Justin Trudeau veut soulager la classe moyenne
Le chef du Parti libéral, Justin Trudeau, parle depuis maintenant deux ans de son désir de soulager la classe moyenne au pays. Lundi, il a dévoilé son jeu en promettant de se faire Robin des bois. Il entend remanier les paliers d’imposition afin d’alléger le fardeau fiscal des gens gagnant moins de 90 000 $. Le 1 %, lui, passera à la caisse.
Le plan libéral dévoilé lundi modifie les quatre paliers d’imposition actuels et en ajoute un cinquième au sommet. Ainsi, les gens gagnant entre 45 000,00 $ et 89 000 $ verront leur taux d’imposition passer de 22 % à 20,5 %. À l’autre extrémité, un nouveau taux de 33 % est instauré pour ceux gagnant plus de 200 000 $. La grille s’arrête présentement à 29 % pour les revenus excédant 138 586 $.
Comme Robin des bois
L’image est forte et on le reconnaît en coulisses : les Canadiens gagnant moins de 90 000 $ par année représentent la moitié de tous les contribuables au pays. Inversement, ils ne sont que 1 % à gagner plus de 200 000 $. Or, la somme qu’on va chercher dans les poches des uns (3 milliards $) est exactement la même que celle qu’on retourne dans celles des autres. « C’est un peu comme Robin des bois. On prend l’argent dans la poche du 1 % pour le redonner à la classe moyenne », explique un stratège qui requiert l’anonymat. Cette mesure est donc à coût nul pour Ottawa.
Allocations pour enfants
La seconde mesure proposée par les libéraux de Justin Trudeau touche les allocations versées aux ménages avec enfants. Encore une fois, les changements effectués ont pour effet de bonifier l’aide consentie aux familles de la classe moyenne en annulant celle accordée aux plus fortunées. Un gouvernement libéral promet ainsi d’abolir les deux programmes existants, soit la Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) destinée aux familles à faible revenu et la Prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE), versée à tout le monde. Ces programmes seront remplacés par une nouvelle Allocation canadienne aux enfants (ACE) qui prendra la forme d’un chèque mensuel non imposable.
Le montant de base de l’ACE libérale sera de 6400 $ par année par enfant de moins de six ans, et de 5400 $ pour tout enfant de six à 17 ans. Ce montant diminuera progressivement à mesure que le salaire combiné des parents augmente.
Encore une fois, les familles dont le salaire combiné dépasse 200 000 $ écopent : elles ne toucheront rien. Et là réside toute la stratégie libérale : mettre en évidence d’ici l’élection que le plan de Justin Trudeau sera plus généreux que celui de Stephen Harper pour les contribuables à revenus moyens parce que moins généreux que celui de M. Harper pour les contribuables fortunés.
Le graphique remis aux journalistes en fait la démonstration. Toutes les familles dont le revenu combiné est de 150 000 $ ou moins se retrouveront au final avec plus d’argent en poche qu’avec les prestations conservatrices actuelles. Par exemple, une famille de deux enfants gagnant un revenu combiné de 90 000 $ touchera 5875 $ par rapport à 3300 $ avec le plan conservateur. À 140 000 $, cette famille touchera encore 1075 $ de plus qu’avec le plan conservateur. Inversement, une famille de deux enfants gagnant 200 000 $ économisera 1950 $ de plus avec le plan conservateur qu’avec le plan libéral.
Modalités différentes
La PUGE conservatrice prend elle aussi la forme d’un chèque mensuel. Cependant, ce montant s’ajoute aux revenus imposables d’un contribuable. Le montant est donc amputé en fin d’année. Dans le cadre de son plus récent budget, M. Harper a bonifié la PUGE de 60 $ de plus par mois par enfant mineur. Les contribuables devraient recevoir en juillet un chèque rétroactif au 1er janvier de 360 $ par enfant. Ils devront économiser une partie pour payer l’impôt l’an prochain. Ce ne sera pas le cas avec l’ACE libérale.
Cette seconde mesure du plan libéral coûtera 22 milliards $ par année. La très grande majorité de cette facture sera compensée par l’économie engendrée par l’abolition de la PUGE (environ 8 milliards $), l’abolition de la PFCE (environ 10 milliards $) ainsi que l’annulation du fractionnement du revenu (2 milliards $) instauré cette année par les conservateurs.
Les libéraux n’ont pas révélé pour l’instant où ils iront chercher les 2 milliards $ restant. « On a promis de présenter des budgets équilibrés, alors cela sera expliqué dans notre cadre financier », explique un stratège en citant par exemple la fin des publicités partisanes, l’annulation de la hausse à 10 000 $ du plafond de cotisations aux CELI ou d’autres relocations de fonds.
Les libéraux entendent faire campagne sur ce document (qui dans sa facture même est présenté comme une plateforme électorale) tout l’été. Le thème en sera un de l’équité fiscale. Les libéraux entendent mettre en juxtaposition ces baisses d’impôt au fractionnement du revenu qui, de l’avis de tous les fiscalistes, ne bénéficiera qu’à 15 % de tous les ménages, et en particulier les plus aisés. « En instaurant le fractionnement du revenu, Harper nous a donné un thème de campagne. C’est un cadeau du ciel, qu’il fasse ça », conclut ce stratège.