Jim Prentice périt dans un accident d’avion

Décédé dans un écrasement d’avion jeudi soir, l’ex-ministre fédéral et premier ministre de l’Alberta Jim Prentice aura été pendant plus de deux décennies une figure de premier plan du mouvement conservateur canadien.
L’homme politique, qui était retourné oeuvrer dans le secteur privé à la suite de la défaite des conservateurs aux dernières élections provinciales, est décédé lorsque l’avion Cessna à bord duquel il se trouvait s’est abîmé près de Kelowna en Colombie-Britannique. Il retournait alors à Calgary, en compagnie de trois autres personnes qui ont toutes péri, dont le beau-père de l’une de ses filles.

Atterrée, la famille de M. Prentice a tout de même tenu à prendre la parole, vendredi. « Les mots ne peuvent exprimer notre profond chagrin à l’annonce de ce tragique accident qui a emporté notre bien-aimé mari, père et grand-père, Jim », ont-ils expliqué, dans un communiqué.
Une passion pour la politique
Avocat, Jim Prentice s’est converti à la politique dès 1976, à titre de bénévole pour Joe Clark, qui allait remporter la chefferie du Parti progressiste-conservateur (PC). Dix ans plus tard, il tente en vain de se faire élire à l’assemblée provinciale, puis devient trésorier du Parti PC fédéral, de 1991 à 1995. En 2002, en pleins échanges sur l’union de la droite canadienne, il gagne l’investiture PC dans Calgary-Southwest, mais se désiste lorsqu’un certain Stephen Harper, le nouveau chef de l’Alliance canadienne, se porte candidat dans la même circonscription. M. Prentice tente par la suite de diriger le Parti PC, puis, après sa fusion avec l’Alliance, de prendre la tête du Parti conservateur, avant d’y renoncer de nouveau.
Enfin élu aux Communes en 2004, M. Prentice fera les manchettes en étant pour le mariage entre conjoints de même sexe, à une époque où la majorité des conservateurs s’y oppose avec véhémence. À la suite des élections de 2006, qui portent les conservateurs au pouvoir, il obtient certains des portefeuilles les plus prestigieux… et épineux : Industrie, Affaires indiennes et Environnement. En 2010, à la surprise générale, il quitte la politique fédérale, s’orientant vers le secteur financier.
Le poste de premier ministre qu’il convoitait tant, c’est finalement en Alberta qu’il l’obtient, en 2014, poste qu’il occupe avec beaucoup de succès jusqu’à ce qu’il déclenche des élections anticipées, qui se traduiront par la première défaite des conservateurs albertains en plus de 40 ans.
Un legs « immense »
Le drame survient six mois à peine après la disparition, dans un autre accident d’avion, de l’ex-ministre fédéral Jean Lapierre, aux îles de la Madeleine. Sept personnes étaient alors décédées, dont plusieurs autres membres de la famille Lapierre.
La première ministre néodémocrate de l’Alberta, Rachel Notley, a souligné l’ampleur du legs de son prédécesseur et tout l’amour qu’il portait pour sa province et le service public. « J’ai bénéficié de ses conseils, et le gouvernement de l’Alberta poursuit plusieurs des initiatives qu’il a mises en place. Tous les Albertains se portent mieux grâce à son travail. » Son propre père, Grant Notley, avait également trouvé la mort dans un écrasement d’avion survenu en 1984, alors qu’il assurait la direction du NPD provincial. « Il n’y a pas de mots pour des moments comme celui-ci, ma famille le sait trop bien. »
« Son héritage perdurera à travers sa famille et des décennies consacrées au service de la population », a pour sa part estimé Stephen Harper.
Professeur de sciences politiques à l’Université de Calgary, Barry F. Cooper a bien connu M. Prentice, « un excellent pêcheur à la mouche », selon lui.
Politiquement, sa contribution se situe surtout à Ottawa, croit l’expert. « C’était un excellent directeur de l’exploitation pour le p.-d.g. qu’était Harper. Il savait bien porter les dossiers chers à l’Alberta, particulièrement face aux pressions du Canada central. » Il était connu et apprécié pour son approche qui s’éloignait de celle, plus idéologique, de son patron et de certains collègues. « Un grand nombre de ses accomplissements se sont en fait déroulés en coulisse. »
Plusieurs leaders autochtones tenaient également en estime M. Prentice, qui avait joué un rôle central, avant son entrée en politique active, dans les négociations entre Ottawa et les Premières Nations. « C’est peut-être là que son approche sera le plus manquée », croit M. Cooper.