Les gouvernements font déjà «tout ce qu’ils peuvent»

Depuis le début des révélations des Panama Papers, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer des actions plus vigoureuses de la part des gouvernements nationaux dans la lutte contre l’évitement et l’évasion fiscale. Mais selon l’expert en fiscalité internationale Jean-Pierre Vidal, les États impliqués dans cette bataille, y compris le Canada, ont déjà fait ce qui est en leur pouvoir.
« Les gouvernements font déjà beaucoup. En fait, je pense qu’ils font déjà tout ce qu’ils peuvent », affirme le professeur au Département des sciences comptables de HEC Montréal en entrevue au Devoir.
« Le défi, c’est surtout d’obtenir les informations pour prendre les gens qui sont en défaut, précise-t-il. Tant que les gens sont capables de cacher ce qu’ils font, on ne peut pas les atteindre. Et même si on engageait des dizaines de milliers de vérificateurs, ça ne changerait rien. »
Selon M. Vidal, les gouvernements ont fait des progrès considérables en matière d’échange d’informations depuis le début des années 2000. Sous l’impulsion de l’OCDE, de nombreuses juridictions se sont engagées à échanger des renseignements fiscaux : 132 se sont jusqu’à maintenant dites prêtes à le faire « sur demande » et 96 ont promis d’échanger des informations de manière « automatique », dans un délai de deux ans.
Par exemple, le Canada a signé des accords d’échange de renseignements fiscaux avec une multitude de paradis fiscaux bien connus, comme les Bahamas, les Bermudes, l’île de Man ou les îles Vierges britanniques, mais dans ces quatre cas comme dans plusieurs autres, le transfert d’informations se fait « sur demande ».
« Des paradis fiscaux qui refusent de collaborer avec des pays développés, il n’y en a plus, explique M. Vidal. Mais bien entendu, il faut que ces pays-là aient l’infrastructure nécessaire pour répondre aux demandes. Ils n’ont pas d’impôt, donc ils n’ont pas de ministère du Revenu, pas de fonctionnaires. Donc on s’adresse à qui pour poser les questions ? »
Selon le professeur, il faudra attendre encore cinq à dix ans pour voir les différents pays mettre les infrastructures nécessaires en place et respecter leurs promesses en ce qui concerne le partage d’informations. À condition, bien sûr, que la volonté soit réelle.
L’Agence du revenu du Canada a réitéré mardi son intention de donner suite aux révélations des Panama Papers. « L’Agence cherche activement la collaboration de ses partenaires signataires de convention et du Consortium international des journalistes d’investigation pour obtenir tous les dossiers divulgués qui concernent des résidents canadiens », a-t-elle déclaré par voie de communiqué.
Dans son dernier budget, le gouvernement Trudeau a consacré 444 millions de dollars sur cinq ans à la lutte contre l’évasion et l’évitement fiscaux. Ce nouvel effort permettrait, selon Ottawa, d’aller chercher 2,6 milliards sur cinq ans.