Le statut du français dans l’Ouest scruté par la Cour suprême

Jour J, vendredi, pour Gilles Caron, ce camionneur franco-albertain qui tente de faire plier le gouvernement de sa province afin qu’il traduise l’ensemble de ses lois et permette la tenue de procès civils en français.
Les neuf juges de la Cour suprême ont entendu pendant près de cinq heures cette cause complexe qui pourrait avoir des retombées sur quelque 100 000 francophones de l’ouest du pays. Le tribunal devra déterminer, en se penchant sur des centaines de preuves historiques remontant à la genèse de la Confédération, si la reine Victoria s’est bel et bien engagée à préserver les droits linguistiques des Métis de la terre de Rupert, un vaste territoire duquel sont nés la plupart des provinces et territoires de l’Ouest. La Cour devra aussi établir si ces engagements ont une valeur constitutionnelle, ce qui voudrait dire qu’ils s’appliquent encore aujourd’hui à l’Alberta, à la Saskatchewan et aux trois territoires.
« Cette cause est d’une importance majeure pour tous les Canadiens, mais surtout pour les Métis francophones et la minorité francophone de l’Ouest canadien, a plaidé l’avocat fransaskois Roger Lepage, qui représente Gilles Caron depuis le début des procédures, en 2003. La violation des droits linguistiques est une plaie ouverte depuis 145 ans. Elle a mené à une assimilation dévastatrice. Il est temps d’y mettre fin. »
Le problème, pour M. Caron, c’est que les ententes entre Londres et les Métis ne mentionnent pas explicitement le maintien du fait français. L’Alberta et la Saskatchewan affirment que s’ils avaient voulu préserver de façon permanente le bilinguisme de leurs assemblées législatives et tribunaux, les décideurs en auraient fait la mention claire à la création des provinces en 1905, comme ce fut le cas au Manitoba en 1870, par exemple.
Si les juges de la Cour suprême sont appelés à trancher cette question, c’est parce que Gilles Caron, d’Edmonton, a choisi de contester une contravention routière qui lui avait été rédigée en anglais seulement, après avoir tourné sur un feu rouge. Douze ans et six procès plus tard, la Cour suprême rendra sa décision d’ici six à huit mois.
Quelle que soit la décision, la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne, Marie-France Kenny, qualifie d’« historique » l’audience de vendredi. « Ces audiences marquent l’aboutissement d’une démarche d’un citoyen franco-albertain qui, du moment qu’il a senti que ses droits linguistiques étaient lésés, a décidé d’aller jusqu’au bout pour les faire respecter », souligne-t-elle.
Aux yeux de Françoise Sigur-Cloutier, de l’Assemblée communautaire fransaskoise, une décision favorable « donnerait une plus grande légitimité » et un meilleur « pouvoir de négociation » aux minorités francophones de l’Ouest au moment de négocier avec les gouvernements.