’à 600 soldats et 150 policiers au sein d’opérations de paix de l’ONU. « Il est temps d’agir avec conviction et de manière responsable comme un vrai artisan de la paix », plaidait alors l’ancien ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion.

La plateforme électorale du Parti libéral était moins ambitieuse, promettant de mettre à la disposition de l’ONU, « sur une base de cas par cas, des moyens spécialisés » de même que de « la formation de la police civile ». Un engagement qui ressemble à l’annonce qui devrait être faite ce mercredi, à en croire laCBC.

Mais depuis la campagne électorale, divers scénarios avaient été préparés pour le premier ministre prévoyant des déploiements au Mali, en Centrafrique, au Soudan du Sud ou en République démocratique du Congo. La décision en ce qui concerne ces possibles missions n’est jamais venue, au fil de l’année 2016. Mais la promesse de déployer des centaines de soldats et de policiers avait été entendue par la communauté internationale, qui attendait une contribution du Canada, selon Jocelyn Coulon, chercheur au CERIUM, qui a été le conseiller du ministre Dion.

« C’est ce qu’on a annoncé au monde entier », a rappelé M. Coulon. Si les rumeurs s’avèrent exactes, « ce sera décevant »,à son avis. « Et quelle sera la différence avec le gouvernement conservateur ? » s’est-il demandé en entrevue.

David Perry note cependant que près de 2000 soldats canadiens sont présentement déployés dans diverses régions de la planète. Si Ottawa en envoyait des centaines de plus en mission de paix, le nombre total de soldats déployés serait semblable à celui déployé au plus fort de la mission en Afghanistan. « Et c’était un engagement assez éprouvant », a-t-il relaté.

Au milieu des années 2000, le gouvernement avait en outre eu à gérer la mise en oeuvre d’une révision de sa politique de défense — nouvelles acquisitions, recrutement, etc. Le gouvernement Trudeau a dévoilé sa propre nouvelle mouture de la politique de défense en juin. « S’il y avait une autre mission opérationnelle d’envergure, l’armée serait surchargée », de l’avis de M. Perry.

Les risques de décès de soldats canadiens et les coûts d’une imposante mission de paix auraient aussi freiné les ambitions du gouvernement, selon lui.

Pourtant, Ottawa n’a pas hésité à envoyer des soldats en Lettonie ou en Ukraine pour protéger la souveraineté des voisins de la Russie, déplore Jocelyn Coulon. « Mais pour aller en Afrique, on dirait qu’il n’y a plus de volonté politique, il n’y a plus de troupes et il n’y a plus d’argent. »

M. Coulon s’explique mal aussi la peur de prendre part à une mission de paix dangereuse. Car le premier ministre connaissait les risques, a fait valoir son ancien conseiller en affaires étrangères. « M. Trudeau savait très bien que ce ne sont plus des opérations de maintien de la paix de nos jours, mais des opérations de paix. Et que dans ces opérations de paix il y a des risques. »

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