Une baisse d’impôt à crédit

Finalement, Justin Trudeau qui voulait se faire Robin des bois le fera à crédit. Le ministre des Finances libéral, Bill Morneau, a reconnu lundi que le remaniement promis des paliers fédéraux d’imposition, visant à alléger le fardeau fiscal de la classe moyenne en faisant payer les plus riches, ne se ferait pas à coût nul. La redistribution de la taxation créera un autre manque à gagner, de 1,2 milliard de dollars par année celui-là, avec lequel le gouvernement de Justin Trudeau devra composer.

Le taux d’imposition s’appliquant aux revenus compris entre 45 000 $ et 90 000 $ passera de 22 % à 20,5 %. Inversement, un nouveau taux de 33 % sera imposé aux revenus dépassant 200 000 $. À l’heure actuelle, le taux d’imposition le plus élevé est de 29 % et s’applique à partir de 140 000 $. Les changements entreront en vigueur dès le 1er janvier.

Les mesures sont donc exactement celles promises pendant la campagne électorale, à une exception près : ce qui était présenté comme une opération ne faisant que déplacer 3 milliards de revenus d’une catégorie de contribuables à une autre devient une opération qui privera Ottawa de 1,2 milliard chaque année. Raison : le coût du congé fiscal est un peu plus élevé que prévu (3,4 milliards), tandis que les recettes provenant des plus nantis seront un tiers moindres (2 milliards). À cela, il faut ajouter diverses pertes de revenus découlant de cette grille fiscale remaniée. En coulisses, on explique ces erreurs de calcul par le ralentissement économique plus prononcé que prévu, mais surtout par une sous-évaluation libérale de l’évitement fiscal auquel les plus nantis, calcule-t-on, s’adonneront.

Le ministre des Finances n’a pas indiqué ce que ce manque à gagner signifierait pour son solde budgétaire final. « Ça va coûter un peu plus au gouvernement, et on va expliquer exactement aux Canadiens la différence », a-t-il répondu en conférence de presse.

Les libéraux se sont engagés en campagne électorale à présenter des déficits inférieurs à 10 milliards de dollars et à retourner à l’équilibre budgétaire à la quatrième année de leur mandat. Le ministre Morneau a refusé lundi de réitérer la première de ces deux promesses. « Nous avons promis de réduire le ratio de la dette par rapport au produit intérieur brut pendant notre mandat. Nous avons l’intention de tenir cette promesse », s’est-il contenté de dire.

Déjà, il y a trois semaines, son ministère avait revu à la baisse ses prévisions économiques, retranchant environ 6 milliards du solde budgétaire pour chacune des années à venir du mandat libéral. Pour l’année fiscale 2016-2017 qui s’en vient, cela signifiait que le déficit serait de 14,4 milliards au lieu des 10 promis. L’annonce de lundi augmente d’autant le manque à gagner.

Les moins nantis

 

Le ministère des Finances calcule qu’en moyenne un contribuable célibataire économisera avec le plan libéral 330 $ par an et un couple, 540 $. L’allègement fiscal maximal s’élèvera à 679 $ par an. Neuf millions de personnes obtiendront un allègement, sur un total de seize millions de contribuables payant de l’impôt. Il n’y aura que 319 000 personnes qui paieront plus qu’avant. Comme tous les contribuables gagnant plus de 45 000 $ obtiendront la baisse d’impôt, on calcule que c’est à partir d’un revenu annuel de 217 000 $ qu’un contribuable commencera à payer davantage qu’il n’aura économisé.

Ces chiffres sont au coeur de la critique néodémocrate. Selon eux, le congé fiscal aurait dû être appliqué au premier palier d’imposition et non au second, de manière à ce qu’il profite aussi aux moins fortunés. Le NPD propose plutôt de faire passer le taux le plus bas de 15 % à 14 %, ce qui coûterait environ la même chose au Trésor fédéral, mais profiterait à un plus grand nombre de personnes. « Quelqu’un faisant le salaire médian, qui est 31 320 $ par an, n’aura rien, a illustré le chef Thomas Mulcair. Une famille qui est de la classe moyenne qui gagne 45 000 $ ne verrait aucun bénéfice. Alors qu’un député qui gagne 167 400 $ obtiendra la baisse d’impôt maximale, et ce n’est tout simplement pas juste. »

À cela, le ministre Morneau réplique que le plan libéral doit être considéré comme « un tout » : la prochaine étape sera la refonte des diverses allocations pour les enfants. Ces allocations, qui seront inversement proportionnelles aux revenus familiaux, devraient aider davantage les moins bien nantis.

Pour leur part, les conservateurs ont raillé cette erreur de calcul du gouvernement Trudeau. « Nous serons le chien de garde des contribuables », a lancé la chef par intérim, Rona Ambrose, dans sa réponse au discours du Trône qui se voulait un vibrant plaidoyer pour la frugalité gouvernementale. « Seuls les libéraux peuvent concocter une baisse d’impôt qui coûtera de l’argent aux contribuables… »

La motion libérale présentée lundi annule par ailleurs le fractionnement du revenu pour les familles et ramène le plafond annuel de contribution au compte d’épargne libre d’impôt (CELI) de 10 000 $ à 5500 $. La motion ne dit rien à propos de la remise en place du crédit d’impôt pour les cotisations versées à des fonds de travailleurs, comme celui de la FTQ. Le ministre Morneau a indiqué qu’il consulterait son ministère « pour être certain de la façon dont on peut le faire dans le budget ».

330 $
Économie moyenne pour un contribuable célibataire en un an avec le plan libéral. Un couple économisera en moyenne 540 $. L’allègement fiscal maximal s’élèvera à 679 $ par an.

Une famille qui est de la classe moyenne qui gagne 45 000 $ ne verrait aucun bénéfice. Alors qu’un député qui gagne 167 400 $ obtiendra la baisse d’impôt maximale, et ce n’est tout simplement pas juste.

Seuls les libéraux peuvent concocter une baisse d’impôt qui coûtera de l’argent aux contribuables.

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