Une chaire sur le fédéralisme voit le jour

Pierre Vallée Collaboration spéciale
Dans son livre «Intergovernmental Relations», la titulaire de la Chaire Peter Mackell, Johanne Poirier, donne en exemple le registre des armes à feu que le gouvernement Harper a unilatéralement aboli et détruit par un vote à la Chambre des communes pour expliquer le fonctionnement différent des fédérations sur un sujet donné.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Dans son livre «Intergovernmental Relations», la titulaire de la Chaire Peter Mackell, Johanne Poirier, donne en exemple le registre des armes à feu que le gouvernement Harper a unilatéralement aboli et détruit par un vote à la Chambre des communes pour expliquer le fonctionnement différent des fédérations sur un sujet donné.

Ce texte fait partie du cahier spécial Éducation

Depuis peu, l’Université McGill est dotée d’une nouvelle chaire sur le fédéralisme, la Chaire Peter Mackell. C’est grâce à la générosité de Peter Mackell, un éminent avocat montréalais en droit commercial, décédé en 2011, que cette chaire a vu le jour.

La titulaire de la Chaire Peter Mackell est Mme Johanne Poirier, professeure en droit public et constitutionnel comparé et spécialiste du fédéralisme. Après son doctorat à l’Université Cambridge, Mme Poirier a fait l’essentiel de sa carrière en Belgique, notamment à la Faculté de droit et à l’Institut d’études européennes de l’Université libre de Bruxelles.

La Chaire Peter Mackell aborde le fédéralisme sous un angle plutôt large. Il sera question du fédéralisme d’État, celui connu du commun des mortels, qui est la structure étatique entre un gouvernement central et les gouvernements des unités qui composent la fédération, comme l’est le fédéralisme canadien. Mais il sera aussi question de fédéralisme interétatique et même de fédéralisme non étatique. Un exemple de fédéralisme interétatique est l’Union européenne, qui, sans être formellement une fédération, en possède certains attributs. Quant au fédéralisme non étatique, Mme Poirier en donne deux exemples.

« Le premier exemple est celui du fédéralisme syndical, avance-t-elle. Les syndicats sont composés de différentes unités qui agissent indépendamment dans certains dossiers. Mais ces unités se réunissent aussi au sein d’une fédération, ce qui permet de mener une action commune. Le second exemple est celui des ONG, comme Médecins sans frontières. Chaque pays a son Médecins sans frontières qui peut mener des missions particulières. Mais il y a aussi un Médecins sans frontières international pour les missions communes. »

Mais dans tous les cas de figure, et peu importe les déclinaisons que peut prendre le fédéralisme, un principe de base est commun à tous les fédéralismes. « Le fédéralisme combine toujours deux axes d’action. D’une part, il y a l’autonomie des unités qui composent la fédération et, d’autre part, les actions concertées entre ces unités et l’unité centrale. »

Axes de recherche de la nouvelle chaire

 

La Chaire Peter Mackell n’est pas à proprement parler une chaire de recherche, mais plutôt une chaire d’enseignement, c’est-à-dire que la dotation de la chaire sert essentiellement à couvrir le salaire de professeur de Mme Poirier. « Je dispose d’un petit budget de fonctionnement, mais les études et les recherches que mènera à l’avenir la Chaire Peter Mackell devront trouver leurs propres financements. »

Il est trop tôt pour déterminer avec précision quels seront les axes de recherche de la Chaire Peter Mackell, mais un bref coup d’oeil aux recherches menées par le passé par Mme Poirier donne quelques pistes. « Je me suis beaucoup intéressée à la manière dont le fédéralisme accommode la diversité en société. Comment une fédération assure la protection de ses minorités ? En leur accordant des droits ? Est-ce que ces droits ont un fondement légal ? Peuvent-ils être modifiés ou retirés unilatéralement par une ou l’autre des parties ? »

Mme Poirier se penche actuellement sur un nouveau sujet de recherche qu’elle croit aujourd’hui essentiel et qui pourrait être un sujet pour la Chaire Peter Mackell. « Depuis 20 ans, il s’est fait beaucoup de recherche sur l’autonomie et la reconnaissance des droits au sein du fédéralisme. Par contre, il s’en est fait beaucoup moins sur les liens entre les composantes d’une fédération et sur les actions concertées. » Elle donne en exemple le cas d’un pays (fictif) qui, après un conflit, se retrouve avec quatre groupes linguistiques et culturels différents qui composent la fédération. « Afin de calmer le jeu, le gouvernement central va sans doute offrir des droits à ces quatre groupes, par exemple en leur accordant les pleins pouvoirs en matière de langue et d’éducation. Par contre, ces pouvoirs ne doivent pas créer des ghettos où les groupes en viendraient à perdre leur connaissance de la langue commune. Il faut une action concertée et des liens entre les groupes afin de préserver la langue commune. »

 

Fédéralisme comparé

Les études sur le fédéralisme comparé figureront certainement au menu de la Chaire Peter Mackell. Mme Poirier vient de faire paraître un ouvrage à ce sujet, Intergovernmental Relations, dans lequel elle et ses coauteurs ont mené une étude comparative de 12 fédérations d’État et une fédération interétatique, soit l’Union européenne. « Parmi les fédérations d’État, nous avons choisi de vieilles fédérations, mais aussi des fédérations plus récentes. Nous avons aussi retenu des fédérations dont la base est le droit commun et d’autres dont la base est le droit civil. De plus, nous avons mis en place une grille d’analyse comprenant des points précis à étudier, comme le partage de l’assiette fiscale, les relations intergouvernementales, les mécanismes de coopération entre les divers parlements, etc. »

Cet ouvrage permet de voir le fonctionnement différent des fédérations sur un sujet donné. Il donne en exemple le registre des armes à feu que le gouvernement Harper a unilatéralement aboli et détruit par un vote à la Chambre des communes. Le Québec a eu beau protester, par la voie politique d’abord, et ensuite par les tribunaux, la Cour suprême a tranché en faveur du gouvernement fédéral. Cela aurait-il été possible dans une fédération comme l’Allemagne ? « Non, répond Johanne Poirier, à cause de la structure du fédéralisme allemand. Une loi votée par le Parlement fédéral allemand, le Bundestag, doit obtenir l’aval de la seconde chambre fédérale, le Bundesrat, là où siègent les membres de l’exécutif des parlements des Länder. Le gouvernement allemand n’aurait pas pu agir unilatéralement, il lui aurait fallu l’aval des Länder. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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