Parti conservateur: la rédemption ratée de Maxime Bernier

L’opposition à la campagne du député beauceron a été forte, particulièrement chez les agriculteurs.
Photo: Lars Hagberg La Presse canadienne L’opposition à la campagne du député beauceron a été forte, particulièrement chez les agriculteurs.

Il préparait le terrain depuis des années. Il s’est lancé parmi les premiers dans la course, en multipliant les annonces politiques ambitieuses. Son équipe était extrêmement confiante. Mais le vote ne s’est pas soldé comme prévu, et Maxime Bernier a vu son rêve s’effondrer au tout dernier tour de scrutin de l’élection du nouveau chef conservateur.

L’émotion était difficile à contenir. Maxime Bernier a félicité son collègue — et nouveau chef — Andrew Scheer, tout sourire et déterminé à rester au Parti conservateur. Mais rapidement lorsqu’il a été invité à commenter sa défaite les larmes ont tenté de se frayer un chemin. « C’est un moment difficile », a-t-il admis, visiblement démoli. Quand un journaliste lui a demandé comment il se sentait après avoir mené aux 12 premiers tours de scrutin pour être dépassé au tout dernier, Maxime Bernier n’a pas dit un mot, mais son visage en disait long.

Le verdict est tombé à la toute dernière minute, quand il ne restait que deux candidats dans la course que moins de 2 points de pourcentage auront finalement séparés. Andrew Scheer a été élu avec 50,9 % du vote, contre 49,05 % pour Maxime Bernier.

Dès le premier tour, l’équipe du Beauceron a constaté que la victoire ne serait pas aussi facile que prévu. Maxime Bernier avait besoin d’entrée de jeu de dépasser les 30 % pour devancer suffisamment ses rivaux et être impossible à rattraper. Il a obtenu 28,9 %. Les agriculteurs s’étaient mobilisés pour lui bloquer la route — lui qui promettait d’abolir la gestion de l’offre.

Au fil des tours de scrutin, Maxime Bernier n’a pas eu droit à autant d’appuis de second ou de troisième choix de la part des partisans des candidats éliminés. Andrew Scheer le rattrapait peu à peu : 1 % ici, 2 % là. Et lorsque le candidat pro-vie Brad Trost a été écarté au onzième tour, les deux tiers de ses 14,3 % de votes ont abouti chez Andrew Scheer. À l’avant-dernier tour, là encore les deux tiers des appuis d’Erin O’Toole ont atterri dans le camp Scheer. Et le sort de Maxime Bernier a été scellé. L’optimisme de son équipe, qui était convaincue de l’emporter depuis quelques semaines, s’était avéré prématuré.

Car les partisans d’Andrew Scheer ont davantage voté que ceux de Maxime Bernier. « C’est plus facile de motiver les gens à voter pour un vote de contestation que de voter pour quelqu’un », a constaté le député Jacques Gourde, coprésident de la campagne de M. Bernier au Québec.

L’échec de la gestion de l’offre

« À la fin, c’est devenu un référendum sur la gestion de l’offre. Et Maxime a perdu son pari », résumait M. Gourde, à la suite de l’annonce des résultats samedi soir.

« C’était une erreur. On lui a dit, à Maxime. Mais il l’a fait quand même », a argué le député Pierre Paul-Hus — qui appuyait Andrew Scheer.

L’opposition était forte. La campagne Scheer a recruté des milliers d’agriculteurs au Québec et en Ontario, en leur promettant de sauver la gestion de l’offre. Et la tâche n’a pas été difficile. Même les deux beaux-frères de Jacques Gourde — qui sont fermiers — ont rejoint le parti pour voter Andrew Scheer.

Le propre père de Maxime Bernier l’aurait lui aussi sommé de reculer, selon nos informations, incrédule de voir son fils de la Beauce s’attaquer au système de quotas qui régit la production des fermes laitières et de volaille.

Un long périple

 

La carrière politique de Maxime Bernier a déraillé brusquement en 2008. Le jeune député avait été forcé de démissionner de son poste de ministre des Affaires étrangères après qu’il eut égaré des documents confidentiels chez sa compagne de l’époque, Julie Couillard, qui avait fréquenté des personnes liées au crime organisé.

Ostracisé du caucus conservateur, relégué à l’arrière-ban par Stephen Harper, Maxime Bernier a décidé de parcourir le pays à la rencontre de militants conservateurs. Il a multiplié les discours à saveur libertarienne, notamment en Alberta, et s’est ainsi bâti une notoriété qui l’a rapidement propulsé parmi les meneurs de la course à la chefferie du Parti conservateur. Maxime Bernier attirait les foules et les jeunes. L’abolition de la gestion de l’offre, mais aussi l’abolition des subventions aux entreprises, la privatisation de Postes Canada et de grands aéroports, la déréglementation du secteur des télécommunications séduisaient les militants. Il avait dépassé tous ses rivaux au financement, en récoltant 2,4 millions au fil de la course.

Mais les conservateurs lui ont finalement préféré un candidat du consensus, qui ne s’engageait pas à révolutionner le programme politique conservateur, mais plutôt à garder le cap de la décennie Harper. Et Maxime Bernier a été contraint de renoncer à son projet des dix dernières années.

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