Le poids lourd de Papineau dans l’arène

Justin Trudeau est allé boxer avec son entraîneur Michel Ali Nestor, mercredi midi, au gymnase du quartier Saint-Michel qu’il fréquente depuis six ans. C’était bien sûr pour montrer à tout le monde qu’il est prêt à frapper fort lors du débat des chefs, ce jeudi soir à Montréal.
« Dans le ring, Justin est très méthodique. Il est cérébral, studieux », dit « Ali », comme on appelle simplement le patron de l’Académie Ness Martial. « Justin est grand, élancé, et il se sert de son physique. Son arme secrète, c’est son jab, qui peut faire mal à l’adversaire », ajoute l’entraîneur.
Michel Ali Nestor voit un « lien direct » entre la boxe et la politique. « C’est exactement le même principe. Dans la boxe comme en politique, ça prend de la concentration et de la discipline. Dans le ring, en tout cas, on n’a jamais fini d’apprendre », dit-il.
Comme par hasard, Justin Trudeau a commencé la boxe peu après être devenu député de la circonscription de Papineau, au centre de Montréal, en 2008. Les proches du chef libéral affirment qu’il s’est montré aussi studieux dans l’arène qu’à la Chambre des communes. À moins d’un mois du scrutin du 19 octobre, la confiance règne dans l’entourage de Justin Trudeau. Mais on reconnaît que l’aspirant-premier ministre devra se montrer combatif non seulement pour remporter l’élection, mais pour se faire élire dans sa circonscription.
Une lutte serrée
La majorité de 4327 voix que Justin Trudeau a obtenue en 2011 paraît fragile. Le Bloc québécois n’a pas dit son dernier mot, mais la néodémocrate Anne Lagacé Dowson travaille fort pour rallier les 11 091 électeurs qui avaient appuyé le parti de Gilles Duceppe il y a quatre ans. En parcourant la circonscription, on constate que le bloquiste Maxime Claveau devra lui aussi sortir les gants de boxe s’il veut reprendre le siège que le parti souverainiste a détenu durant deux ans, de 2006 à 2008.
« J’ai toujours voté pour le Bloc, mais cette fois je vais appuyer le NPD [Nouveau Parti démocratique] », dit Lyne Trépanier, rencontrée à son commerce, le service de traiteur Crackpot, rue De Castelnau, à deux pas du marché Jean-Talon. « Le Bloc, je n’y crois plus. C’est comme la fin de quelque chose, dit-elle. Je vote toujours sur un coup de coeur, comme dans le temps de René Lévesque. Et cette fois, mon coup de coeur, c’est Thomas Mulcair. Je le crois quand il parle. Il a l’air honnête. »
Les yeux d’Anne Lagacé Dowson pétillent en entendant ces paroles. On accompagne la candidate du NPD dans une tournée du quartier Villeray, au coeur de la circonscription. Tout à coup, un bénévole du parti arrive avec une affiche vandalisée — la fameuse pancarte où quelqu’un a barbouillé un niqab noir sur la photo de la candidate.
« Bien sûr que je suis mal à l’aise devant un niqab. Je n’en porterais pas. Mais ce n’est pas à moi de dire aux femmes quoi porter ou ne pas porter », dit Anne Lagacé Dowson, une ancienne journaliste à Radio-Canada/CBC.
Le Bloc québécois et le Parti conservateur exploitent à fond de train l’appui du NPD et du Parti libéral aux règles permettant à une musulmane d’assister à son serment de citoyenneté en portant un niqab, qui ne laisse voir que ses yeux. La majorité des Québécois s’opposent au port du niqab en public.
Ce voile musulman peut-il permettre à Gilles Duceppe et à Stephen Harper de marquer des points au Québec ? Demandons à Johanne Lachapelle, attablée à la terrasse du Petit Alep, rue Jean-Talon. « En tant que femme, j’ai d’énormes difficultés avec le niqab. Je sais aussi que Harper va essayer de jouer là-dessus. Mais ça ne m’empêchera pas de voter pour le NPD », dit-elle.
Vote stratégique
À la terrasse du café Larue, angle De Castelnau et Henri-Julien, les clients s’animent en jasant avec la candidate néodémocrate. « J’attends la dernière semaine de la campagne pour faire mon choix : je vais voter pour le parti qui a le plus de chances de battre le gouvernement Harper », dit Charles-Hugo Boucher, propriétaire du café. « C’est une élection historique, le NPD n’a jamais été aussi fort », répond Anne Lagacé Dowson.
L’homme d’affaires croit que Justin Trudeau a de bonnes chances de remporter l’élection — et de se faire élire dans Papineau. La marque libérale reprend de la vigueur, surtout en Ontario et dans les provinces de l’Atlantique. Et un chef de parti bénéficie d’une « prime à l’urne » qui favorise sa réélection dans sa circonscription, souligne Charles-Hugo Boucher.
« Justin est un député présent. Il nous a aidés à organiser la Fête nationale dans le quartier. J’ai aussi collé du plancher avec lui au centre communautaire Lajeunesse. Il travaille fort. Et c’est une machine à reconnaître les gens. Il se souvient du nom et du visage de tout le monde qu’il croise », dit-il.
« On appelle ça du charisme », lance un stratège libéral en souriant. Il estime que Justin Trudeau mène la meilleure campagne, parmi les cinq chefs. « On a aussi le meilleur programme, et Justin profitera du débat de jeudi pour le rappeler aux gens. C’est un moment décisif de la campagne. »
Les candidats
Beverly Bernardo — IndépendanteMaxime Claveau — Bloc québécois
Anne Lagacé Dowson — Nouveau Parti démocratique
Chris Lloyd — Indépendant
Peter Macrisopoulos — Parti marxiste- léniniste
Danny Polifroni — Parti vert
Justin Trudeau — Parti libéral du Canada
Yvon Vadnais — Parti conservateur du Canada
Kim Waldron — Indépendante