La Ligue des droits et libertés dénonce la vague sécuritaire
À quelques jours du scrutin, la Ligue des droits et libertés (LDL) espère secouer les replis sécuritaire et identitaire. L’organisme de défense lance un manifeste et une vidéo associée qui appellent à la solidarité devant ces obsessions qui minent la démocratie, ces deux faces d’un même visage.
De la « militarisation de la sécurité publique » à la « capacité du service de sécurité d’agir dans l’ombre », en passant par « les nouveaux habits du populisme » et la « xénophobie », le texte dévoilé sur le site de la Ligue ratisse large.
La peur de l’étranger ou du terroriste n’est pas nouvelle, mais la campagne électorale a donné l’occasion aux partis politiques de s’en faire de plus en plus les « vecteurs », les « porte-parole », expose en entrevue au Devoir le président de la LDL, Christian Nadeau.
Pire, plutôt que de réagir à des tensions ou à des problèmes déjà présents dans la population, ils les mettent eux-mêmes de l’avant sur la place publique. « Il y avait par exemple une volonté de calmer le jeu derrière la Commission sur les accommodements raisonnables. Alors qu’on a vu les partis politiques plutôt souffler sur les braises de la xénophobie durant la campagne », dit celui qui est aussi professeur de philosophie politique à l’Université de Montréal.
« On ne peut faire disparaître ces craintes de la population. Mais le vrai danger est lorsque les partis politiques et les institutions surfent sur ces craintes afin de mieux assurer leur pouvoir », croit-il. La « terreur provoquée de façon irresponsable », accuse le manifeste, consiste justement à instrumentaliser certains groupes, notablement les musulmans.
Écran de fumée
Même si la LDL se garde d’être partisane, M. Nadeau décrit un premier ministre passé maître dans l’art d’agiter ces épouvantails. D’abord avec ce mot « protection », un écran de fumée, brandi « comme si l’on devait se protéger d’un corps étranger », dont l’utilisation la plus radicale mène à la loi antiterroriste C-51, justifiant « l’augmentation des pouvoirs arbitraires », accuse le texte.
En version plus douce — « mais tout aussi inquiétante » —, cette folie autour du niqab durant les élections. Le stratagème a selon lui servi les intérêts de Stephen Harper : « La controverse autour du niqab a ressuscité le Parti conservateur, malgré une opposition très forte au Québec, ce qui démontre leur jeu sur l’échiquier. »
La réponse des conservateurs à la demande d’accueillir plus de réfugiés ne lui semble possible que dans ce climat de repli identitaire et sécuritaire. « Peu de gens sont montés au créneau pour dénoncer la situation, alors qu’on assiste à l’une des plus grandes crises de déplacement de population depuis la Deuxième Guerre mondiale », observe-t-il.
Le Québec n’est pas en reste, et nos politiciens provinciaux participent aussi à ce « jeu dangereux ». « Au Québec, on avait l’impression d’être un peu à part de tout ça, que le phénomène Harper était exogène à notre culture, mais on finit par évoquer les mêmes arguments », constate M. Nadeau.
Un manifeste ni pamphlétaire ni trop prudent, qui cherche à rappeler qu’au-delà du vainqueur de l’élection, il faut « combattre le faux et l’ignorance par la mobilisation des savoirs » et « la discrimination par la solidarité ». Et ne pas souffler sur les braises de la xénophobie, à défaut de quoi on se retrouvera vite avec une société tendue et inconfortable, insiste le philosophe.