Ottawa refuse des visas à six parlementaires

Le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, John McCallum
Photo: Adrian Wyld La Presse canadienne Le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, John McCallum
Ottawa en a-t-il contre les élus de la gauche et leurs idées progressistes ? C’est la question que se posent les organisateurs d’un sommet parlementaire qui se tient mercredi à Montréal, en marge du Forum social mondial (FSM). C’est qu’en plus d’avoir refusé l’entrée au pays à l’ex-ministre malienne Aminata Traoré, les autorités canadiennes ont rejeté les demandes de visa d’au moins six parlementaires étrangers au cours des dernières semaines, un geste hautement inhabituel.

Ils proviennent du Népal, de la Colombie, de la Malaisie, du Mali et de la Palestine et devaient assister mercredi au Forum parlementaire mondial (FPM), un événement distinct mais tenu simultanément avec le FSM. Or ils ont tous reçu des avis leur annonçant que leur demande de visa avait été refusée, au motif qu’ils n’auraient pu démontrer qu’ils venaient au pays « sur une base temporaire ».

Des arguments qui consternent autant les organisateurs du FPM que les parlementaires canadiens qui participent à l’événement, lequel permet à ces acteurs d’échanger sur les défis auxquels font face la gauche politique et les mouvements sociaux.

« On parle de parlementaires, d’élus démocratiques chez eux. Pourquoi resteraient-ils au Canada ? C’est extrêmement malheureux comme situation, et le signal que cela envoie au monde, c’est que des députés élus démocratiquement sont des indésirables ici, au Canada », a estimé la députée de Québec solidaire Françoise David.

Elle n’a pas manqué de relever la contradiction entre ces décisions et le message d’ouverture sur le monde de Justin Trudeau lors de son élection à la tête du pays, l’an dernier.

Député montréalais du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice qualifie quant à lui d’« indécentes et honteuses » ces décisions des autorités. « Je comprends tout à fait qu’on puisse avoir, parfois, peur que certaines personnes refusent de retourner dans leurs pays. Mais dans le cas présent, c’est complètement loufoque comme argumentaire. Ces personnes participent régulièrement à des forums internationaux », fait-il valoir.

À la tête de l’événement, Andrès Fontecilla, de Québec solidaire, voit carrément dans ces décisions un « ciblage » des élus de la gauche. Parmi les gens à qui on a refusé un visa figurent notamment l’un des co-organisateurs de l’événement de même qu’un ancien candidat à la présidence du Mali, qui n’ont aucun intérêt à rester ici, dit-il. « C’est sûr que, si c’était un forum prônant le libre-échange, la réponse aurait été tout autre. Ces gens-là auraient pu entrer au pays sans problème. »

Le cabinet du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, John McCallum, a offert bien peu de détails pour expliquer ces refus, invoquant la protection des renseignements personnels. On rappelle que les demandes de visa sont évaluées au cas par cas et que les décisions sont prises par des fonctionnaires conformément à la loi canadienne, et non par le personnel politique.

« Qu’ils soient parlementaires ou pas, s’ils ne remplissent pas les critères, ils ne peuvent pas [venir]. On ne peut tout simplement pas savoir qui sont ces gens », malgré le poste qu’ils occupent, a indiqué Félix Corriveau, un porte-parole du ministre McCallum.
Le ministre aurait pu intervenir s’il avait été avisé de ces problèmes, a-t-il laissé entendre. Il est toutefois peu probable que les six parlementaires puissent être admis au pays à temps pour la tenue du FPM mercredi.

Les défis conjoints de la gauche et des mouvements sociaux, la lutte contre l’austérité et la justice environnementale figurent parmi les thèmes qui doivent être abordés lors de ce sommet qui accueillera une quarantaine de parlementaires de différents pays, autant de l’Europe que des pays du Sud.

Si les trois élus de Québec solidaire et deux des quatre députés montréalais du NPD seront présents, une seule députée du Parti québécois, la candidate à la chefferie Martine Ouellet, sera présente au FPM. D’autres députés péquistes participeront toutefois à certaines activités du FSM, selon un porte-parole. L’absence d’une délégation plus importante du PQ au forum parlementaire en a fait sourciller plus d’un au sein de l’organisation de l’événement.

Un atelier antisémite annulé, un logo «Canada» retiré au FSM

Les organisateurs du Forum social mondial (FSM) se confondaient en excuses mardi, à la suite de la publication d’une caricature jugée antisémite sur le site Internet de l’événement. Ils ont également annulé la tenue de l’atelier « Terrorisme, wahhabisme, sionisme », à l’origine de la publication du dessin, après que des groupes d’intérêt juifs et des députés libéraux ont dénoncé cette activité « raciste ».

Le FSM, qui doit regrouper quelque 10 000 délégués à Montréal au cours des prochains jours, compte des centaines de tables rondes, débats et conférences, en majeure partie programmés de façon autonome par les différents groupes présents, a indiqué Carminda Mac Lorin, porte-parole de l’événement, pour expliquer comment cet atelier a pu se retrouver parmi les activités officielles du Forum. « Quand on a constaté la teneur de cette activité, on a eu un malaise. Elle manifestait de nombreux préjugés et c’est pour ça qu’on a pris la décision de la retirer de la programmation. On ne peut tolérer quoi que ce soit de raciste dans nos activités », a-t-elle déclaré.

Cette activité avait notamment été décriée par le député libéral de Mont-Royal, Anthony Housefather. L’élu, de confession juive, serait même intervenu pour faire retirer le mot-symbole « Canada » qui apparaît à côté de ceux du gouvernement du Québec et de Tourisme Montréal dans la liste des partenaires du Forum, selon le National Post. Le gouvernement fédéral n’a pas commenté cette information mardi soir.


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