La loi actuelle ne permet pas de tenir un référendum, soutient un ex-DGE

Jean-Pierre Kingsley a été à la tête d’Élections Canada de 1990 à 2007. On le voit ici lors d’une conférence de presse tenue en 2005.
Photo: Tom Hansen La Presse canadienne Jean-Pierre Kingsley a été à la tête d’Élections Canada de 1990 à 2007. On le voit ici lors d’une conférence de presse tenue en 2005.

Les conservateurs martèlent sans relâche que toute réforme du mode de scrutin au fédéral, pour être légitime, devra être soumise à un référendum. Mais il y a un problème : la Loi référendaire du Canada stipule qu’un référendum ne peut être tenu… que sur des questions constitutionnelles. Si le gouvernement veut accéder à la demande conservatrice, il devra d’abord modifier la loi, estime l’ancien directeur général des élections Jean-Pierre Kingsley.

« Je dis que, sous la loi actuelle, on ne peut pas avoir un référendum traitant du mode de scrutin », soutient M. Kingsley en entrevue avec Le Devoir. M. Kingsley a été à la tête d’Élections Canada de 1990 à 2007.

La Loi référendaire, adoptée en 1992, stipule qu’une consultation peut être organisée si le gouvernement « estime que l’intérêt public justifie la consultation du corps électoral canadien par voie référendaire sur une question relative à la Constitution du Canada ». Le site Internet d’Élections Canada renchérit : « Au palier fédéral, les référendums ne peuvent porter que sur des questions de nature constitutionnelle », est-il écrit.

M. Kingsley affirme que le mode de scrutin n’est pas de nature constitutionnelle tant qu’on ne modifie pas la répartition des sièges (autrement que lors d’un redécoupage normal). L’actuel directeur général des élections, Marc Mayrand, a refusé d’accorder une entrevue sur le sujet lundi, son porte-parole indiquant qu’il revenait au gouvernement de répondre à cette question.

Trois référendums

 

M. Kingsley se targue d’être « le seul être encore vivant qui a géré un référendum fédéral au Canada ». Il n’y a eu que trois consultations populaires au Canada : une sur la prohibition en 1898, une sur la conscription en 1942 et enfin celle sur l’accord de Charlottetown en 1992. C’est pour cette dernière que la Loi a été rédigée par le gouvernement progressiste-conservateur de l’époque. M. Kingsley reconnaît que la Loi pourrait être changée pour permettre un référendum sur un autre sujet. « Ce qui est important, c’est de le dire, explique-t-il. N’attendez pas la dernière minute pour réaliser qu’on ne peut pas le faire. Changer une loi, c’est long. »

Le gouvernement de Justin Trudeau a promis que l’élection de 2015 serait la dernière à être tenue selon le mode de scrutin traditionnel, dit uninominal à un tour. Mais il refuse de s’engager à soumettre à l’approbation populaire la réforme qu’il proposera au terme des consultations publiques.

Constitution ou pas ?

Le constitutionnaliste Peter Hogg estime que la situation est plus nuancée. Certains avocats pourraient plaider que la Charte canadienne des droits et libertés garantit le droit de vote et que ce droit signifie implicitement qu’il s’exerce selon le mode de scrutin actuel. Changer cela équivaudrait à un changement constitutionnel permettant un référendum. M. Hogg précise qu’il n’est pas d’accord avec ce point de vue et que la solution la plus simple serait de changer la Loi référendaire.

Pour sa part, le constitutionnaliste Stéphane Beaulac pense que c’est d’adopter une interprétation très étroite de ce que constitue une « question de nature constitutionnelle ». À son avis, un référendum sur la réforme du mode de scrutin peut très bien aller de l’avant en vertu de la loi actuelle. Et s’il y a contestation, il prédit que les tribunaux adopteront une vision large de ce que constitue une question de nature constitutionnelle pour inclure les questions concernant « l’organisation des pouvoirs publics ».

Le DGE tirera sa révérence en décembre

L’actuel directeur général des élections, Marc Mayrand, quittera ses fonctions le 28 décembre prochain. « J’ai conclu qu’il serait préférable que je quitte mon poste à la fin de l’année pour permettre à mon successeur d’avoir le temps nécessaire pour prendre la direction et déterminer l’orientation future d’Élections Canada », dit M. Mayrand lundi par voie de communiqué de presse. Le patron d’Élections Canada peut rester en poste de manière indéterminée, jusqu’à l’âge de 65 ans. M. Mayrand atteindra cet âge en avril 2018, soit 18 mois avant le prochain scrutin. « Compte tenu des plans de modernisation ambitieux de l’institution concernant les services électoraux, et de l’examen par le gouvernement d’une réforme fondamentale de notre mode de scrutin, je crois qu’il est essentiel qu’un successeur soit nommé rapidement. » M. Mayrand avait succédé à Jean-Pierre Kingsley en février 2007. Il a été la sixième personne à occuper le poste depuis sa création en 1920.


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