Aide à mourir bloquée par la Cour supérieure: Québec fera appel
Les malades québécois devront patienter encore. L’aide médicale à mourir ne pourra leur être offerte à compter du 10 décembre prochain. La Cour supérieure a accordé la suspension de la loi québécoise que réclamaient non seulement un médecin opposé au suicide assisté, mais aussi le gouvernement fédéral. Le gouvernement Couillard a réagi aussitôt en affirmant qu’il allait présenter une demande d’en appeler de cette décision, qu’il juge non fondée.
La cause était pilotée par le médecin Paul J. Saba et une femme atteinte de paralysie cérébrale, Lisa D’Amico. Les deux demandaient à Québec de surseoir l’entrée en vigueur de sa loi, la semaine prochaine, loi qui autorise les médecins du Québec à fournir à un patient l’aide nécessaire pour mettre fin à ses jours. Comme Le Devoir l’a révélé la semaine dernière, le gouvernement de Justin Trudeau s’était joint à cette demande d’injonction.
Ottawa faisait valoir que les dispositions du Code criminel interdisant à quiconque d’aider une autre personne à se tuer sont encore en vigueur. Certes, ces dispositions ont été invalidées par la Cour suprême du Canada en début d’année, mais les juges ont suspendu leur jugement un an, soit jusqu’en février prochain. Ottawa estime donc que d’ici là, il reste criminel pour un médecin québécois de faire une injection mortelle et que la loi québécoise pose problème. Le juge Michel Pinsonnault donne raison à Ottawa et aux demandeurs.
« À l’entrée en vigueur de la Loi concernant les soins de fin de vie le 10 décembre prochain, les articles de cette Loi concernant l’Aide médicale à mourir seront en conflit avec les articles 14 et 241 b) du Code criminel, que ces articles sont incompatibles avec cette loi fédérale », écrit le juge dans le jugement obtenu par Le Devoir.
L’article 14 du Code criminel stipule que « nul n’a le droit de consentir à ce que la mort lui soit infligée ». L’article 241b) quant à lui indique que quiconque « aide quelqu’un à se donner la mort » est passible d’une peine de 14 ans de prison.
Le juge Pinsonnault tranche que la loi québécoise, du moins ses portions traitant d’aide médicale à mourir, doit rester sans effet « jusqu’à la prise d’effet d’invalidité des articles 14 et 241b) ». Or, Ottawa songe sérieusement à demander à la Cour suprême une extension de délais pour avoir ainsi le temps de concocter sa propre loi sur l’aide à mourir. Si le plus haut tribunal du pays accorde cette extension, et de facto maintient la validité des articles du Code criminel contestés, alors la loi québécoise restera inopérante pour encore longtemps.
Appel de la décision
Lors d’une brève mêlée de presse, les ministres de la Justice, Stéphanie Vallée, et de la Santé, Gaétan Barrette, ont tous deux réaffirmé qu’à leurs yeux la loi québécoise était parfaitement valide.
Ils ont rappelé que cette loi faisait partie de l’offre de soins de fin de vie prodigués aux grands malades et ne devait donc pas être associée à une forme d’euthanasie, comme semble le laisser entendre le tribunal.
« Rappelons-nous très clairement que l’aide médicale à mourir, c’est un soin de santé. Dans le jugement, on fait un parallèle beaucoup trop étroit avec l’euthanasie », a commenté la ministre Vallée.
Hivon choquée
Le Québec est plongé malgré lui dans une « situation excessivement choquante », a déploré l’ex-ministre déléguée aux services sociaux Véronique Hivon. La décision du juge Michel A. Pinsonnault « ne tient pas la route », selon elle. « Cette loi [sur les soins de fin de vie], elle est attendue. Elle est attendue par des gens qui en ce moment sont malades, qui voient cette porte de sortie là comme vraiment une source de sérénité dans leur combat contre la maladie, dans leur agonie », a-t-elle souligné. La députée péquiste a dit « demeur[er] confiante que l'appel va être reçu et que notre loi québécoise va pouvoir entrer en vigueur le 10 décembre ».
Avec Marco Bélair-Cirino et La Presse canadienne