Avortement: le Canada participe à l’effort international

Manifestation au Salvador, en février dernier, pour réclamer la décriminalisation de l’avortement «pour la vie et la santé des femmes», peut-on lire sur les pancartes.
Photo: Marvin Recinos Agence France-Presse Manifestation au Salvador, en février dernier, pour réclamer la décriminalisation de l’avortement «pour la vie et la santé des femmes», peut-on lire sur les pancartes.

Le Canada a confirmé jeudi qu’il fera don de 20 millions de dollars au fonds international mis sur pied pour contrer les effets du désengagement américain en matière de santé maternelle à l’étranger. Si la somme est modeste, elle n’est que la première étape d’une initiative qu’Ottawa promet plus généreuse.

Comme cela est devenu la norme lors de l’entrée en fonction d’un président républicain à Washington, Donald Trump a interdit aux organismes d’aide humanitaire financés par les États-Unis de pratiquer des avortements ou même de parler d’avortement à l’étranger. Cette directive dite de Mexico (parce qu’elle y a été annoncée la première fois en 1984 par Ronald Reagan lors d’une conférence internationale sur la population) a été en vigueur aux États-Unis au cours de 17 des 32 dernières années. Mais elle semble avoir marqué davantage les esprits du fait d’être promulguée par M. Trump, au point où la ministre néerlandaise Lilianne Ploumen a lancé une initiative internationale pour se substituer au partenaire américain.

La conférence tenue cette semaine à Bruxelles et intitulée « She Decides » — « Elle décide » — vise à remplacer les fonds américains qui pourraient être perdus et qui sont évalués à 600 millions $US par année. En date de jeudi, ce sont 190 millions $US qui avaient déjà été amassés auprès de différents gouvernements.

L’argent canadien sera destiné à cinq organismes : International Planned Parenthood Federation, Population Services International (PSI), Marie Stopes International, Ipas et le Programme d’approvisionnement du Fonds des Nations unies pour la population. Joint par Le Devoir, l’organisme Marie Stopes International indique qu’il perdra les 30 millions de dollars par année versés par les États-Unis (17 % de son budget), car il pratique des avortements dans les pays où cela est légal. L’engagement du Canada lui garantit 4 millions cette année. PSI reçoit environ 225 millions $US par année des États-Unis.

La ministre canadienne du Développement international, Marie-Claude Bibeau, assure que les 20 millions annoncés jeudi ne sont qu’une première étape. « C’est une première annonce », a-t-elle indiqué aux journalistes au cours d’une conférence téléphonique jeudi matin. « La nouvelle politique de développement du Canada va mettre les femmes et les filles au coeur de cette politique. La question de l’autonomisation ou du renforcement économique des femmes en sera un élément central, incluant la santé sexuelle et reproductive. J’aurai l’occasion de faire des annonces encore plus substantielles au cours des prochaines semaines. »

Au Canada aussi, ce débat sur l’utilisation de l’argent des contribuables pour promouvoir l’avortement à l’étranger a eu cours. Les conservateurs de Stephen Harper l’avaient interdite dans la foulée de leur initiative dite de Muskoka sur la santé maternelle à l’étranger. Les libéraux de Justin Trudeau l’ont annulée. Mais voilà : les fonds débloqués pour le second volet de l’initiative, d’une durée de cinq ans dans la plupart des cas, l’avaient été sous les conservateurs avec les mêmes conditions. Un mot d’ordre a donc été donné pour modifier les ententes.

« Lorsque la ministre Bibeau a fait l’annonce, il y a un certain temps, que désormais tout le panier de services liés à la reproduction des femmes était acceptable, les organisations qui avaient déjà des fonds dans le programme ont reçu un appel d’un haut fonctionnaire », relate Denise Byrnes, la directrice générale d’Oxfam-Québec. Le message : elles pourront recommencer à parler d’avortement dans leur projet en cours.

Oxfam-Québec avait reçu une enveloppe de 15 millions s’étalant de 2016 à 2020 pour faire de l’éducation des femmes sur la santé reproductive et sexuelle en République démocratique du Congo (RDC). « Depuis que le gouvernement nous a permis d’inclure la gamme complète des services de santé reproductive aux femmes, nous faisons aussi de l’éducation sur les dangers des avortements faits dans des conditions rudimentaires et non sanitaires », indique Mme Byrnes. Oxfam-Québec n’offre pas d’avortements, par ailleurs interdits en RDC.

En mars 2016, Mme Bibeau avait débloqué une autre tranche de 76 millions pour la santé maternelle, cette fois sans condition, de même que 5 millions pour une initiative d’approvisionnement en contraceptifs au Honduras.

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